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Grippe aviaire : Le Burkina Faso n’est pas à l’abri

Publié le lundi 13 février 2006 à 08h21min

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Dr Bernard Doulkoum

La grippe aviaire est arrivée en Afrique. Depuis quelques jours en effet, on signale la présence de cette “ maladie des oiseaux ” au Nigeria. Le Burkina Faso est-il à l’abri de cette maladie ? Est-il prêt à faire face à une éventuelle épizootie de grippe aviaire ? Comment se transmet-elle à l’homme et quels sont ses symptômes ?

Ce sont là quelques questions que nous avons posées au Dr Bernard R. Doulkom, vétérinaire et chef du service de la protection sanitaire à la Direction générale des services vétérinaires (DGSV).

Sidwaya : Est-ce que le Burkina Faso est menacé par la grippe aviaire ? Dr Bernard Doulkom (BD) : Oui, le Burkina Faso est menacé. Même quand le problème ne concernait que quelques pays asiatiques et européens, il y avait une menace sur le Burkina, sur l’Afrique et sur le monde entier, d’une façon générale.Vous savez que ce sont les oiseaux migrateurs surtout qui peuvent introduire cette maladie ; or, justement, c’est actuellement la période des migrations. Avec l’hiver dans les pays tempérés, le climat devient rude et les oiseaux migrent pour trouver des zones plus clémentes, notamment l’Afrique. Ils y restent pour passer l’hiver et repartent pendant l’été. Ce faisant, ils transportent le virus. Il y a plusieurs routes d’oiseaux migrateurs qui ont été recensées et le Burkina Faso se trouve sur ces routes.

Il y a deux à trois voies de migration des oiseaux qui passent par le Burkina Faso. Par ce fait donc, le Burkina Faso est menacé, sans oublier que le Nigeria n’est pas trop loin du Burkina.

Au regard des échanges humains et des échanges d’animaux, la maladie peut rapidement venir dans notre pays. Tous les pays sont menacés et c’est pourquoi il s’agit d’un problème mondial.

Sidwaya : Quelles sont les dispositions prises pour faire face à cette épizootie ?

Dr BD : Il y a beaucoup de mesures qui ont été déjà prises. Depuis 2004 par exemple, la Direction générale des services vétérinaires a pris un arrêté interdisant l’importation de volailles et de produits de volailles en provenance des différents pays incriminés, notamment ceux du continent asiatique. Ces pays ont été listés sur l’arrêté, qui a été actualisé en 2005.

Il y a également un arrêté interministériel qui est dans le circuit, et comme il concerne plusieurs ministères, il n’a pas encore été signé. Cet arrêté implique un certain nombre de ministères, pour que la lutte soit vraiment nationale. C’est un comité interministériel de lutte contre la grippe aviaire ; l’arrêté concerne donc la composition, les attributions, le fonctionnement etc. du comité de lutte contre l’ épizootie.

Nous avons aussi tenu à sensibiliser les différents acteurs, notamment les aviculteurs. C’est ainsi que ceux de la ville de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ont appris, lors d’une réunion, à mieux connaître la grippe aviaire, ses menaces, ce qu’il faut faire, notamment par rapport aux importations de volailles. On les a invités, par exemple, à éviter les importations anarchiques de volailles et à respecter la réglementation en la matière. Nous avons ensuite sensibilisé nos techniciens, qui ont besoin de mieux connaître la maladie pour pouvoir la surveiller. Ils font partie de notre réseau de surveillance, qui suit un certain nombre de maladies, notamment la peste bovine, la peste porcine africaine, et bien d’autres.

Avec l’apparition de cette nouvelle maladie, nous sommes en train de les sensibiliser pour dire qu’en tant qu’éléments du réseau, ils doivent prendre d’autres maladies en compte, notamment la grippe aviaire, afin de pouvoir la signaler. Dans notre réseau, il y a un certain nombre de postes vétérinaires au niveau des frontières, à des lieux stratégiques, qui sont au nombre de 100, dont 45 sont des postes de surveillance active et 55 des postes de surveillance passive. A ce niveau, il y a des agents qui sont formés pour réagir et porter l’information par rapport à certaines maladies. Comme nous avons comptabilisé en plus la grippe aviaire, il fallait réactiver ce réseau.

Nous avons également sensibilisé les partenaires, tels que les agents de l’Environnement ; nous avons eu des réunions avec ceux de la Santé, pour mieux coordonner nos activités. Ils ont eux aussi un réseau de surveillance. Notre stratégie est d’impliquer tous ces ministères qui peuvent être des composantes potentielles pour prévenir l’épizootie. Voilà des actions que nous avons eu à mener.

Sidwaya : Comment la grippe aviaire se transmet-elle à l’être humain ?

