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Grippe aviare au Burkina : 32 millions de gallinacés en danger

Publié le vendredi 17 février 2006 à 04h35min

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Dr Bernard Doulkoum

Détectés d’abord en Asie, puis en Europe, les foyers infectieux de la grippe aviaire ont atteint aujourd’hui l’Afrique. Confirmée au Nigeria et suspectée au Niger, l’épizootie sème la psychose au Burkina Faso. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré ce jeudi 16 février 2006, le docteur Bernard Doulkom, chef de service de la protection sanitaire à la direction de la santé animale.

Peut-on affirmer à l’heure actuelle que le Burkina Faso reste épargné de cette grippe aviaire ?

Le Burkina à l’heure où je vous parle n’est pas touché par la grippe aviaire. Mais nous pouvons dire que nous sommes en situation de menace. Quand la maladie sévissait uniquement en Asie et en Europe, c’était déjà une menace mondiale. Maintenant qu’elle est passée sur le continent africain, nous nous sentons plus menacés. Menacés au même degré que les voisins du Nigeria. Il ne faut pas oublier que la grippe aviaire est propagée par les oiseaux migrateurs et il se trouve que le Burkina est situé sur l’itinéraire de ces volatiles. Mais ce qui est sûr, l’on n’a pas encore enregistré de cas au Burkina.

Mais concrètement, comment se manifeste la maladie aussi bien chez le poulet que chez l’homme ?

Je pourrai vous parler de la manifestation chez les animaux. Mais chez l’homme, je ne voudrai pas m’y aventurer. Mieux vaut vous adresser à un médecin. (Ndlr : le Dr Doulkom est spécialiste en santé animale). Au niveau de l’animal, il y a deux cas possibles. Si la grippe est causée par le virus influenza aviaire faiblement pathogène, les manifestations sont discrètes, voire assymptomatiques avec une légère baisse de la ponte et quelques troubles respiratoires et digestifs.

Par contre lorsqu’il s’agit de la maladie provoquée par l’influenza aviaire hautement pathogène, l’évolution est très rapide. En deux ou trois jours, on atteint des mortalités très élevées pouvant aller jusqu’à 100%. Il y a là-aussi, une baisse de la ponte, des troubles respiratoires, digestifs et nerveux. L’animal est touché par des lésions de congestions au niveau des reins, de la grappe ovarienne. La crête de l’animal peut être congestionnée ou cyanosée (coloration bleue ou bleuâtre). Il peut avoir des œdèmes (gonflements) au niveau des yeux.

Quels sont les moyens de contamination de l’animal à l’homme ?

La transmission à l’homme a été constatée chez les professionnels de la volaille. C’est essentiellement dans les pays asiatiques où on a des cas de grippe humaine. Là-bas, le système d’élevage est très confiné. La quantité de virus rejetée par la respiration des animaux dans l’atmosphère est très grande. Par inhalation, l’homme peut contracter le virus. Mais il est très difficile à l’heure actuelle d’établir la possibilité de contamination de l’homme à l’homme.

Et le consommateur de poulet ? Il ne court aucun risque ?

Celui qui consomme la viande, que je suppose préparée, n’est pas forcément en danger. Le virus est sensible à la chaleur. S’il y a beaucoup d’hygiène, sans mélange avec la viande crue, il n’y a aucun danger. Par contre, ceux qui préparent la volaille, qui la manipulent ou qui les soignent (comme les vétérinaires) peuvent contracter la maladie.

Parlez-nous maintenant des dispositions prises face au risque de propagation de la grippe aviaire dans notre pays ?

Il existe déjà un plan de riposte. Je voudrai d’abord dire que nous avons depuis 2004 pris des mesures. Il y a d’abord un arrêté qui interdisait les importations de volaille en provenance des pays touchés par la grippe aviaire. En 2005 et 2006, nous avons actualisé cet arrêté vu l’augmentation du nombre de pays touchés. Ensuite, il y a cet arrêté interministériel portant création du comité technique national de prévention et de riposte contre la grippe aviaire hautement pathogène. On peut citer aussi le plan de prévention et de riposte adopté en conseil de ministre.

Mais concrètement, la prévention et la riposte consisteront à quoi ?

Ce plan de prévention et de riposte concerne trois ministères : la Santé, parce que c’est une zoonose, la maladie pouvant passer de l’animal à l’homme, les Ressources animales parce que c’est une maladie qui concerne les animaux, et l’Environnement parce qu’il s’agit d’oiseaux migrateurs. Au niveau du ministère des Ressources animales, nous avons un réseau de surveillance épidémiologique. Nous sensibilisons les techniciens de Laboratoire, les éleveurs et l’ensemble des services partenaires. A Ouaga et Bobo, nous avons beaucoup sensibilisé les aviculteurs. Un budget est prévu pour l’acquisition de moyens comme le matériel de désinfection, de protection, d’abattage, et du vaccin.

Le budget ne prévoit-il pas de fonds d’indemnisation aux aviculteurs en cas d’abattage de la volaille ?

Je ne peux pas répondre à cette question en tant que telle. Dans le plan de lutte, cela est prévu. Mais maintenant, c’est le financement qui est le nerf de la guerre. Si nous obtenons l’argent, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas d’indemnisation. Par exemple, dans la lutte contre la peste porcine africaine, au niveau de la province de la Kompienga, les éleveurs ont été indemnisés. C’est une condition sine qua non à la réussite de l’abattage. Sinon, les éleveurs pourraient ne pas faire tuer leurs animaux.

Alors le plan d’éradication de la maladie échouera. Mais si après étude l’on se rend compte que même avec l’indemnisation l’on ne peut rien face au fléau, alors on ne prévoit pas d’argent pour les éleveurs. Au cas où il y aurait un foyer de grippe aviaire, l’on prendra des mesures de prophylaxie sanitaire c’est-à-dire abattage au niveau du foyer et éventuellement vacciner autour du foyer. Je ne peux dire si oui ou nom il y aura des indemnisations mais ce qui est sûr, le plan en tient compte.

Vous parlez de vaccins. Est-ce à dire que l’on peut prévenir la grippe aviaire par la vaccination ?

Oui, il y la possibilité de prévenir par le vaccin. Nous avons déjà pris des contacts avec un Laboratoire pour avoir les vrais produits. En associant la vaccination à l’abattage, la grippe aviaire peut être éradiquée. C’est selon la situation que nous allons décider s’il faut abattre ou faire vacciner la volaille. Les différentes analyses nous situeront.

Sur le plan économique, quelle est l’importance de la volaille dans notre pays ?

En terme chiffré, nous avons entre 30 et 32 millions de têtes de volaille. Cela est très important. Ce sont des animaux de cycles courts donc de renouvellement rapide. Si l’on considère que le cycle est de 6 mois, cela veut dire qu’en une année, le nombre de la volaille peut être multiplié par deux. Sur le plan économique, on peut dire que la volaille est une ressource économique très importante.

Un appel à lancer ?

Aux éleveurs, nous leur demanderons de respecter les règles d’hygiène, de pratiquer un élevage conventionnel. Avec la pression démographique, l’on évolue vers le confinement qui est un facteur de propagation rapide de la grippe aviaire. Aux manipulateurs de poulet comme les rôtisseurs, il faut éviter les poulets morts. Chaque fois qu’ils rencontre un poulet mort, il faut éviter de les manipuler. Chacun de nous doit se considérer comme agent de renseignement et alerter les structures compétentes du moindre cas suspect.

Entretien réalisé par Alain Saint Robespierre
Observateur Paalga

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