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Gestion des terroirs : 23 milliards de F CFA au profit des guichets villageois et provinciaux

Publié le jeudi 2 février 2006 à 07h10min

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Jean-Paul Sawadogo

« Réduire rapidement la pauvreté rurale et promouvoir un développement durable », tel est l’objectif global du deuxième Programme national de gestion des terroirs (PNGT2).

Cet objectif, à lui assigné, est assumé à travers les trois types d’actions que sont le développement des capacités en matière d’organisation et de gestion des villages et groupes de villages, l’amélioration des conditions de vie par le biais des investissements productifs et des infrastructures socioéconomiques dans les campagnes du Burkina, la préservation et la restauration des ressources naturelles. La 1re phase du PNGT2 est presqu’à son terme. Quel bilan tirer ? Nous avons rencontré le coordonnateur du programme, Jean-Paul G. Sawadogo.

Sidwaya (S) : Qu’est-ce qui a justifié la mise en place du Programme national de gestion des terroirs (PNGT) dans notre pays ?

Jean-Paul G. SAWADOGO (JPGS) : Au Burkina Faso, plusieurs expériences ont été menées en matière d’appui au développement rural, allant de l’approche intégrée aux initiatives participatives en passant par les méthodes dirigistes.Toutes ces expériences ont fait l’objet d’une évaluation pour mesurer les impacts produits sur le terrain. Le constat a fait ressortir un certain nombre de dysfonctionnements et d’insuffisances liés surtout au fait que le développement était planifié directement au niveau central par l’administration. L’implication des acteurs à la base était donc faible sinon inexistante.

Résultat, bon nombre d’actions qui ont été réalisées dans cette vision dirigiste des projets n’ont pas fait l’objet d’une adhésion et d’une attention particulière des populations bénéficiaires. D’où la nécessaire réflexion qui a été menée pour enfin impliquer ces acteurs à la base, notamment dans la gestion des préoccupations et attentes qui sont les leurs.

C’est ainsi que de nouveaux projets avec de nouvelles méthodes d’approche ont été expérimentés(dont le PNGT1) et qui a le mérite d’associer véritablement les populations à la planification des projets à travers des plans de développement de leurs localités.

Ces plans, conçus par les commissions villageoises de gestion des terroirs, intègrent des données et des paramètres comme les contraintes, les besoins, les potentialités et les opportunités des villages bénéficiaires de projets. Dès lors, l’impact des actions est devenu beaucoup plus significatif que celui des opérations antérieures qui arborent le qualificatif de classique.

Le PNGT1 s’est achevé, donnant naissance sur initiative du gouvernement au PNGT2. Le PNGT2 confère à la communauté rurale la pleine responsabilité de son destin, de son développement. Entre les communautés villageoises et le PNGT2, il est établi une convention de cofinancement pour l’exécution de leurs activités. Le schéma prend en compte le volet renforcement des capacités et la maîtrise d’ouvrage locale, entièrement assurée par les communautés de base.

S : Quels sont les modes d’intervention du PNGT2 ?

JPGS : Le PNGT2 intervient selon deux modes : le mode d’intervention direct qui intéresse actuellement 26 provinces et le mode d’intervention concerté s’appuyant sur des programmes et projets-relais dans les provinces où ces structures existent. Si le mode d’intervention direct a une plus longue expérience, le mode d’intervention concerté lui, date seulement de 2005. Il n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes dont la diversité des intervenants avec chacun, ses procédures de décaissement, ses approches et stratégies d’intervention...qui sont différentes des procédures et stratégies du PNGT2.

Pour le moment, ce mode d’intervention concerté n’est mené qu’avec quelques projets de développement locaux pour environ 450 millions de F CFA.

Mais compte tenu des difficultés qu’éprouve le mode d’intervention concerté, le gouvernement burkinabè a demandé aux partenaires techniques et financiers du PNGT en 2005, l’extension du programme à l’ensemble des provinces du pays selon le mode d’intervention direct.

S : Pourquoi le PNGT ne couvre pas tout le territoire national ? Insuffisance de financement ou choix délibéré ?

JPGS : Si on est appelé à couvrir l’ensemble du territoire national, il faudrait alors revoir l’organisation institutionnelle pour avoir beaucoup plus de compétence pour agir sur le terrain. Il faudrait également voir dans quelle mesure des ressources financières pourront être adaptées à cette nouvelle situation.

