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Burkina/Droits humains : « Aujourd’hui, chacun prend sa vérité pour absolue… On se parle, mais personne n’écoute l’autre » (DG, Hadjaratou Zongo)

Publié le mercredi 10 mai 2023 à 22h31min

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Burkina/Droits humains : « Aujourd’hui, chacun prend sa vérité pour absolue… On se parle, mais personne n’écoute l’autre » (DG, Hadjaratou Zongo)

Le Haut-commissariat des nations-unies aux droits de l’homme, en collaboration avec le ministère de la Justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, a, en différé, commémoré la 30e Journée internationale de la liberté de la presse à travers une table-ronde qui a réuni des acteurs du privé et les pouvoirs publics. C’était le mardi, 9 mai 2023 à Ouagadougou, autour du thème : « Liberté d’expression et de la presse dans les contextes de crise : un dialogue entre Burkinabè ».

Ces échanges, en lien avec le thème de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2023, « Façonner un avenir des droits : La liberté d’expression, clé de voûte des droits humains », visent principalement à favoriser le dialogue entre les acteurs de l’espace civique (journalistes, professionnels des médias, organisations de la société civile, organisations non-gouvernementales) d’une part, et les autorités nationales, particulièrement celles en charge des droits humains, de la sécurité, de la défense et de la communication, d’autre part.

Trois interventions ont fait cette journée. Ainsi, dans sa communication sur le cadre juridique de la liberté d’expression au Burkina et le rôle du gouvernement dans la protection des acteurs de la société civile, la directrice générale (DG) des droits humains, Hadjaratou Zongo, a revisité avec les participants, des engagements pris au niveau international par le Burkina et les dispositions internes en matières de liberté d’expression et de droits humains en général.

De g.vers la d. : Hadjaratou Zongo, Bertille Zon et Louis Modeste Ouédraogo, les trois communicants de la journée.

Ce qui permet de garantir des droits au profit des Burkinabè et de tous ceux qui vivent au Burkina Faso. « On peut dire que la liberté d’expression bénéficie véritablement d’un cadre juridique favorable à son exercice au Burkina. Il reste entendu que l’exercice de cette liberté est, dans certaines conditions, bien encadré », épluche la directrice générale, pour qui, et en clair, on ne peut, au nom de la liberté d’expression, se permettre tout.

« On ne peut pas tout dire n’importe où et n’importe comment. On ne peut pas, au nom de la liberté d’expression, tenir des discours qui portent atteinte aux droits et à la liberté d’autrui. On ne peut pas porter de discours qui stigmatisent, incitent à la violence et à la haine. Même les instruments internationaux qui garantissent cette liberté d’expression interdisent formellement ces discours de haine, qui incitent à la stigmatisation et à la violence, qui portent atteinte à la vie privée, aux droits, à la réputation des citoyens », rappelle la communicante.

En fonction également des circonstances, poursuit-elle, le droit international des droits de l’homme autorise des limitations à certains droits et à certaines libertés. Lorsqu’il y a une menace grave sur les institutions de la République, une menace à la paix, à la sécurité nationale, à l’ordre public, le droit international des droits de l’homme autorise les Etats à prendre les dispositions (pour autant que cela respecte la procédure) pour limiter les libertés et des droits humains, étaye Mme Zongo.

« Tout le monde a intérêt à ce que l’Etat reste fort »

« C’est dans ce contexte-là qu’au niveau du Burkina Faso, la liberté d’expression est véritablement encadrée. Mais cet encadrement consiste à donner plein effet aux droits humains, parce que le gouvernement et l’Etat ont la responsabilité de protéger les droits des populations. Au nom de cette responsabilité, ils doivent prendre des mesures pour assurer la pleine jouissance par l’ensemble des populations de leurs droits », cite la directrice générale des droits humains, Hadjaratou Zongo.
Aussi soutient-elle que ces restrictions entrent dans le cadre de la protection des droits humains, elles ne sont pas arbitraires ; dans la mesure où elles sont faites sous le contrôle des organes de surveillance des traités internationaux auxquels le Burkina a souscrit. Scrutant donc le contexte actuel du Burkina, Hadjaratou Zongo invite également au respect des textes et institutions de promotion et de protection des droits humains.

