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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Sous la conduite de l’ONU, où allons-nous ?

Publié le lundi 6 février 2006 à 08h01min

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L’Organisation des Nations unies (ONU) et ses nombreuses institutions quadrillent aujourd’hui le monde. Elle peut, comme le voulait le phisolophe allemand Fichte, "savoir où se trouve chaque citoyen à chaque heure du jour et ce qu’il fait".

La vie populaire, de nos jours, n’est-elle pas, en effet régentée, canalisée, quadrillée comme ce fut le cas au Moyen âge ? La nouvelle autorité, cette fois-ci mondiale, sait qu’elle nous tient, puisqu’elle a d’autorité suspendu au-dessus de nos vies "un glaive et cent appetits".

Ainsi à la même heure du même jour de la même année, partout dans le monde, on marche au rythme des "années de la paix", des "journée de la femme",...et on observe même des minutes mondiales de silence. Que trouve-t-on à la source de ce quadrillage mondial : l’aide humanitaire ou une forme de répression qui ne dit pas son nom ? Des centrales nucléaires et des guerres électroniques aux jeux et fêtes populaires, les pouvoirs mondiaux institués sont en train de rendre le monde adéquat à la vérité scientifique.

Pour cette raison même, les pauvres ont déjà choisi pour abri les fissures de la terre. Les riches, eux, sont assis sur une poudrière. N’est-ce pas le même glas qui sonne pour tous ? En cette logique, qu’est-ce que le terrorisme ? C’est l’expression d’un refus radical, celui d’un monde chassé hors du monde et qui se trouve cependant contraint d’y vivre en subisssant sans fin. Sans fin : c’est-à dire, sans arrêt, sans justification et sans but.

Le terroriste est un homme condamné, par contumance, à sauter par-dessus la terre et qui jure qu’il ne tombera pas tout seul, et pas de si tôt. Applatie sous le rouleau compresseur de ces instituions, jetée en pâture à une partie d’elle-même, l’humanité découvre cette espèce d’homme forcée d’appartenir au non genre humain en même temps que cette nouvelle classe sociale composée de non citoyens : c’est-à-dire "ceux qui survivent dans les plis, les rides, les craquelures et les fissures de la cité officielle", comme l’écrit Arundhati Roy, après un diagnostic chirurgical de la société indienne du 21e siècle.

Imposer à l’humanité une trajectoire conforme à la vérités scientifique n’est plus aujourd’hui un rêve, c’est un chantier avec, pour "vérités vitales," la Banque mondiale pour notre faim, Hollywood pour notre aphyxie culturelle, les centrales nucléaires pour notre frayeur. Les peuples qui jouent à cache-cache avec la vérité scientifique devenue raison d’Etat et raison du monde ne devraient pas oublier que la meilleure cachette, pour eux, consiste à se terrer dans la mort.

Comme des gais enfants

La science et l’armée de ces institutions sont en train de supprimer des réalités humainement légitimes, au nom d’un avenir légitimement contestable. Cet avenir qui enclôt tout horizon dans l’autoritarisme de la rationalité analytique n’est pas plus la vérité que l’instinct sexuel n’est l’amour.

Ce que l’on peut craindre : que l’ensemble des situations humaines n’en viennent à manquer à la réalité de la condition humaine ; que nos intérêts ne soient l’exacte excroissance de nos valeurs ; que nos désirs humiliés ne soient définitivement refrénés dans nos instincts. L’homme en viendrait à manquer à l’homme et, nous le savons. L’homme en défaut de l’homme, c’est l’homme détruit. Quand tous les hommes seront tombés de l’humanité mondialisée, les uns sur la tête, les autres sur le cœur, d’autre enfin sur le ventre, ce qui se tiendra encore débout ne saurait toujours s’appeler humanité. Que devons-nous faire ?

L’esprit scientifique de notre temps dit : fais ce que tu sais. Ce que tu dois, tu le sais ; ce que tu ne sais pas, tu ne le dois pas. Dans cette culture de masse, on n’instaure aucune distance entre le savoir et le devoir, entre le fonctionnel et le normatif. Or, si aucun devoir n’est reconnu comme mesure de notre savoir, ce savoir n’est-il pas, de loin ou de près, un mode d’emploi du suicide de l’humanité ?

Bientôt, apprend-on, la pauvreté sera le lot des cinq sixièmes de l’humanité ? La Banque mondiale, l’OMC, le FMI, etc., continueront à organiser des journées de gaieté pour masquer nos années d’angoisse et pour que ceux qui doivent en mourir meurent au moins en riant. "Que m’est-il permis d’espérer", comme se demanderait Kant (philosophe et moraliste allemand du 18e siècle). Il m’est permis de rêver qu’un jour, tous les pays seront développés de façon tentaculaire.

L’autosuffisance sera une réalité pour tous, nous permettant, pour la première fois, de traverser l’histoire comme des gais enfants traversent une aire de jeu : allègrement et à toute vitesse, piaffant de bonheur et d’impatience. De larmes, d’affamés, il n’y en aura plus. L’Irakien et l’Américain joueront au golf ensemble, avec Ben Laden pour arbitre. Cette espérance est un savoir, le dernier, qui est parvenu à rendre toutes choses explicables, transparentes.

Contre l’espérance scientifique d’un monde meilleur, il faut rappeler que les relations internationales sont conformes à la nature foncièrement agressive de la pensée. En même temps que notre alliance d’humanité se rationalise pour se fragiliser, en même temps toute relation se conçoit en termes de puissance et de domination, de gagnants et de perdants, de mondialisateurs et de mondialisés.

El Hadj Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)
Sidwaya

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