Dr. BD : Vous savez, cela a commencé comme étant une maladie aviaire, mais on s’est rendu compte aussi que les oiseaux excrètent le virus. Ainsi, le virus peut se transmettre par des sécrétions pulmonaires et digestives, telles que les “ fécès ” et les “ fientes ”. Ce faisant, les oiseaux sauvages, notamment les oiseaux migrateurs peuvent contaminer ceux de la basse-cour et même l’eau. Lorsque l’homme est en contact avec ces éléments, il peut y avoir transfert de virus, parce que des cas de grippe chez l’homme ont été constatés.

Le plus souvent, ce sont des gens qui ont été en contact avec les oiseaux, notamment les volailles et dans les pays asiatiques où il y a un système d’élevage qui est reconnu c’est-à-dire qu’il y a une surpopulation des animaux dans une surface très restreinte, qui augmente la charge virale. C’est la transmission de l’homme à l’homme qui n’a pas encore été vérifiée, et c’est ce que nous craignons. En effet, on ne connaît pas tous les tenants et les mécanismes de cette maladie émergente, Sinon, c’est une maladie professionnelle, qui touche surtout ceux qui sont en contact direct avec les volailles : les aviculteurs, les vétérinaires...

Sidwaya : Et les symptômes de la maladie chez l’homme ?

Dr. BD : Ce sont surtout des difficultés respiratoires, mais j’aimerais que vous posiez la question à un médecin, parce que moi je connais les manifestations de la grippe aviaire chez les animaux. Des cas de grippe humaine, je n’en ai pas vus, mais j’en ai entendus parler, et je sais que ce sont des manifestations respiratoires, qui se terminent souvent par la mort.

Propos recueillis par Moustapha SYLLA (moussy_2020@yahoo.fr)


Le Dr Sosthène Zombré, directeur général de la Santé apprécie la situation

La grippe aviaire détectée en Asie tente de pénétrer l’Afrique. Elle a été signalée chez nos voisins du Nigeria. Est-elle une menace pour le Burkina ? Des dispositions ont-elles été prises ? Quels sont les signes chez l’homme ? Y a-t-il une disponibilité en médicaments ? La conduite à tenir !

La grippe aviaire est une maladie qui attaque la volaille et à priori, c’est le ministère des Ressources animales qui, actuellement, s’occupe de la question. Mais, il y a un risque très important pour la santé humaine. Et dès le départ, le ministère de la Santé a été au-devant de la scène et nous travaillons d’un commun accord avec le ministère des Ressources animales pour juguler une éventuelle épizootie de la grippe aviaire au niveau de notre pays et surtout, le passage du virus à l’homme.

Dans ce cadre donc, nous avons déjà au niveau du ministère de la Santé et sur instruction du ministre depuis le mois de septembre-octobre, élaboré un plan de riposte pour les questions de santé humaine et ce plan a ensuite été reversé dans un plan de riposte à une éventuelle grippe aviaire en prenant en compte les questions des ressources animales celles de l’environnement.

Nous avons actuellement un plan national et à côté de cela, un plan d’action sectoriel santé. Il y a également un comité interministériel qui a été mis en place et qui n’a pas encore commencé ses réunions mais il y a un noyau composé d’éléments du ministère de la santé humaine et de la santé animale qui font un travail qui consiste à mettre à jour le plan national qui a déjà été élaboré d’autant plus qu’il y a deux grandes réunions qui ont été organisées tout récemment, l’une par l’OMS et l’autre par l’UEMOA pour pouvoir proposer un plan régional et ensuite, des plans nationaux. Toutes les recommandations qui ont été faites à ces réunions ont été reprises dans notre plan national que nous allons bientôt soumettre au Conseil des ministres.

Avant cela, toujours dans notre collaboration avec le ministère des Ressources animales, il y a un certain nombre d’arrêtés qui ont déjà été pris pour interdire l’importation de la volaille, qu’elle soit sur pied ou sous forme consommable de viande, tous les produits dérivés des volailles (œufs, poussins) en provenance des pays qui sont déjà contaminés, endémiques de la grippe aviaire (Asie). On a étendu cet arrêté aux pays d’Europe orientale, Russie, Irak, Turquie et actuellement avec la situation au niveau du Nigeria, l’arrêté va s’étendre à ce pays. Ce sont là des dispositions qui sont mises en œuvre pour pouvoir contrer l’importation de la grippe aviaire chez nous et surtout pour éviter que la maladie ne passe à l’homme.

De la disponibilité des médicaments

L’OMS prévoit que si l’épidémie traverse le monde, nous risquons de connaître au moins entre 2,5 et 7 millions de décès. Cela veut dire que c’est extrêment dangeureux et le gouvernement est très conscient de cette situation et toutes les mesures de protection sont prises. Le médicamment existe, mais il n’est pas produit en quantité suffisante, donc les pays qui ont les moyens ont tout raflé et mis à l’abri leur population. En ce qui nous concerne, l’OMS a constitué un stock de 3.000.000 doses de traitement et nous espérons pouvoir mobiliser quelque chose au cas où il y aurait un problème et si seulement le problème ne s’étend pas à beaucoup de pays et au monde entier. Voilà un peu la situation au niveau mondial et au niveau de notre pays.

