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Découverte de l’or à Komtoèga : Un eldorado économique en gestation

Publié le mardi 14 février 2006 à 07h19min

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Komtoèga est en « ébullition » depuis plus de deux mois. Et pour cause, la ruée vers l’or mobilise les cœurs et les esprits des orpailleurs des quatre coins du Burkina Faso vers cette bourgade située à 160 kms de Ouagadougou dans la province du Boulgou. Pour en savoir davantage, un tour sur le site s’avérait nécessaire.

A 7 km de Komtoèga, la recherche du métal jaune se conjugue au présent. Un demi-millier d’enfants, de jeunes, de femmes et d’adultes bravent la poussière et la canicule au profit du métal précieux. La ruée vers l’or est perceptible au vu du mouvement des populations.

Le jour, le village se vide de ses bras valides pour le site d’or. L’engouement, suscité par la découverte du métal jaune, a transformé ce lieu en un espace communautaire où s’entremêlent et s’entrechoquent l’intensité et les rudiments d’un eldorado économique. Un marché côtoie le centre de traitement où chevauche une trentaine de tentes en seccos.

Des familles entières ont investi le site avec comme logement des huttes de fortune. Des objets de distraction tels les baby-foots permettent de décompresser les orpailleurs.

Des vidéo-clubs, des buvettes, des restaurants et des toilettes publiques agrémentent le quotidien de ce beau monde.

Le soleil est au zénith en cette matinée. Le vent soulève la poussière. Issa Kaboré n’en a cure. Il s’évertue à laver le sable en nourrissant le secret espoir d’y découvrir de l’or.

Fort de 15 ans d’expérience dans la recherche de l’or, le jeune orpailleur a roulé sa bosse dans des sites de la Gnagna, de Bittou, de Ziga, de Mankaraga avant de poser sa valise à Komtoèga. Débout, les yeux fixés sur la rampe de lavage, la prunelle de ses yeux brille au fur et à mesure que l’eau ocre et jaune coule de son récipient. En face de lui, un autre orpailleur suit de près l’effet de l’eau sur le sable lavé. De temps à autre, il remue le sable fin afin d’y voir si rien ne brille. Dans cet exercice, Issa trouve par moment des grains d’or. Cependant, comme tout orpailleur, le nombre de grammes d’or trouvé est un secret dans le milieu. Par peur d’être l’objet de convoitise des petits bandits, les orpailleurs préfèrent taire la quantité de métal jaune récoltée par jour.

En toute bonne foi, ils ne manquent pas de confier que le produit récolté et vendu leur permet de subvenir à leurs besoins. En aparté, un jeune homme confiera que depuis la découverte de l’or à Komtoèga en décembre 2005, le nombre de motos neuves a sensiblement augmenté. L’ambiance des lieux montrent à plus d’un titre que Komtoèga vit au rythme des pépites d’or. Sous la trentaine de tentes des coups de marteau crépitent en vue de broyer les roches.

Au minimum, chaque hangar de traitement de l’or abrite une dizaine de personnes. Certains broient des minerais, d’autres lavent le sable, d’autres encore préparent les sacs de pierre à écraser. La causerie va bon train malgré le nuage de poussière et le vent qui par moment prennent d’assaut le site de traitement.Des enfants de deux à trois ans sont aux pieds de leur mère jouant avec des roches.

Les affaires se font et se défont

Tout est argent et or sur ce site. Le Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP) et la police économique veillent au grain. N’empêche que les marchés parallèles de vente d’or se développent à côté de ceux officielle. Ainsi, le gramme d’or est vendu officiellement en fonction de la qualité, selon le représentant du CBMP, Salif Sawadogo, entre 4 500 et 5 000 F CFA. Officieusement, des individus achètent en privé le gramme d’or à 7 500 F CFA auprès des orpailleurs. Les affaires se font et se défont. Non loin, à 100 mètres environ, se trouvent les mines creusées par les orpailleurs. Il est 13 h 50 mn.

Souleymane Ouédraogo vient de sortir d’un filon de 5 m de profondeur. La sueur perle sur son front. Il a en tout trois torches. Une est fixée sur le côté droit de sa tête. Dans sa main gauche, la deuxième torche et, la troisième pend à son vêtement. Il fait partie des jeunes recrutés par un « patron » pour creuser les mines d’or. Reprenant son souffle, le jeune Ouédraogo explique qu’il est venu de Ouahigouya pour chercher de l’or à Komtoèga. En compagnie de dix autres orpailleurs, ils creusent la mine en suivant le filon.