Le PNGT est aujourd’hui financé par un certain nombre de partenaires. Il s’agit de la Banque mondiale qui intervient pour 58%, soit environ 42 milliards de F CFA pour cinq ans, du Fonds international pour le développement agricole (FIDA) qui finance pour environ 7%, soit environ 9 milliards de F CFA, de la Coopération danoise avec 2%, consacré essentiellement à la prise en charge du volet suivi-évaluation du programme, de l’Etat burkinabè qui intervient pour 9 milliards de F CFA (sous forme de contrepartie) et les bénéficiaires du programme qui participent pour environ 6 milliards,soit en nature, soit en espèces. D’autres partenaires interviennent également à l’intérieur du programme : le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) qui intervient pour environ 2,700 milliards de F CFA, le Fonds mondial pour l’environnement pour 5,7 milliards (s’intéresse à la biodiversité). La coordination d’ensemble est assurée par le coordonnateur du PNGT2.

Au départ, le programme était évalué à 73 milliards de F CFA pour cinq ans. Aujourd’hui, avec la chute du dollar, on se retrouve à environ 66 milliards de F CFA.

S : Sur ce montant de 66 milliards de F CFA, combien de francs sont allés dans les caisses des communautés de base ?

JPGS : Dans les 66 milliards de F CFA, il y a d’une part, la contribution des bénéficiaires et d’autre part, la contribution de l’Etat (financière et sous forme d’infrastructures et de frais de fonctionnement du programme). Au 30 novembre 2005, le programme a mis à la disposition des communautés villageoises, 19,7 milliards de F CFA. Il a financé la réalisation de projets structurants (ce sont des réalisations qui intéressent plusieurs villages) pour 3,5 milliards de F CFA. Soit au total, près de 23 milliards qui ont donc été débloqués au profit des guichets villageois et des guichets provinciaux pour la mise en œuvre d’activités sur le terrain. Ces 23 milliards de F CFA ne prennent pas en compte les aspects liés au développement des capacités. En incluant le coût des formations à celui des investissements physiques réalisés sur le terrain, on se retrouve avec un taux de 82% des dépenses qui concernent les investissements humains. Les 18% concernent les autres aspects des dépenses que sont les études, les salaires, la prise en charge d’ateliers, de séminaires...

S : L’assistance technique extérieure qui intervient dans les projets engloutit souvent des sommes considérables, au détriment des programmes de développement. Est-ce le cas au PNGT ?

JPGS : Au niveau du PNGT, le gouvernement a pris des dispositions faisant en sorte que le maximum des ressources soient utilisées au niveau national. C’est ainsi qu’au niveau du programme, il n’y a pas d’assistance technique permanente.

Le programme est conduit par des Burkinabè. Lorsque pour un domaine donné, on a besoin d’une assistance technique, c’est à ce moment-là et pour un temps déterminé, qu’on sollicite l’assistance extérieure. Le programme a fait appel déjà à plus de 150 bureaux d’étude nationaux pour la conduite de la réalisation des plans de gestion des terroirs au niveau des villages.

S : La première phase du PNGT2 est presqu’à son terme. Bientôt la deuxième phase ? Mais avec quel financement ?

JPGS : Nous sommes à la première phase de 5 ans du programme. Il nous reste encore deux phases de cinq ans. Elles seront financées avec les bailleurs habituels du PNGT mais aussi avec d’autres partenaires avec qui le gouvernement est en discussion en ce moment. Pour les phases à venir, les besoins en termes de financement devraient être plus importants.

Un engagement a été déjà pris pour conduire le programme sur 15 ans. Et les partenaires techniques et financiers sont satisfaits de l’exécution du programme. En témoigne la visite du nouveau président du groupe de la Banque mondiale au Burkina, visite au cours de laquelle il a pu apprécier positivement les actions et les réalisations sur le terrain.

S : Pour une province donnée, quelle est la méthode d’approche du PNGT pour atteindre les villages aux fins de leur « proposer » ses services ?

JPGS : Le PNGT intervient directement dans 26 provinces à travers les cadres de concertation techniques provinciaux qui définissent les villages dans les quels le programme doit intervenir. Dans les provinces d’intervention, des structures privées sont recrutées et formées et qui ont en charge d’appuyer la mise en place des commissions villageoises de gestion des terroirs. Chaque commission villageoise est composée de 12 membres dont une femme et un jeune. De concert avec la population, elle élabore son plan de gestion des terroirs ou plan de développement villageois. Par la suite, le PNGT initie différentes formations à l’intention de la communauté (formation en alphabétisation, en gestion financière, en développement de leadership..). Et annuellement, le programme rentre en contact avec le village pour signer une convention de cofinancement et qui définit les activités à financer au cours de l’année.

