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Thomas Sankara : Le supplice continue !

Publié le mercredi 22 février 2023 à 19h50min

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Thomas Sankara :  Le supplice continue !

Ce qui devait être un couronnement est devenu un point de discorde et le début d’un nouveau déchirement. Ce qui devait être un recueillement national est devenu une tempête dramatique. Ce qui devait amener l’apaisement dans les cœurs rallume la douleur et prolonge le supplice.

Sans des familles de victimes, sans des orphelins des martyrs, sans des veuves, dans un lieu non consensuel et même disputé, les restes des héros du 15 octobre seront inhumés !
Vaines, les larmes et les supplications de familles de victimes. Vains les appels à la recherche du consensus. Vaines, les missions de bons offices et les médiations de tous genres.

Pourquoi ?

Le pseudo-consensus annoncé a été éventé. On le sait à présent, contrairement au communiqué officiel, la décision sur le lieu et la date des inhumations n’a pas requis le consensus des familles des victimes. Il est dès lors opposé des arguties juridiques et de mystiques « impératifs socioculturel et sécuritaire d’intérêt national ».

Les restes du héros appartiennent-ils à l’armée ou à sa famille ? Un faux dilemme qui présente une opposition binaire qui n’a pas lieu d’être, comme si le consensus était interdit ou impossible. La famille Sankara, digne, est sortie de sa réserve, parce qu’indignée, et a exposé à présent ses doléances qui ne sont pas insurmontables pour peu que l’on veuille lui accorder la considération et le respect dus aux familles de victimes. Personne ne s’est battu pour savoir à qui revenait les charges des orphelins durant toutes ces décennies. Qui s’est inquiété du sort des orphelins, des veuves, des frères et sœurs, des parents des martyrs durant ces décennies ? L’Armée ? L’État ? Un peu de décence tout de même !

Des « impératifs socioculturel et sécuritaire d’intérêt national » ? Beaucoup lisent dans ces mots, le pari occultiste suivant : il semble que l’inhumation en urgence au Conseil de l’Entente aurait des vertus de lutte contre l’insécurité en ramenant la paix sociale troublée. Nous laissons cela aux experts en la matière. Dieu nous ramène la paix !

Qu’il suffise de noter tout de même que nos traditions ont bon dos, elles sont évoquées et invoquées opportunément pour toutes les causes : les bonnes comme les mauvaises ; les intentions affichées comme les motivations occultes ainsi que des considérations les plus superstitieuses.

Plus fondamentalement, ramener la crise sécuritaire actuelle à la mémoire hantée de nos héros qu’il faut apaiser pour retrouver la paix est une erreur qui nous aveuglerait. Quid alors du Mali et du Niger confrontés aux mêmes crises sécuritaires que nous ? Cela rappelle hélas certains arguments sur le retour frauduleux de Blaise Compaoré dans la division totale. On connait la suite.
Au final, les questions demeurent : pourquoi cet entêtement ? Pourquoi cet empressement ?

Et pourtant c’était un moment de victoire !

Et pourtant nous étions dans un moment de victoire, de victoire partagée. De nombreux militants et sympathisants, d’ici et d’ailleurs, ont obtenu la tenue effective du procès historique sur les évènements du 15 octobre 1987 et la condamnation de commanditaires et auteurs. Cette victoire est celle de tous ces militants de différentes générations, de tous les soutiens extérieurs et divers, de tous ces jeunes qui voient en Sankara leur héros et trouvent en sa parole et en ses actes le viatique de leur engagement, la source de leur espérance. Victoire de familles de victimes endurantes, courageuses et restées dignes. Hélas, cette victoire ne laisse pas place, pas encore, au deuil paisible des familles et de la Nation entière. Il semble qu’il était besoin de rejouer le drame et de faire prolonger le supplice. Hélas !

Qui ne sait pas faire la paix avec ses morts ne sait pas faire la paix avec lui-même a fortiori ses défis !

