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Caricatures du prophète Mohamed : Que dit l’Islam sur les images et la photographie ?

Publié le mardi 7 février 2006 à 06h55min

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Tout est parti de caricatures du Prophète Mohamet, publiées le 30 septembre 2005 par le quotidien danois Jyllands-Posten, puis reproduites en Norvège avant de l’être en France et en Allemagne. Aussitôt après cette reproduction en Norvège et en France, soit près de quatre mois après la première parution, c’est une véritable levée de boucliers sur fond de violence dans de nombreux pays.

Des manifestations, il y en a même eu au Sénégal et plus près de nous au Mali. Touchons du bois. En effet, ces dessins, jugés blasphématoires pour le milliard et demi de musulmans de la planète, ramènent en surface la place de l’image et de la photo dans la religion islamique. Actualité brûlante oblige, nous sommes allé fouiner dans le Web pour avoir l’avis d’experts de la religion islamique sur la question.

La question de l’image (dessinée ou peinte), qui est étroitement liée à celle de la photographie, fait l’objet de divergences entre les savants musulmans.

Mais avant même d’en venir à ces divergences, il faut savoir que les termes employés dans les Hadiths et qui se rapportent à la question sont les mots arabes "Soûrah" (qui pourrait être traduit en françaispar "forme", "figure", "image"), ainsi que certaines de ses formes dérivées comme "At Taswîr" (qui est l’infinitif du verbe "sawwara". "At Taswîr" signifie littéralement créer, organiser, distinguer en donnant une forme particulière. C’est cette racine que l’on retrouve dans un des attributs de perfections d’Allah, "Al Mousawwir". Ce terme est également mentionné dans plusieurs passages du Qour’aane, relatant la Création Divine.).

On comprend donc à partir de là l’usage du mot "Soûrah" pour désigner aussi bien les statues et les idoles (appelées "as souwar oul moudjassadah") que les gravures, les illustrations et les images peintes. C’est d’ailleurs à partir de ce même mot qu’a été composé le terme de "at taswîr ouch chamsiy" (la photographie).

En ce qui concerne les images...

Les Hadiths évoquant le "soûrah" et le "taswîr" présentent certaines divergences au niveau du contenu, ce qui a occasionné les différentes opinions existant entre les savants musulmans à ce sujet.

Tandis que certaines Traditions (c’est le cas notamment d’un Hadith rapporté par Abou Houraïra (radhia allâhou anhou) et cité par l’Imâm Boukhâri r.a et l’Imâm Mouslim r.a.) laissent supposer que toute forme d’images (que celles-ci représentent des êtres animés ou inanimés) sont condamnables, d’autres laissent comprendre que certaines formes d’entre elles sont licites et autorisées.

Ainsi, Ibné Abbâs (radhia allâhou anhou) rapporte des Hadiths (voir Sahih Boukhâri, "Bâb bayit tasâwîr allati laysa fîha rouh", ainsi que Sahih Mouslim) indiquant clairement que la représentation d’êtres inanimés est tolérée en Islam, et que l’interdiction ne s’applique qu’aux êtres animés.

D’autres Hadiths encore montrent que même parmi les représentations d’êtres animés, seules celles qui sont suspendues, celles qui sont gardées avec respect ou par vénération sont interdites (Voir pour cela le Hadith du Sahîh Mouslim rapporté par Aïcha (radhia allâhou anha), qui dit en ce sens qu’elle avait un voile sur lequel étaient dessinés des êtres vivants ; le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) lui ordonna de le découper et de s’en servir pour faire des oreillers et des coussins.

Dans un autre Hadith, il est dit que Djibraïl (alayhis salâm) refusa une fois d’entrer dans la maison du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) parce qu’il y avait un rideau avec des êtres animés. Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) ordonna alors qu’on le retire et qu’on l’utilise comme tapis. Ce Hadith est cité par An Nasaï r.a.)

Enfin, certains Hadiths montrent que ce sont les statues et les idoles qui sont interdites, et non pas les illustrations et les images qui ne sont pas en relief et qui se trouvent par exemple sur des vêtements (Hadith rapporté par Bousr (radhia allâhou anhou) et cité par l’Imâm Boukhâri r.a., confirmé par un autre Hadith de Sahl Ibné Hounayf (radhia Allâhou anhou) et authentifié par l’Imâm Tirmidhi r.a.)

Par ailleurs, certaines Traditions désignent explicitement une des causes principales de l’interdiction du "taswîr" comme étant le fait qu’il mène progressivement l’être humain vers le "chirk", le polythéisme.

Donc, comme évoqué plus haut, c’est dans le processus de conciliation entre ces différents types de Hadiths que sont apparues les divergences entre les savants et juristes. Pour simplifier, je vais essayer de donner dans les lignes suivantes une synthèse des différents avis émis sur la question :

A- Il y a consensus d’opinion sur l’interdiction des idoles et des statues, comme le rapporte notamment Qâdhi ’Ayâdh r.a.

B- Il est permis de produire ou d’acquérir une image représentant quelque chose d’inanimé (arbre, paysage...), à condition que cette chose ne soit pas l’objet d’un culte pour une quelconque religion.

