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Burkina : « Au-delà de l’intolérance religieuse, il y a une intolérance entre les communautés » (Blahima Konaté, sociologue, chargé de recherche à l’INSS)

Publié le dimanche 21 mai 2023 à 22h25min

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Burkina : « Au-delà de l’intolérance religieuse, il y a une intolérance entre les communautés » (Blahima Konaté, sociologue, chargé de recherche à l’INSS)

Fin du projet intitulé « Face à l’intolérance religieuse : améliorer le dialogue inter-religieux en milieu rural burkinabè par la recherche action participative », après trois années de mise en œuvre (2020-2023) dans les communes de Léna et de Korsimoro. Les acteurs ont procédé à sa clôture, ce vendredi 19 mai 2023 à Ouagadougou, à travers un atelier au cours duquel, les résultats ont été présentés. Le projet, porté par l’Institut des sciences des sociétés (INSS), a été financé par le Fonds national de la recherche et de l’innovation pour le développement (FONRID).

Le projet a été mis en œuvre à Léna, commune rurale de la province du Houet, dans la région des Hauts-Bassins, et à Korsimoro, commune rurale située dans la province du Sanmatenga, région du Centre-nord.

« Au niveau de Léna, c’était une difficulté de cohabitation entre les protestants et les coutumiers, et cela tourne autour des masques et des cérémonies coutumières. Le problème s’est aggravé en 2019 où il y a eu un déferlement de la communauté sur les temples, dont beaucoup ont été saccagés. Les autorités locales sont, en son temps, intervenu, mais l’intervention reste ponctuelle. Il faut donc mettre en place des comités sur place pour permettre d’aplanir le protagonisme. Dans la commune de Korsimoro, le problème d’intolérance religieuse relevé était lié aux prêches, qui sont très violents. L’autre problème était entre certaines communautés, il y avait une certaine distanciation sociale. Ce qui ne permettait pas vraiment la cohésion sociale », a situé le coordonnateur du projet, le sociologue et chargé de recherche à l’INSS, Blahima Konaté, justifiant ainsi le choix des lieux-pilotes.

Vue partielle des acteurs.

Il s’agissait donc, par ce projet, de contribuer à la réduction de l’intolérance religieuse par l’amélioration du dialogue inter-religieux au Burkina ; réaliser la cartographie des acteurs individuels, institutionnels, associatifs, coutumiers et religieux impliqués dans la promotion du dialogue inter-religieux et la lutte contre l’intolérance religieuse dans les zones d’intervention. Il vise en outre à diagnostiquer avec ces acteurs, les causes de l’intolérance religieuse et proposer des solutions pérennes à l’aide de la méthode d’analyse en groupe.

De la présentation des résultats, il ressort que les comportements d’intolérance religieuse perçus sont relatifs au refus de prendre part aux cérémonies d’installation et surtout d’envoyer son enfant en âge d’y participer ; refus de porter le masque, de le fuir, interdire son passage dans certains endroits du village (lieu de culte), l’insulter, le menacer ou encore le frapper en tant que jeune/adulte de certaines localités. Ils se manifestent également par le refus de participer aux funérailles (‘’sèches’’ ou ‘’humides’’) d’un parent proche (père/mère) ; refus des femmes converties de préparer le dolo pour leur époux lors des cérémonies coutumières ; les bruits sonores de la musique des églises qui perturbent certaines cérémonies coutumières ; refus de contribuer financièrement lors de certaines cérémonies concernant le village.

Dr Blahima Konaté a indiqué que les résultats sont satisfaisants.

Toujours au titre des comportements, on note qu’il y a une distanciation sociale (non rapprochement lors des funérailles, des cérémonies coutumières) ; des agressions des masques dans les lieux de cultes ; l’obligation de faire participer les protestants aux initiations, funérailles, cotisations pour les cérémonies coutumières, faire ou vendre le dolo.