Les sommes qui sont mises à la disposition des communautés sont des subventions et non des crédits. Ce n’est donc pas remboursable. La planification des activités à réaliser dans l’année au niveau d’un village est faite par toute la communauté villageoise. Deux assemblées générales annuelles au cours desquelles sont rendus compte les états d’exécution aussi bien physiques que financiers des investissements qui sont réalisés dans et par le village, sont obligatoires.

Le programme effectue tous les ans, des audits techniques et financiers des comptes des commissions villageoises de gestion des terroirs pour voir si effectivement, les activités programmées sont réalisées et les sommes correctement gérées.

S : Y a-t-il un montant fixé par village pour le financement de ses activités ?

JPGS : Le gouvernement et les partenaires ont au départ et de façon unanime, fixé le taux de financement au niveau du village à 3000 F par habitant. Si on a par exemple, un village de 2000 habitants, le financement annuel à lui octroyé est donc de 6 millions de F CFA. Ce qui suffit à peine à réaliser un forage. Fort de ce constat, l’Etat burkinabè a engagé des discussions avec les partenaires techniques et financiers aux fins de revoir les données.

Ce qui a permis de porter la base minimale d’intervention annuelle à 5 millions de F CFA pour les villages dont la population est inférieure à 1000 habitants.

Pour les villages ayant plus de 1000 habitants, ils reçoivent certes les 5 millions (la base minimale par village), mais en plus, ils perçoivent selon le calcul de 3 000 F par habitant, une sorte de « rallonge ou complément ».

A ce jour, le PNGT intervient dans 3000 villages selon des critères établis. Les choix des villages ne sont nullement basés sur des considérations ethniques, politiques et autres.

S : Par rapport aux interventions du PNGT, quels sont les reproches que les bénéficiaires formulent pour mieux satisfaire leurs attentes ?

JPGS : Une étude conduite par l’Université de Ouagadougou auprès des communautés pour s’enquérir de leurs perceptions de la mise en œuvre du programme, fait ressortir que : -les communautés bénéficiaires trouvent les montants mis à leur disposition, insuffisants pour insuffler un véritable développement. Leur souhait est de voir les ressources financières augmenter et surtout, la mise en place d’un plan de financement qui s’étalerait sur 4 ou 5 ans. -L’insécurité galopante et inquiétante compromet un tant soit peu les transferts de fonds par les commissions villageoises de gestion des terroirs pour payer les prestataires. Ces commissions villageois notamment les premiers responsables, du fait qu’ils sont trop accaparés par les activités du programme mais à titre de bénévolat, demandent de plus en plus à être rémunérés pour le travail qu’ils font. Or, le dispositif du programme ne prévoit rien à cet effet. Enfin, les communautés souhaitent également que le programme dans sa 2e phase, puisse financer des activités génératrices de revenus.

S : La résolution des différends fonciers dans les villages relève t-elle de la compétence du PNGT ?

JPGS : Le PNGT est, à travers sa composante dénommée « Opération-pilote de sécurisation foncière », compétent pour intervenir dans les crises foncières qui diviseraient des villages. Son intervention s’articule sur la culture du dialogue, de la concertation entre les belligérants, dans un esprit de compréhension mutuelle. Mais pour les problèmes liés à la chefferie, le PNGT n’intervient pas.

S : Quelles satisfactions tirez-vous de l’action du PNGT sur le terrain ?

JPGS : A mon arrivée à la tête du programme en juillet 2001, je me posais la question de savoir si au bout d’un an, le programme n’allait pas être interrompue parce que la gestion des ressources financières a été mal conduite. Quatre ans après, j’éprouve une très grande satisfaction quant à la gestion rigoureuse et transparente des ressources financières par les communautés et le programme. Ce qui a permis la réalisation de nombreuses infrastructures à leur profit.

Mieux, je tire une satisfaction quant à l’éveil des communautés, elles sont aujourd’hui à même de dépouiller des consultations, des appels d’offres, de faire des classifications, de rechercher des prestataires...

Sita TARBAGDO
Siwaya

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