« Tout le monde a intérêt, d’abord, à ce que l’Etat reste fort ; parce que le véritable garant des droits humains, c’est l’Etat. Et ce qui permet à l’Etat d’assurer sa responsabilité, en matières de droits humains, c’est véritablement ce pouvoir-là. Nous avons tous intérêt donc à travailler à ce que l’Etat reste fort, qu’il ait toute la capacité d’assurer à chaque citoyen, la protection de son droit. Nous avons également intérêt à nous ouvrir aux autres ; parce que ce qu’on constate aujourd’hui, c’est que chacun prend sa vérité pour absolue, et on refuse de s’ouvrir aux autres. C’est-à-dire qu’on se parle, mais personne n’écoute l’autre. ‘’Ma vérité, c’est la vérité absolue, donc je m’en fous de ce que l’autre va dire’’. Alors qu’en matière de droits humains, c’est la pluralité, la diversité qui enrichit le débat et c’est ce qui permet de renforcer des cadres de protection de nos droits et de nos libertés. Donc, que véritablement, les uns et les autres acceptent de s’ouvrir aux débats, de sorte à ce qu’on permette à chacun de pouvoir s’exprimer et que cette expression se fasse dans le cadre du respect, non seulement de l’autorité de l’Etat (qui doit rester fort), mais aussi dans le respect des droits et des libertés des autres (parce qu’au nom de mon droit à la liberté, je n’ai pas le droit de porter atteinte aux droits d’autrui). Autant chacun veut qu’on respecte son droit autant nous devons également nous imposer cette obligation de respecter le droit des autres », interpelle la directrice générale, adjaratou Zongo.

Cette communication a été suivie par celle du chargé de missions du président du Conseil supérieur de la communication, Louis Modeste Ouédraogo. Ce dernier a exposé sur le rôle du CSC (Conseil supérieur de la communication) dans la promotion et la protection de l’espace civique au Burkina Faso. Le juriste spécialiste des TIC va dérouler sa démarche autour de la régulation de la communication comme moyen de promotion et de protection de l’espace civique. Il aborde ensuite les autres formes de contribution du CSC à la promotion et à la protection de l’espace civique avant de présenter les limites, perspectives et recommandations.

De la communication du spécialiste, on note entre autres que le Burkina dénombre, à cette date, 136 radios, 28 télévisions, neuf distributeurs de services audiovisuels à péage, 23 radios communales, six radios institutionnelles, sept stations de la radio nationale, quatre chaînes de la télévision nationale et quatre radios internationales.
La presse écrite et en ligne publique et privée totalise 80 titres (six quotidiens, cinq hebdomadaires, treize bimensuels, 17 mensuels, un bimestriel, 38 journaux institutionnels spécialisés), 145 médias en ligne déclarés au CSC.
« Ce paysage médiatique foisonnant est la preuve de l’existence d’une presse plurielle et diversifiée reflétant la diversité des courants de pensée et d’opinion qui existent dans la société burkinabè », convainc Louis Modeste Ouédraogo.

« Nous ne sommes pas journalistes pour nous-mêmes… »

Après avoir fait cas des limites de l’institution, le chargé de missions du président du CSC a formulé des recommandations. Il s’agit du renforcement des moyens d’action de l’institution afin de lui permettre d’amorcer une régulation plus ambitieuse, notamment en étendant le champ de la régulation aux réseaux sociaux numériques (nécessaire réforme du cadre juridique) ; la mise en place d’une inter-régulation formalisée de l’espace civique, et plus particulièrement dans l’espace numérique qui doit être à la fois de type horizontal (coopération entre institutions ou autorités nationales) et de type vertical (coopération entre les autorités nationales et les autorités communautaires, régionales et internationales). Outre le renforcement de la professionnalisation de la presse par la formation et la spécialisation des journalistes ainsi que la promotion de l’autorégulation interne, le juriste spécialiste des TIC recommande la spécialisation des juges en matière de droit de la presse ainsi que la résolution des crises et la stabilisation de l’Etat.

La troisième communication a été, elle, livrée par Bertille Zon de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) sur les défis des acteurs des médias dans un contexte de crise : cas du Burkina. Après une cartographie de la situation que traverse le pays depuis huit ans, la communicante s’est attardée sur le cas particulier des journalistes dans l’exercice de leur métier dans ce contexte de crise.