Aucun régime politique n’aura revendiqué l’héritage de Sankara autant que les plus hautes autorités de la Transition en cours. Elles peuvent encore et doivent dégager leur responsabilité historique. Sinon, elles assumeront le mépris et l’arbitraire contre la veuve et les orphelins du plus grand défenseur de la veuve et de l’orphelin dans notre histoire contemporaine. Est-ce la récompense que ce pays réserve aux familles qui nous donnent la prunelle de leurs yeux, aux familles des meilleurs d’entre nous ? La veuve et les orphelins, toutes les familles des victimes méritent bien mieux de la part de notre pays. Surtout, le Burkina Faso mérite bien mieux que ce drame continu et l’effroi éternel des souffrances des victimes et de leurs familles.

Au fond, notre faillite à organiser l’inhumation des restes de nos martyrs dans la dignité, le recueillement et le consensus est symptomatique de notre incapacité à nous rassembler véritablement contre l’insécurité. Un pays qui ne sait pas faire la paix avec ses morts ne peut pas faire la paix avec lui-même, a fortiori affronter ses défis ! Contre le terrorisme, Sankara doit nous réunir, et non nous diviser ! Il est encore temps (?) de bien faire.

Ra-Sablga Seydou OUÉDRAOGO
Directeur exécutif de l’Institut FREE Afrik

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Vos commentaires

  • Le 22 février 2023 à 20:38, par Mitibkiéta En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    Utilisez votre belle plume à bon escient.
    On ne peut pas satisfaire tout le monde et Sankara n’appartient pas qu’à sa sœur.
    D’ailleurs, il y a 12 autres familles qui sont concernées...
    Dieu bénisse le Burkina !

  • Le 22 février 2023 à 21:24, par Sonni ALIBER En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    ARRÊTEZ ÇA TOUT DE SUITE VOS ÉCRITS DE LA HONTE /CE N’EST PAS DU TOUT LE MOMENT /PERSONNE AU BURKINA FASO 🇧🇫 NE PEUT S’ADJUGER LE PRÉSIDENT THOMAS SANKARA ,MÊME MORT IL S’EST RESSUSCITÉ EN TOUT LE MONDE ENTIER SURTOUT DI CONTINENT AFRICAIN NOIR /JE SUIS DÉSOLÉ DE LE DIRE ,THOMAS SANKARA N’APPARTIENT PLUS À SA FAMILLE,IL EST RÉINCARNÉ EN TOUS LES AFRICAINS NOIRS /ALORS,ARRÊTEZ DE NOUS CUIRE LES CŒURS ENCORE MEURTRI DE LA DISPARITION TRAGIQUE DE L’ICÔNE /ARRÊTEZ D’ALIMENTER ENCORE LA HAINE ET LA HONTE DANS LES CŒURS DES BURKINABÉ /🤫

  • Le 22 février 2023 à 21:53, par RV En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    Prions pour le repos des âmes de Sankara et de ses compagnons ! C’est une Tragédie ! Alors, n’espérez rien d’autre que la tristesse, la mélancolie. Évitons la rancoeur. Dieu seul sait ce qui est arrivé sous le CNR, le 15 octobre, la Rectification, l’insurrection et aujourd’hui. Soyons humble et avançons sous peine de donner raison aux détracteurs de Sankara qui parle de Malédiction. Dieu bénisse les familles et le Burkina Faso ! Union de prière !

    • Le 23 février 2023 à 02:49, par DJANGO En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

      RV. Depuis que vous avez évoqué le nom de Dieu il n’y aura pas de tragédie. Union de prières comme vous le dites. Soyons unanimes dans ce sens. C’est Dieu qui a mis sa main pour que SANKARA continue d’être honoré pour ce qu’il a été. Avec le temps ça ira. DIEU va empêcher la famille d’aller enlever le corps de SANKARA pour aller l’enterrer ailleurs . Elle finira par aller sur la tombe du héros national.

  • Le 23 février 2023 à 03:54, par legrand2000 En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    Je suis tout a fait d’accord avec vous Docteur. S’il y a d autres raisons, que l’on nous les exhibe sinon la fameuse theorie d’hunumer les restes de Sankara au conseil de l’entente pour des « impératifs socioculturel et sécuritaire d’intérêt national » en d’autre termes respecter les coutumes ne tiennent pas la route. Et les centaines de FDS tombes au front qu’on a hunumer au cimetiere de Goughin ?
    Sankara a beau etre pour tout le monde, il n’est pas descendu du ciel. Alors, forcer les familles tout en leur disant que c’est la disctature, c’est vraiment ignoble.
    De toutes les facons, Que Dieu sauve le Burkina Faso.