Avec la situation au Nigeria maintenant, nous allons lancer le processus dans notre équipe et des fiches de définition de cas à l’intention du personnel de santé seront ventilées très rapidement ainsi que des directives très claires seront données au personnel pour la surveillance épidémiologique pour que des cas suspects puissent être rapidement signalés au niveau central pour faire la différence entre une grippe simple et la grippe aviaire. Les signes de grippe aviaire sur l’homme se manifestent par la fièvre, des céphalées, des éternuements, la toux. La différence avec la grippe simple, c’est que lorsque c’est le virus H5 N1, ça va très vite, les symptômes sont très intenses et la mort peut survenir rapidement. Sur le plan de la santé humaine, nous avons quelques conseils à prodiguer à la population : éviter de manipuler des volailles vivantes ou mortes directement.

Si on veut manger de la viande de volaille, bien la cuire avant de la consommer. Pour ce qui est du grand élevage, éviter de laisser la volaille à l’air libre car elle peut facilement se faire contaminer. Et si quelqu’un constate des morts anormales au sein de sa volaille, il faut le signaler très vite aux services vétérinaires et détruire les cadavres de volailles par le feu. Parce que si le problème est au Nigeria, il n’est pas certain qu’il ne soit pas déjà chez nous. Quand bien même nous n’avons pas de cas confirmés, le risque est grand ”.

Propos recueillis par Mamina SAM

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 13 février 2006 à 10:24, par KAFANDO M. Joseph En réponse à : > Grippe aviaire : Le Burkina Faso n’est pas à l’abri

    Félicitations aux deux ministères concernés par ce problème et tout leurs techniciens qui ne cessent de se sacrifier pour leur pays. Dans la ville de Ouagadougou, les vendeurs de volailles élèvent, tuent,jettent leurs intestins au milieu des foules, sur les terrains des jeux des enfants, aux abords des concessions. Comme exemple vivant, allez vérifier le coté sud-ouest du Rond point de la patte d’Oie. Verrez par vous même que si la peste aviaire se déclanchait à Ouagadougou, ce lieu serait un point privilégié pour la contamination de la ville. Merci.

    • Le 13 février 2006 à 13:23 En réponse à : > Grippe aviaire : Le Burkina Faso n’est pas à l’abri

      C’est dommage que nos techniciens soient toujours incapables d’expliquer ce que c’est que la grippe aviaire et que des ministères concernés, malgré l’urgence de la situation n’accordent toujours pas leurs violons. Où se situe le blocage ? Certainement au niveau de la gestion du "gombo", au détriment de la santé publique.
      Cette maladie est un problème de santé publique. Le ministère des ressources animales est incompétent car ce n’est pas dans ses attributions. Il est temps de revoir notre système de santé car si une épidémie éclate au faso, les laboratoires européens ne nous cèderont pas leur tamiflu (médicament contre la grippe aviaire) gratuitement. Il faut compter sur nous mêmes et ne pas se leurrer à attendre une quelconque aide internationale car elle n’arriverait pas avant que la situation ne soit vraiment catastrophique. A-t-on commencé à constituer des réserves de médicaments ? Disposons-nous de moyens techniques pour détecter le virus ou en cas de malheur enverrons nous les échantillons en Europe pour des analyses ? Rien n’est encore fait et il faut arrêter les interviews et les applaudissements de complaisance.

      YVON.

      • Le 13 février 2006 à 20:48, par Bila de Dakar En réponse à : > Grippe aviaire : Le Burkina Faso n’est pas à l’abri

        Mon cher Yvon vous n’avez rien compris au problème de la grippe aviaire.
        Primo : même si le Burkina avait les moyens il ne trouverai pas actuellemnt suffisamment de médicament pour protéger sa population
        Secondo : La transmission à l’homme est encore de quelques cas mais pas sytématique. Par contre les dégats sur la volaille est catastrophique : si un cas était découvert dans une région du Burkina il faudra tuer toute la volaille de cette région. mesures tu l’impact économique sur la population ?
        Tertio : la maladie n’est pas encore signaler au Faso. La seule stratégie qui vaille donc actuellement est de l’en empecher par tous les moyens.
        Conclusion la démarches actuelles des Minitères concernés sont pertimentes même s’il faut que l’état accélère le mouvement.
        Il ne sert à rien de dresser des conflits de compétence entre les differents services spécialisés au nom de je ne sais quel bas intérets.
        Pour ton ghouverne sache que le ministère des ressources animales est institutionnellemnt un acteur important de la santé publique.

  • Le 13 février 2006 à 19:21, par ally En réponse à : > Grippe aviaire : Le Burkina Faso n’est pas à l’abri

    Le BF n’est pas prêt à affronter la grippe aviaire. c clair.
    c pas quelques services veterinaires qui arrêterons le virus

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