Et là, la situation est particulièrement difficile pour ces professionnels de l’information, dont le quotidien rime avec des menaces de mort, intimidations et autres propos virulents à leur égard. A titre illustratif, et selon une étude en cours sur la liberté de presse au Burkina, citée par un participant, expert-média et enseignant en journalisme, 22 journalistes ont reçu des menaces de mort et sept médias ont été accusés de « radio mille collines ». Un environnement délétère aidé et nourri par le discours des dirigeants.
« Nous ne sommes pas journalistes pour nous-mêmes, nous le sommes pour le peuple », interpelle la spécialiste, Bertille Zon.

Selon le ministre de la justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, garde des sceaux, Bibata Nébié, le thème retenu au plan international témoigne de la place primordiale de la liberté de la presse dans la consolidation de l’Etat de droit, de la paix et du vivre-ensemble. La journée mondiale de la liberté de presse vise à, dit-elle, sensibiliser l’opinion à l’importance de la liberté d’expression consacrée au plan international par entre autres, la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques et au plan national par la constitution.

« Elle se veut une journée de soutien aux médias, de mémoire et d’hommages aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur métier », soutient Bibata Nébié, réaffirmant l’engagement du Burkina à protéger les droits humains et à renforcer les conditions de leur exercice au profit de tous.

Pour la représentante du haut-commissaire des nations-unies aux droits de l’homme au Burkina, Zeinab Hamza Diaby, cette rencontre entre en droite ligne avec le mandat de l’institution qui consiste à soutenir et à accompagner les autorités burkinabè dans la mise en œuvre de leurs engagements surtout en matière de promotion et de protection de l’espace civique.

De son avis, le travail des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres représentants de la société civile est capital pour l’avènement et la consolidation de la paix ainsi que la promotion et la protection des droits de l’homme. Malheureusement, dans plusieurs pays, notamment en périodes de crise sécuritaire, les journalistes sont confrontés à de nombreux défis qui ne favorisent pas le plein exercice de leur profession en toute liberté et en toute sécurité.

La table-ronde s’est soldée par des recommandations à l’endroit de plusieurs acteurs et entités, notamment l’Etat et les pouvoirs publics, les professionnels des médias, le Conseil supérieur de la communication.

O.L
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 11 mai 2023 à 09:30, par kwiliga En réponse à : Burkina/Droits humains : « Aujourd’hui, chacun prend sa vérité pour absolue… On se parle, mais personne n’écoute l’autre » (DG, Hadjaratou Zongo)

    "Aujourd’hui, chacun prend sa vérité pour absolue…"
    Bah, c’est quoi cette phrase ?
    Des conceptions, des convictions, des idéaux,... ok, mais "sa vérité", ça n’existe pas.
    La vérité, il n’y en a qu’une, à Inata, à Yirgou, à Karma, ailleurs... il y a La Vérité... et un jour, nous la connaitrons.

  • Le 11 mai 2023 à 11:33, par Bagatie En réponse à : Burkina/Droits humains : « Aujourd’hui, chacun prend sa vérité pour absolue… On se parle, mais personne n’écoute l’autre » (DG, Hadjaratou Zongo)

    Que nos droits de l’hommistes et certains journaleux écoutent ça : "Nous avons également intérêt à nous ouvrir aux autres ; parce que ce qu’on constate aujourd’hui, c’est que chacun prend sa vérité pour absolue, et on refuse de s’ouvrir aux autres. C’est-à-dire qu’on se parle, mais personne n’écoute l’autre. ‘’Ma vérité, c’est la vérité absolue, donc je m’en fous de ce que l’autre va dire’’. Alors qu’en matière de droits humains, c’est la pluralité, la diversité qui enrichit le débat et c’est ce qui permet de renforcer des cadres de protection de nos droits et de nos libertés. Donc, que véritablement, les uns et les autres acceptent de s’ouvrir aux débats, de sorte à ce qu’on permette à chacun de pouvoir s’exprimer et que cette expression se fasse dans le cadre du respect, non seulement de l’autorité de l’Etat (qui doit rester fort), mais aussi dans le respect des droits et des libertés des autres (parce qu’au nom de mon droit à la liberté, je n’ai pas le droit de porter atteinte aux droits d’autrui). Autant chacun veut qu’on respecte son droit autant nous devons également nous imposer cette obligation de respecter le droit des autres", Bravo Mme la directrice générale des droits humains, Adjaratou Zongo.

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