Après avoir creusé, s’ils recueillent dix sacs de roches, susceptibles de renfermer le métal jaune, ils se partagent les sacs. « Le patron » a droit à cinq sacs et les orpailleurs cinq sacs à partager entre la dizaine de personnes. Selon leur explication, « le patron » a droit à cinq sacs du fait qu’il leur procure le gîte et le couvert. Or, le travail n’est pas toujours aisé. La dureté du sol oblige souvent les orpailleurs à passer dix jours sans pouvoir creuser 5 m de profondeur. Pour pallier la difficulté, les dynamites sont parfois utilisées lorsque cela est de besoin.

Depuis la découverte de l’or, Komtoèga semble être le point de convergence de tous les orpailleurs du Faso. Mieux, des femmes et des jeunes trouvent leur compte en vendant soit du riz, soit de la viande grillée. Mme Adjara Tankoano est venue de Pouytenga en compagnie de toute sa famille. Pendant qu’elle vend du riz et du « benga », son mari cherche de l’or dans les trous de filon d’or. Tout en se plaignant de la poussière et du vent qui s’invitent dans ses plats, elle confie que les affaires marchent. Une petite unité industrielle faite de moulin à broyer les gravillons de roche en sable fin a été implantée.

Là, dans la poussière, près de trente machines sont au four et au moulin. Le vacarme des machines est si fort que pour communiquer, il faut élever la voix. Mieux, il faut crier pour se faire entendre. La poudre blanche et âcre soulevée par les moulins déteignent tout sur leur passage. Les individus deviennent blancs au contact de la poussière de granit. Les visages sont méconnaissables, empourprés. Les gérants de ces moulins font de bonnes affaires. Ils peuvent engranger 10 000 F CFA par jour en raison de 2 000 F CFA l’unité du pot du gravillon à moudre.

« L’ombre de Naaba Salma »

Komtoèga permet à travers son site à des milliers de jeunes de se sentir revivre, selon le préfet Ibrahim Soré. Pour des personnes rencontrées sur le site, la découverte de l’or est « une bénédiction de Dieu » et un quitus donné à l’autorité du chef de Komtoèga, Naaba Sembdo, fils de Naaba Salma dont le nom signifie « or ». Le métal jaune, pour une fois, a permis, selon des témoignages, aux ennemis d’hier d’être des amis d’aujourd’hui. « Aujourd’hui, nous sommes dans la paix, nous sympathisons autour et sur le site d’or », a lancé un jeune du fond d’une mine d’or. Le préfet du département, Ibrahim Soré bien que n’ayant pas encore effectué de visite sur le site, reçoit des signaux de paix entre les populations.

Selon lui, le site a des retombées économiques du fait qu’il contribue à résorber le chômage des jeunes. Mais à côté, souligne le préfet, le revers de la médaille existe. La drogue, la prostitution, les petits larcins sont le lot des sites d’orpaillage selon lui. Pour l’instant, le représentant du CBMP, Salif Sawadogo, coordonnateur des travaux sur le site, reconnaît l’existence des stupéfiants et de la prostitution. Quant au vol, il n’en a pas encore entendu parler sur le site.

Les orpailleurs unanimement reconnaissent que le site de Komtoéga est l’un des meilleurs sites d’or du Burkina. Selon eux, l’organisation du site et l’ambiance qui y règne ne les laissent pas indifférents. Et même s’ils ne le disent pas ouvertement, ils demeurent fondés dans l’espoir que l’or de Komtoèga changera le cours de leur existence. Et l’information de cette découverte s’est répandue comme une traînée de poudre dans la région du Centre-Est. L’on pouvait constater des jeunes en train de décharger des bagages constitués de lits, de matelas et du nécessaire pour une installation de longue durée.

De gauche à droite sur le site de traitement de l’or ou sur l’espace de marché, les uns et les autres élèvent qui, des tentes, qui des hangars pour s’offrir l’opportunité de participer à la ruée vers l’or. Et cette ruée fait du canton de Naaba Sembdo, un lieu où la force de la nature triomphe de la rancœur des hommes. L’or de Komtoèga aura eu le mérite à tout point de vue, comme l’a souligné Aboudou Nikièma, vendeur ambulant de cigarettes et de bonbons qui dort à la belle étoile, de purifier le cœur des populations de ce canton. L’or et la paix sont désormais deux mots chers aux habitants de ce département.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Siwaya

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