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CILSS : "La désertification progresse", affirme M. Arba H. Diallo

Publié le vendredi 30 janvier 2004 à 07h08min

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Mme Maria Helena Semedo, présidente du comité de parrainage de la Fondation pour le développement humain durable du Sahel et M. Arba Hama Diallo, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification (CCD) étaient parmi les invités du sommet. Chacun a apprécié selon l’optique de ses missions, le travail qui se fait au Sahel.

Sidwaya (S.) : Mme la présidente du comité de parrainage de la Fondation pour le développement humain durable du Sahel, qu’est-ce que cette fondation ?

Mme Maria Helena Semedo (M.H.S.), présidente du comité de parrainage : L’idée de la fondation est de pouvoir générer des fonds pour financer les activités du CILSS dans le cadre de la sécurité alimentaire, de la gestion durable des ressources naturelles au Sahel. L’approche est d’amener les activités du CILSS à être moins dépendantes des contributions des pays membres, qui ne sont pas régulières. Cela crée des difficultés quant à la mise en œuvre des actions de développement. L’idée est de créer un fonds et avec les ressources générées par ces fonds, financer les réalisations du CILSS.

Le capital initial de ce fonds provient en partie des contributions des Etats membres, 33 %, les organisations internationales, 33 %, la société civile africaine et internationale se partage 34 %.

S. : La Fondation va-t-elle remplacer le Club du Sahel, ou vient-elle en complémentarité de celui-ci ?

M.H.S. : La Fondation ne va pas remplacer le Club du Sahel. Celui-ci va continuer ses activités de réflexion, de partenariat des pays membres. La Fondation se consacrera au financement des activités du CILSS. Les deux structures travaillent dans la même direction, mais avec des financements différents.

S. : N’y a-t-il pas risque de confusion dans la mobilisation des fonds ?

M.H.S. : La Fondation fait la mobilisation des fonds dans les pays membres du CILSS, dans la société civile africaine et auprès des partenaires internationaux.

Le Club du Sahel fait la recherche des financements dans les pays membres du Club du Sahel, qui sont aussi des partenaires du CILSS. Ces partenaires peuvent faire les deux choses. Ils peuvent le faire à travers le Club du Sahel, mais aussi financer le fonds de dotation de la Fondation.

Exemple, si nous avons une situation de catastrophe, la mobilisation des ressources prend énormément de temps. Le CILSS doit lancer un appel. Le Club du Sahel va approcher les Etats membres ; il faut avoir un budget ... On perd un temps fou.

Alors que si les ressources de la Fondation existent, elles peuvent être mobilisées immédiatement. Cela va donner plus de flexibilité au CILSS dans la gestion des crises alimentaires, des problèmes de sécheresse. Ces ressources peuvent également financer des projets de développement.

S. : L’initiative du fonds rencontre-t-elle l’adhésion des Etats membres du CILSS. Nous croyions savoir que seuls trois Etats ont déposé les instruments de ratification ?

M.H.S. : Les Etats y adhèrent. C’est un problème d’agenda entre les parlements et les exécutifs des pays membres. Cinq parlements ont déjà ratifié (NDLR : le Burkina en fait partie), trois ont déposé les instruments de ratification, deux ne l’ont pas fait (NDLR : le Burkina s’apprête à le faire).

Lorsque les deux vont déposer les instruments de ratification, il y aura la majorité qualifiée pour que la Fondation démarre ses activités.

S. : Vous avez été pendant longtemps, ministre coordonnatrice du CILSS, aujourd’hui vous présidez le comité de parrainage, qu’est-ce qui vous fait courir tant ?

M.H.S. : Pendant la période où j’ai été ministre coordonnatrice du CILSS, je me suis attachée à cette organisation et les problèmes qu’il rencontre me tiennent à cœur.

En ce moment, je suis la représentante de la FAO au Niger. Je m’investis dans la sécurité alimentaire, comme au CILSS.

Je fais bénévolement ce travail, parce que j’y crois et j’ai des compétences que je veux mettre à la disposition de l’organisation et des peuples sahéliens.

S. : Quelle coopération existe entre les pays membres du CILSS et la Convention des Nations unies de lutte contre la désertification (CCD) ?

