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Sassou III à la présidence de l’UA : l’impératif de combler un vide juridique

Publié le mercredi 25 janvier 2006 à 07h35min

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Denis Sassou N’Guesso

Omar El Béchir, sous les coups de boutoir de ses pairs et de la communauté internationale, a donc revu ses prétentions, légitimes du reste, à la baisse et a lâché prise.

Et voilà donc Denis Sassou N’Guesso, héritant du drapeau des 53 Etats que compte l’Union africaine, pour une année. Le conclave ordinaire, 6e du genre des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine qui s’est ouvert le 23 janvier dernier à Khartoum, vient de buter, ce qui s’assimile à un demi- échec, contre une de ses tares congénitales : le flou juridique concernant certains aspects de son fonctionnement, et en l’espèce, le renouvellement de sa présidence.

En effet, pendant presque 48 heures, il fallait trouver un remplaçant à Olusegun Obasanjo, dont le mandat avait déjà été prorogé. Or, les articles 15 et 18 du règlement intérieur de la conférence des chefs d’Etat de l’Union africaine disposent que le président est désigné par consensus, c’est-à-dire à l’unanimité. A Khartoum cependant, le moins que l’on puisse dire, est qu’à défaut de faire chorus, Omar El Béchir, le chef de l’Etat soudanais, à qui revenait cette présidence tournante, n’a pas rassemblé beaucoup de ses pairs autour de son nom.

S’arc-boutant à cette rotation tacite, El Béchir a fait de la résistance : "Que vais-je dire à mes concitoyens si je ne suis pas désigné président de l’Union africaine, alors que mon pays abrite la conférence des chefs d’Etat ?", répétait-il comme une antienne à ses pairs, lors de son discours et en aparté. Las ! Finalement, c’est le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou N’Guesso, qui a été désigné pour assumer la présidence de l’organisation panafricaine.

Une désignation qui met à nu le vide juridique qui régit le mode de dévolution à ce poste. Une lacune qui s’était déjà fait jour le 9 juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), lorsque le projet des Etats-Unis d’Afrique du Guide libyen est devenu une réalité. Ce jour-là, dans la ville balnéaire de la côte est de l’Afrique du Sud, l’Union africaine naquit sur les cendres de l’OUA.

Et les débats achoppèrent sur des problèmes tels les prérogatives du président de la Commission et le mode de désignation du président en exercice. Finalement, l’Acte constitutif consacra celui du consensus, qui a l’avantage de contenter tout le monde ; mais au cas où cette entente ne serait pas totale, comme ce fut le cas à Khartoum, que faire ?

Assurément donc, l’article 15 cité plus haut pèche de ce côté, car n’ayant pas prévu le contraire. Peut-être que la désignation par le vote aurait été avantageuse, car ce serait la majorité qui dicterait sa loi.

En mettant Omar El Béchir sur la touche et en propulsant Sassou III (1) sur le devant de la scène, l’Union africaine tombe de charybde en Scilla ou plutôt, comme nous l’écrivions, on choisit la peste plutôt que le choléra. Si El Béchir, dont les militaires djamdjawid écument le Darfour et massacrent les populations autochtones noires, est accusé à tort ou à raison d’être le mentor des rebelles tchadiens qui menacent le président Idriss Deby, donc presqu’infréquentable, Denis Sassou N’Guesso n’est pas non plus un enfant de cœur.

Le maître du Congo Brazza a certes revêtu la tenue de démocrate, il a organisé des élections, il a fait la paix avec Pascal Lissouba à l’occasion des obsèques de la femme de ce dernier, mais la guerre civile dont il est coresponsable (avec Pascal Lissouba), qui a dévasté le pays, sans oublier la ténébreuse histoire des disparus du Beach, viennent rappeler que ce pion de la Françafrique traîne toujours des casseroles qui auraient dû militer en sa défaveur pour ce choix.

Mais la réalpolitik ayant prévalu, "il faut que le poste revienne à l’Afrique centrale", thème sur lequel a fait campagne le Gabonais Omar Ondimba Bongo, qui n’a d’ailleurs pas hésité à faire du lobbying pour son beauf’ Sassou.

Il reste à ce nwene, chef en langue mbochi, l’ethnie de Sassou, de convaincre durant son mandat, pour donner raison à ses pairs.

Au-delà de cette désignation par défaut, la 6e session de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africain s’assimile à un demi-échec. L’ordre du jour, bien rempli initialement (conflit au Darfour, extradition de Hissène Habré, crise en Côte d’Ivoire), a été finalement presque relégué aux "calendes soudanaises". Empêtrés dans la controverse pour la désignation du remplaçant du chef de l’Etat nigérian, les gouvernants d’Afrique seront restés en surface concernant des problématiques qui les interpellent en premier lieu.

Une réforme ou plutôt une relecture des textes de l’Union africaine et du règlement intérieur de la Conférence des chefs d’Etat de la fille de l’OUA serait de bon aloi, afin de permettre d’avancer dans la clarté et surtout d’éviter des pertes de temps inutiles consacrées à des discussions souvent oisives, alors que tout est prioritaire sur le continent noir.

En tout cas, Omar El Béchir, qui a accepté d’attendre en 2007 pour prendre les rênes de la présidence en exercice, permet, ainsi d’ici là, de toiletter les textes et surtout de voir venir : ne déclarait-il pas, lorsque le Soudan présentait sa candidature pour abriter ce 6e Sommet ordinaire, qu’un Sommet serait une chance pour résoudre la question du Darfour ? Apparemment, ce n’est pas encore le cas. Mais qui sait, une année, c’est peu et beaucoup à la fois ! Si en plus Sassou III ne chôme pas...

Z. Dieudonné Zoungrana

(1) En 1997. C’est la 3e fois que Sassou N’Guesso accède au Sommet de l’Etat, après l’intérim de 1977

L’Observateur

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