En outre, le refus de saluer les femmes ; l’interdiction de mariages inter-religieux ; le discours extrémiste ; la volonté manifeste des pratiquants des religions révélées de convertir les coutumiers ; le refus de certains pratiquants de religion musulmane d’aller saluer un chrétien le jour de Noël ou de Pâques ; le refus de consommer un repas pendant les fêtes chrétiennes ; l’association islam et terrorisme ou musulman et terrorisme sont autant de comportements d’intolérance religieuse recensés.

« Avoir un impact à l’échelle nationale, voire au-delà »

Selon les acteurs du projet, ces comportements trouvent leurs causes indirectes dans la méconnaissance mutuelle de la religion de l’autre ; le manque de respect d’autrui et de sa religion ; l’absence ou l’insuffisance de cadre de concertations inter-religieux fonctionnel ; l’insuffisance de formation religieuse dispensée aux fidèles ou encore la façon de transmettre le message religieux ; la présence de plusieurs religions ou installation d’une nouvelle religion avec la concurrence et certains comportements qui en résultent.

Le directeur de l’INSS (au milieu), avec à sa gauche, Dr Konaté et à sa droite, Dr Bationo.

« Au niveau de Korsimoro, nous avons mis en place un comité de suivi, qui a vraiment mené ses activités, notamment des formations pour renforcer les capacités des leaders coutumiers et religieux. Ils ont également organisé une journée des communautés, où ils ont planté des arbres au niveau des églises, temples et moquées. Une journée de salubrité a été également organisée. Et ces activités ont été exécutées par les associations partenaires qui sont-là. C’est une collaboration entre les chercheurs et les acteurs ; ce qui a permis d’avoir les résultats que nous avons atteints », a décliné Dr Konaté.

Il souhaite donc que ces activités soient appropriées par les associations-partenaires à travers leurs plans d’action et par des plaidoyers auprès des communes « parce qu’aujourd’hui, tout le monde sait qu’au Burkina, il y a un problème d’intolérance religieuse. Et au-delà de l’intolérance religieuse, il y a aussi une intolérance entre les communautés ».

Le directeur de l’INSS, Dr Kibora, a présidé l’ouverture de l’atelier de clôture du projet.

A en croire les acteurs, le projet a permis l’amélioration des relations entre les différentes confessions religieuses ; les fréquentations des jeunes de confessions différentes ; la salutation lors des fêtes religieuses ; le partage de repas lors des fêtes religieuses. Cela a abouti, explique le coordonnateur du projet, à la reconstruction de certains lieux de cultes ; l’acceptation du changement et à une meilleure compréhension du rôle du médiateur et la patience dans la résolution des conflits.

C’est pourquoi recommandent-ils la création d’espaces de dialogue entre les protagonistes, notamment l’organisation de méthode d’analyse en groupe ; la tenue d’atelier de restitution, d’identification et de planification des activités ; la mise en place de comité de suivi et de médiation participative permettant de mettre d’accord les protagonistes sur les divergences.

« Ce qui est intéressant dans ces projets, c’est qu’on doit toujours avoir un partenariat avec, parfois, des structures associatives qui sont mieux placées pour la mise en œuvre des résultats des recherches. D’où la participation des différentes structures de dialogue et de cohésion sociale », soutient le directeur de l’INSS, Dr Ludovic Kibora.

Le directeur général du FONRID jauge la pertinence de la thématique dans le contexte actuel.

Le directeur général du FONRID (structure de financement : 28 244 000 FCFA), Dr Babou André Bationo, justifie le projet par la pertinence du thème et au regard du contexte. « C’est un projet plus qu’important dans le contexte actuel. Nous souhaitons que ce projet puisse avoir de l’impact, qu’au-delà du public que nous avons, il puisse avoir de l’impact à l’échelle nationale, et au-delà (parce que le FONRID finance aussi des projets qui ont un impact pour la sous-région). Nous souhaitons donc qu’en plus des associations, les résultats de ce thème soient partagés par le maximum de personnes, qu’ils soient mis en œuvre et que l’impact soit visible sur le terrain », prône le directeur général du FONRID, Dr Babou André Bationo.

O.L
Lefaso.net

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