C- Il est permis de garder des images d’êtres animés, si elles sont de très petite taille, comme c’est le cas sur les pièces de monnaies par exemple. D- C’est au sujet des images représentant des créatures animées (homme, animal) que les avis entre les savants divergent :

Si une image de ce genre est placée à un endroit où on ne lui accorde aucune considération (sur un tapis par exemple...), selon l’avis d’une bonne partie des oulémas, il est permis de la conserver, comme le rapporte l’Imâm An Nawawi r.a. dans son commentaire du Sahîh Mouslim.

Et si elle est placée ailleurs (sur un rideau, un vêtement ou accrochée au mur par exemple...), alors selon les savants des écoles hanafite, châféite et hambalite, il n’est pas permis de la garder. Mais d’autres savants (dont une bonne partie des oulémas de l’école mâlékite) pensent au contraire que, même dans ce genre de cas, il est permis de garder de telles images sous certaines conditions :

• l’image ne doit pas représenter une divinité ou une créature à laquelle un culte est voué. • l’image ne doit pas être le produit d’un artiste qui cherche par son geste à imiter la création de Dieu. • l’image ne doit pas non plus avoir pour but de glorifier ou de vénérer une personnalité humaine.

(Certains des savants qui partagent cet avis pensent que les images n’étaient pas permises au début de l’Islam, puisqu’elles ont été autorisées, et l’interdiction n’est restée que pour les idoles et les statues.) En ce qui concerne la photographie...

Pour en venir maintenant à la question de la photographie, il est encore une fois évident que sur ce point aussi, les avis sont partagés, et ce, pour la simple et bonne raison que ce procédé n’existait pas à l’époque du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam). Pour pouvoir statuer sur la question, les oulémas ont eu recours au "Idjtihâd".

Certains oulémas (c’est le cas notamment d’une bonne partie des savants indo-pakistanais ainsi que ceux d’Arabie Saoudite ; Cheikh Albâni r.a. était également de cet avis...) comparent la photographie à l’image dessinée, et la déclarent illicite si elle représente une créature animée (hommes, animaux...), sauf en cas de nécessité (Papiers d’identité...).

De très nombreux autres savants contemporains considèrent au contraire que la photographie n’est qu’un reflet de la réalité (à l’instar du reflet qui apparaît dans un miroir) et ne peut être comparée à une image dessinée. Selon eux, la photographie est donc permise, tant qu’elle ne montre pas quelque chose d’illicite. Cheikh Wahbah Zouheïli défend cet avis dans son ouvrage "Al Fiqh oul Islâmiy wa Adillatouh" (Volume 9 / Page 238).

(Références : "Al Halâl wal Harâm fil Islam" du Dr Yousouf Qaradâwi, "Al Halâl wal Harâm" de Cheikh Khâlid Sayfoullah, "Takmilah Fath oul Moulhim" de Moufti Taqi Ousmâni et "Al Fiqh oul Islâmiy wa adillatouh" de Cheikh Wahbah Az Zouheïli).

L’Observateur

Source : www.muslimfr.com

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2006 à 17:36, par martin En réponse à : > Caricatures du prophète Mohamed : Que dit l’Islam sur les images et la photographie ?

    Intéressant pour un Musulman mais rigolo d’entendre appeler un « savant » ce qui se rapprocherait plutôt d’ un théologien. La connaissance objective en matière de religion et d’interprétation de textes anciens ne peut être assmilée à un savoir qu’en dehors du cadre de la foi révélée et des superstitons fussent-elles confirmées par la tradition. De tels savants sont les gardiens et les propagateurs de leur propres ignorance .

    L’intérêt culturel et historique y est mais il faut appeler un chat un chat. Un homme honnête intellectuellement ne va pas participer de ce genre de vaste arnaque.

    • Le 28 février 2007 à 00:53, par Moussa En réponse à : > Caricatures du prophète Mohamed : Que dit l’Islam sur les images et la photographie ?

      D’abord les images sont aussi interdites par la Bible (voir ce qu’en dit le Deutéronome), ce n’est donc pas un problème touchant seulement l’Islam. Ensuite le problème dans cette polémique n’est pas est ce que c’est permis ou non le fait de réprésenter le Prophète Mouhammad (Paix et Bénédiction sur lui). Dans les pays musulmans, il va de soi que la plupart des gens éprouvent du dégoût vis à vis de telles représentations mais vu que l’Occident est peu religieux on comprend fort bien que ce genre de réprésentations y soient effectués sans que cela ne pose un problème, que ce soit des dessins de Moïse, Jésus ou Mouhammad (pbasl). Non le problème se situe ailleurs. Le prophète de l’Islam est représenté dans l’une des caricatures avec un turban en forme de bombe, le faisant passer pour un terroriste et ça c’est à la fois (tout d’abord mensonger au vu de sa biographie authentique) et tout simplement blessant pour les musulmans de même que les chrétiens ont été choqués lorsqu’on a dans le passé si ma mémoire est bonne représenté la croix chrétienne en croix gamée. Donc, c’est se tromper de débat que de parler du problème des images dans l’Islam, ce n’est pas ça qui a crée la polémique.

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