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Côte d’Ivoire : Le Gbagboïsme ou l’art de reprendre la main

Publié le samedi 28 janvier 2006 à 09h59min

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Laurent Gbagbo (Ph. A. Nianzou)

La formation du gouvernement de transition de Charles Konan Banny a marqué un tournant véritable dans la situation de crise que vit la Côte d’Ivoire. Avec le caractère trempé qu’on lui prête, l’ex-gouverneur de la BCEAO a su imposer ses vues et partant sa marque. Malgré les tentatives du FPI de contrôler la formation de cet exécutif, Banny est resté ferme et a mené à terme une opération bien pensée et réalisée.

Ce premier bras de fer gagné face à Laurent Gbagbo pouvait augurer d’une marche assez tranquille pour son équipe. Mais la trêve aurait duré le temps d’une respiration. Il fallait, pour le FPI, trouver la stratégie de son retour au-devant des affaires.

Certains avaient pensé que Charles Konan Banny était l’homme de la situation. N’avait-il pas montré qu’il nourrissait l’ambition de réussir là où son prédécesseur avait échoué sur les grandes largeurs ?

En donnant à son gouvernement, surtout aux postes clés des Finances, de la Défense et de la Sécurité, de la Communication une couleur qui le place au-dessus des querelles partisanes, Konan Banny affirmait qu’il est et serait l’homme - maître du jeu politique.

Un tournant, qui de facto, mettait hors jeu Gbagbo et ses affidés, indiquant ainsi que le temps des complots tordus étaient révolus. On pouvait le penser avec lui, mais c’était compter sans la capacité de nuisance d’un pouvoir aux abois, sentant pour lui la fin proche. Il n’y a en effet personne pour croire que le FPI peut remporter des élections vraiment propres en Côte d’Ivoire. Surtout si la transition se passe sans qu’il n’ait le pouvoir de tirer encore et toujours les ficelles.

Il fallait pour ce parti, frauduleusement entré dans l’histoire du pays - élimination des candidats RDR et PDCI de la présidentielle de 2000 - tout faire afin de remettre les choses à l’endroit.

Arme parfaite...

Première escarmouche de la reconquête des premiers rôles, l’attaque supposée contre le camp militaire d’Akuédo. Celle-ci pouvait et devrait être le prétexte pour déclarer la République en danger et occasionner que le premier magistrat, garant de la sécurité et de l’intégrité du territoire, prenne les rênes du pouvoir.

Pendant deux, trois jours, on a aperçu Laurent Gbagbo au four et au moulin, mobilisant à ses trousses tous les médias nationaux et particulièrement la lucarne magique. Oui, on n’aura vu que lui à la télévision, déclarant à qui voulait l’entendre que l’armée nationale est là pour veiller sur le peuple, sa sécurité et qu’elle a la maîtrise des événements.

Ou encore, jouant les pères compatissant à la douleur de ceux qui ont perdu des parents dans une opération cousue de fil blanc. Pendant ce temps, Konan Banny était porté "disparu", mis aux oubliettes par le bulldozer du palais de Cocody, s’adonnant à son sport favori, envahir l’espace politico-médiatique.

Mais, il lui restait à finir le travail, en sortant son arme parfaite, les tristement célèbres patriotes. Ces bandes de loubards obéissant au doigt et à l’œil, entretenus à coups de milliards pour terroriser, dicter, imposer, mettre les résistants à cette nouvelle dictature au pas. La stratégie savamment exécutée a si bien réussie que depuis la venue de Olusegun Obasanjo, seul Gbagbo et son FPI ont le droit de faire, de dire et d’être.

... Et chef suprême

Depuis, il a enfilé ses habits de chef suprême. Le Premier ministre et tout ce que compte la Côte d’Ivoire (diplomaties, chefs coutumiers, autorités religieuses, judiciaires, administratives, société civile ...) défilent devant lui pour l’écouter sagement distiller la bonne parole. Il n’est jusqu’à l’Etat-major et toute la hiérarchie militaire à venir faire acte d’allégeance et repartir au champ de bataille, forts des conseils précieux et aussi des directives de l’incontournable Gbagbo.

Désormais, l’argument favori du respect strict de la constitution distillé à tout va pour justifier l’obligation de la prorogation du mandat des députés semble avoir fait mouche.

Le terrorisme sans nom qui s’est, trois jours durant, abattu sur Abidjan et d’autres villes de l’intérieur était en somme tout l’art et la manière FPI de s’accrocher coûte que coûte à un pouvoir qui semble lui glisser entre les doigts.

Ce coup de force était d’autant plus musclé, c’est l’ONU qui a été attaquée dans ses fondements, que contrairement à Seydou Elimane Diarra, Charles Konan Banny lui a l’envergure. Par sa carrière, son parcours et partant sa stature, il était en train de donner une autre dimension à la crise. Celle qui allait conduire à des élections libres, équitables et transparentes dans neuf mois. Et ce type d’élections signifie grand danger pour le pouvoir FPI.

La balle est à présent dans le jardin de l’Organisation des Nations unies. Plus que Konan Banny, c’est elle qui a tout à perdre, son crédit, son autorité, voire sa raison d’être, dans ce bras de fer engagé par Laurent Gbagbo. Elle doit peser de toutes ses forces, avec tous ses moyens pour que cette énième médiation ne finisse pas comme les précédentes, en eau de boudin. Les regards sont braqués sur elle. On veut croire qu’elle n’est pas un machin, tel que le pense la plupart des citoyens de ce monde.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 30 janvier 2006 à 02:44, par J.K OFORI En réponse à : > Côte d’Ivoire : Le Gbagboïsme ou l’art de reprendre la main

    Laurent Gbagbo reprend la main,mais pour combien de temps encore ?Aux menaces à peine voilées de Charles Blé Goudé,L’ONU répond par un silence assourdissant.Blé Goudé sait que personne n’a intérêt à faire de lui un martyr,alors il fanfaronne,poussé par un clan présidentiel aux abois.
    Les sanctions onusiennes tomberont du jour au lendemain ; mais dans un soucis d’équilibre,on cherchera à sanctionner les seconds couteaux des Forces Nouvelles tout en ménageant Madame Gbagbo.Blé Goudé a-til déjà compris qu’on pourrait le sacrifier sur l’autel de la raison d’Etat ?Auquel cas,on comprendrait mieux pourquoi il embrasse son mentor pour mieux l’étreindre.Au cours des dernières manifestations des "patriotes",de l’avis général des observateurs,la lassitude gagnerait les rangs d’une jeunesse qu’il faut à tout prix remobiliser.Alors on s’active, on invective et on bluffe en attendant de neutraliser définitivement le nouveau Premier Ministre.
    Somme toute,chacun joue sa partition ,et chacun s’écoute jouer en regardant un chef d’orchestre qui tourne le dos à ses musiciens.

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