  • Le 23 février 2023 à 05:28, par Sacksida En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    En outre, tout croyant en Dieu Sublime sait que rien ne se fait sans aucune Volonte Devine, donc tous et toutes Orphelins, Veuves, Freres et Soeurs devraient se mobiliser pour etre de la Partie. Car Dieu Sublime seul est le Juge Supreme qui regule tout sur Terre ici bas et dans l’Au-dela. Tous autres arguties en pensant a de la mercantillisme indecent serait une Erreur Grave. Prions, Musulmans, Chretiens Catholiques, Chretiens Protestants et Croyants Animates pour le Repos Eternelle de leurs Ames. Que la Paix Veritable soit au Burkina Faso et son Peuple Burkinabe. Salut

    • Le 23 février 2023 à 08:45, par DJANGO En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

      Oui Sacsida. Le 15 octobre 1987 aucun membre de la famille de SANKARA n’osait aller s’afficher au cimetière pour revendiquer quoique ce soit. Oublier que c’est Dieu qui est à la base de faire enterrer SANKARA en humain est déplorable. MARIAM avait quitté le pays pour sauver sa peau et celle de ses enfants. D’autres personnes ont souffert en ce moment. Du reste la famille peut poser plainte pour revendiquer le fait que l’on ne l’a pas ramené à DAGNOEN.

  • Le 23 février 2023 à 07:06, par SID PAWALEMDE En réponse à : Thomas Sankara : Sankara : le supplice continue !

    Moi je pense qu’un autre régime viendra reinhumer Thomas Sankara et ses compagnons dans un consensus et un recueillement avec toutes les familles des victimes. Le deuil, c’est avant tout la cellule familiale. J’invite les militaires à ne pas trop embellir les tombes en posant des carreaux et autres décoration de valeur car ces corps seront transférés ailleurs, même si c’est dans 30 ans encore dans un consensus avec les veuves et les orphelins.

  • Le 23 février 2023 à 08:27, par Vérité indiscutable En réponse à : Thomas Sankara : Le supplice continue !

    Cet article respire beaucoup de respect. Merci bien à vous monsieur Ra-Sablga Seydou OUÉDRAOGO. On voit bien que le digne successeur de Sankara se laisse déjà transformer soit par son entourage, soit par sa compréhension limitée de nos traditions. On ne joue pas de cette manière avec les morts. Que ce soit Sankara ou n’importe quel autre mort.
    Que Dieu oriente lui-même les coeurs de ceux qui gouvernent et décident.

  • Le 23 février 2023 à 10:24, par YAWOTO En réponse à : Thomas Sankara : Le supplice continue !

    On a suivi bien des inhumations de militaires, par exemple au cimetière de Gounghin, je me pose ces questions ; les parents de ces victimes avaient-ils le droit de réclamer les corps pour les inhumer là ils veulent oui ou non ? Si c’est non SANKARA étant militaire, la famille a-t-elle le droit de réclamer un lieu de sépulture pour convenances personnelles ? Je m’excuse par avance pour ceux pour qui ces questions pourront heurter le sensibilité, mais elles méritent à mon humble avis d’être posées.

  • Le 23 février 2023 à 10:50, par Sacksida En réponse à : Thomas Sankara : Le supplice continue !

    De plus, les opportunistes et situationistes de la 25eme heures doivent cessez de nous pourir l’admosphere car seulement Dieu Sublime est infallible et au Controle. Que la Paix Veritable de Dieu Sublime soit sur le Burkina Faso. Salut

  • Le 23 février 2023 à 12:27, par S. Diallo En réponse à : Thomas Sankara : Le supplice continue !

    Dans un pays qui marche sur la tête et est perçu comme un fou errant dans le concert des nations. Le rationnel et la sagesse ont foutu le camp, le conseil constitutionnel legalise les coups d’etat, le mensonge est érigé en mode « fast track « d’accéder au pouvoir ( suivez mon regard…) les « perroquets » de Luc Hallade chantent le slogan « La patrie ou la mort nous vaincrons » alors que les auteurs l’ont enterré et chantent « la patrie et la vie », alors rien ne doit nous étonner. Merci Docteur pour cette pincée de lucidité .

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