M. Arba Hama Diallo (A.H.D.), secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification (CCD) : Nous avons signé un nouvel accord à travers lequel entre le secrétariat de la CCD et le secrétariat du CILSS, nous organisons les modalités pratiques par lesquelles nos institutions vont se mettre davantage à la disposition des Etats membres pour les aider dans l’identification, la formulation et la mise en œuvre de projets concrets qui entrent dans le cadre de leurs programmes d’action nationaux. Grâce aux efforts conjoints des secrétariats de la CCD et du CILSS, nous avons réussi à intéresser un certain nombre de partenaires à ces actions spécifiques ; il s’agit en particulier de projets sur la culture du palmier dattier en Afrique de l’Ouest, sur l’acacia senegal en Afrique de l’Ouest, d’un projet transfrontalier de pastoralisme entre le Mali et le Niger, entre le Mali et le Burkina, entre le Niger et le Burkina.

Nous espérons démarrer ces actions concrètes dans les trois mois à venir. Même si la communauté internationale a mis du temps à mobiliser des ressources qu’il faut au profit de ces activités-là, nous pensons que ce que nous allons réaliser, constitue du concret, même si c’est modeste.

Si les deux secrétariats continuent de travailler la main dans la main, nous pouvons créer les synergies nécessaires pour ce qui concerne les activités prioritaires qui ont un impact certain tant au niveau national qu’au niveau des pays membres du CILSS.

S. : Après trente années d’activités du CILSS, quel regard jetez-vous sur les résultats obtenus ?

A.H.D. : En trente ans, nous avons réussi à alerter l’opinion internationale sur d’une part, que la désertification n’est pas un problème local, d’autre part, que c’est un problème qui a un impact global et pour lequel on a nécessairement besoin d’attirer l’attention de l’opinion internationale. Car la lutte contre la désertification ne doit pas être seulement le fait des Sahéliens, mais l’affaire de la communauté internationale. Ne pas lutter contre la désertification favorise les conditions de dégradation des sols, des ressources naturelles qui appauvrissent ces pays et les rend plus vulnérables à la dégradation des sols, aux changements climatiques et à la perte de la biodiversité.

C’est trente ans d’efforts qui sont en train de créer les conditions pour une meilleure connaissance de ce que c’est que la désertification et pour un meilleur effort concerté de lutte contre la désertification, aux plans local, national et régional.

S. : La désertification, après trente ans de lutte, a-t-elle reculé ou avancé ?

A.H.D. : La désertification progresse. Quand vous allez au Nord du Burkina dans le Soum, le Séno, l’Oudalan ou la Yagha, même dans l’Oubritenga, avant, c’était des poches de désertification, aujourd’hui ce sont des poches assez larges de sols qui sont dégradés, souvent d’une manière irréversible.

La désertification avance. En Mauritanie, des pays qui ne sont pas du Sahel comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo où les formes de dégradation poussées sont de plus en plus manifestes.

Le désertification avance parce qu’il ne faut pas penser que c’est la seule lutte au monde qu’on peut mener sans effort. S’il n’y a pas d’effort, la dégradation que l’on a constatée et que l’on constate, risque de perdurer, de se renforcer au détriment des conditions de subsistance de millions de populations de par le monde et des milliers surtout de par le monde.

S. : Est-ce qu’à la lumière des résultats de ce sommet, vous avez senti la volonté politique des autorités sahéliennes ?

A.H.D. : J’ai le sentiment qu’elle est en train de prendre corps. Je l’ai senti à travers la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), particulièrement à la dernière conférence qui s’est tenue à La Havane en août dernier. On s’est rendu compte que c’est une lutte qui est importante, une lutte qu’il faut mener ensemble. Nous avons une convention à laquelle cent quatre vingt onze (191) pays sont parties prenantes. Cela signifie qu’il y a 191 pays qui pensent que la lutte contre la désertification est leur affaire à eux aussi.

C’est un acquis assez important. Ça ne suffit pas. Il faut que les pays continuent à pousser à la roue, mobiliser leurs propres efforts. Si le Burkina estime qu’il est important de lutter contre la désertification, c’est en le prouvant que les partenaires du Burkina vont suivre. Il en est de même du Niger, de la Mauritanie, etc.

Entretiens réalisés par
Tiergou P. DABIRE, Envoyé spécial à Nouakchott
Sidwaya

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