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Sénégal : Ousmane Sonko, condamné pour « corruption de la jeunesse ». Et de nouvelles manifestations violentes plongent le pays dans une crise politique majeure

Publié le samedi 3 juin 2023 à 18h45min

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Sénégal : Ousmane Sonko, condamné pour « corruption de la jeunesse ». Et de nouvelles manifestations violentes plongent le pays dans une crise politique majeure

La situation au Sénégal inquiète l’Afrique, elle inquiète le monde. Des manifestations violentes secouent le pays suite au verdict condamnant l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse. Verdict qui le prive de ses droits civiques, notamment le rend inéligible pour la présidentielle de février 2024 à laquelle il s’est déclaré candidat. Présenté comme une affaire civile, le procès a toujours été vu comme un complot politique par Ousmane Sonko.

Argumentaire suivi par une belle proportion de la jeunesse qui, comme en mars 2021 lors de son arrestation pour cette affaire, a pris les rues du pays pour réclamer sa libération en laissant une quinzaine de morts (14) tués par les forces de défense et de sécurité. En deux jours de manifestations c’est le même nombre de morts dans tout le pays. Celui qui peut faire descendre la tension politique et sociale est le président sénégalais Macky Sall qui se refuse à se prononcer sur son avenir politique alors que la constitution sénégalaise l’empêche d’être candidat. Va-t-il renoncer à son désir mortifère de se succéder ? Questions, inquiétudes, incertitudes. Le Sénégal va-t-il aussi rejoindre le sort des Etats dont les dirigeants ne respectent pas la sacralité de la parole donnée, proclamée ?

Le pays à l’arrêt après le verdict

Que se passe-t-il au Sénégal après le verdict du procès Ousmane Sonko-Adji Sarr ? Depuis le jeudi 1er juin 2023, de violentes manifestations ont éclaté dans la capitale Dakar, Mbacké, Cap Skiring et à Ziguinchor, capitale de la Casamance dont Ousmane Sonko est le maire. Le bilan de ces émeutes serait le 3 juin 2024, de 14 morts, portant le bilan des personnes décédées depuis le début du procès en 2021 à une trentaine de morts dont les deux camps se renvoient la responsabilité. Le pays est quasi à l’arrêt depuis le 25 mai 2023. Depuis le verdict du procès, l’université Cheick Anta Diop est saccagée, fermée, les écoles et lycées fermés, les transports en commun ne circulent pas, l’armée est dans des points dits stratégiques de Dakar, l’internet est coupé.

Des deux côtés en conflit, la polarisation et la radicalité sont encore les reines du discours et il n’y a pas encore de signe d’éclaircies. Des appels à la démission du président Macky Sall se font entendre alors que ce dernier durcit le ton en se présentant comme le défenseur de l’ordre et de la justice. Si être président est signe de hautes fonctions et de hautes responsabilités, Macky Sall est le premier à incriminer dans ce bilan macabre dont personne n’a encore quantifié les dégâts matériels, financiers et sociaux. Il avait depuis 2021 les moyens de mettre fin à cette tournure des évènements.

Une affaire politique cachée par des dessous féminins

Depuis deux ans, le Sénégal vit au rythme d’un feuilleton politico judiciaire, digne des scénaristes talentueux de novélas sénégalaises, car tous les éléments qui font le succès de ses séries y sont : belles femmes, pouvoir, puissance, sexe, violence etc. L’histoire vue sous cet angle ressemblerait à un divertissement pour les ménagères. Or il n’en est rien, c’est une lutte violente pour le pouvoir où tous les coups sont permis que Macky Sall a engagé contre l’opposant arrivé 3e à la présidentielle de 2019. En 2021, une jeune femme du nom de Adji Sarr, masseuse professionnelle, porte plainte contre Ousmane Sonko pour viols et menaces de mort.

Ce dernier clame son innocence et crie au complot du pouvoir en place qui veut l’écarter. En pleine crise du Covid 19, son arrestation en mars 2021 se solde par les premières émeutes violentes que le pays ait connues. Le procès est suspendu, le pouvoir se penche enfin sur les conséquences de la crise sanitaire qui confine les populations vivant au jour le jour chez elles à une mort certaine de faim. Le gouvernement s’occupe enfin de lutter contre l’inflation et même fait des distributions de cash aux familles les plus démunies. Ces émeutes ont augmenté la popularité d’Ousmane Sonko et fait de lui l’opposant principal et radical à la politique de Macky Sall.

Une polarisation de la vie politique s’est installée et le pouvoir n’a pas pu avoir une majorité aux élections législatives et communales. Loin d’abandonner le procès suspendu après les émeutes, le pouvoir a réussi à condamner l’opposant suite à une plainte d’un des ministres du gouvernement pour diffamation. Cette peine ne semblait pas suffisante pour le pouvoir de Macky Sall véritablement obsédé par le 3e mandat et la hantise de se battre contre l’idole des jeunes, le président du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) qu’il aimerait écarter comme Karim Wade et Khalifa Sall.

Qu’est ce qui peut se passer dans la tête d’un président dans une situation pareille ? Il est vraiment seul le pauvre Macky, qui à chaque fois voit le fossé qui s’agrandit entre lui et son rêve. La sagesse voudrait qu’il se libère de cette toile de haines que lui et son camp ont tissé. Il se disait préoccupé de bien finir son mandat et faire aboutir les projets de son programme, mais à la vérité qu’a-t-il fait ? Ce que l’on retient c’est cette lutte contre son opposant par ce procès au long cours de deux ans avec des cadavres de jeunes sénégalais, les multiples arrestations de responsables, politiques, d’organisations de la société civile et de journalistes.

Rester dans l’histoire comme intransigeant, quitte à tout perdre, fait partie de certaines valeurs toxiques. Les personnes sages reconnaîtront sa grandeur s’il ramène la paix dans son pays, libère les personnes emprisonnées, amnistient tous les opposants inéligibles et renonce dès maintenant au 3e mandat. Il se fera des ennemis dans son camp, tous ceux que l’odeur du pétrole et du gaz ont attiré, ceux qui rêvent de mettre la main sur les mines d’or, ceux qui ne détestent pas marcher sur les cadavres, etc. Mais il grandira dans le cœur des Sénégalais et des Africains pour avoir évité une crise de plus sur le continent, en organisant des élections transparentes et inclusives tout en respectant sa parole donnée.

Sana Guy
Lefaso.net

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