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El Hadji Abdou Sakho (UEMOA) : "Hong Kong n’a été ni un échec ni un succès”

Publié le vendredi 20 janvier 2006 à 08h04min

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El Hadji Abdou Sakho

La Commission de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine est le chef de file de l’initiative coton dans les négociations à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Elle a été le porte-parole des Etats membres à la Conférence ministérielle de Hong-Kong (Chine) en décembre 2005.

Le commissaire chargé du département des politiques fiscales, douanières et commerciales, El Hadji Abdou Sakho revient sur cette rencontre. Il évoque l’avenir de la filière coton dans le commerce international et les efforts fournis par l’union pour dynamiser ce secteur dans les Etats membres.

Sidwaya (S) : Dans quelle ambiance les débats se sont déroulés à Hong-Kong à la sixième conférence ministérielle de l’OMC ?

El Hadji Abdou Sakho (E.A.S.) : L’objectif de la conférence de Hong-Kong était de conclure le cycle des négociations de Doha (Quatar), lancées en 2001. C’est en juillet 2004 que les Etats membres ont convenu d’un cadre général pour relancer les négociations et conclure le cycle des négociations à Hong-Kong (Chine). Ce cycle n’a pourtant pas pu être conclu à Hong-Kong. Mais ce n’est pas pour autant qu’on doit dire que c’est un échec. L’échec suppose que le processus lancé à Doha en 2001 n’ait pas abouti. Or, il n’y a pas eu de non aboutissement. De ce fait, on ne peut pas parler d’échec. Mais s’agit-il d’un succès ?

Je dirais qu’il s’agit d’un compromis entre les Etat-membres de l’OMC. Ce compromis permet d’une part, d’éviter l’échec du cycle de Doha et d’autres part, permet de continuer les négociations. Rendez-vous a été pris pour avril 2006 à Genève. Cette mesure me permet de dire que la réunion ministérielle de l’OMC à Hong-Kong n’a été ni un échec, ni un succès. A la lecture de la déclaration ministérielle, il n’y a pas eu de manifestation de désapprobation, ni de manifestation d’enthousiasme. Les Etats membres ont pris acte de la déclaration finale qui constate des points de convergence sur beaucoup de points inscrits à l’ordre du jour de la conférence.

S. : Quels étaient au départ les principaux points inscrits à l’ordre du jour de la 6e conférence ministérielle de l’OMC ?

E.A.S. : La conférence portait sur un peu moins de 30 points. Mais tous ces points peuvent être contenus dans 3 thèmes le premier, est relatif à l’accès au marché agricole, le deuxième porte sur les négociations agricoles, le troisième concerne les questions de développement. Sur tous ces points, il y a eu beaucoup de convergence.

S’agissant par exemple de l’agriculture, il s’est dégagé une entente sur les modalités pour l’élimination complète des subventions à l’exportation au plus tard en 2013. De même, s’agissant de la structuration des abaissements tarifaires pour les produits agricoles, beaucoup de points de convergence ont été dégagés. Sur l’accès au marché pour les produits non agricoles, les Etats membres ont convenu d’une formule de réduction des droits de douane surtout pour les produits dont l’exportation présente un intérêt pour les pays en développement. En ce qui concerne le commerce des services, nous avons convenu d’élever le niveau de libéralisation. Pour la réalisation du processus de libéralisation du commerce des services, nous avons de concert défini un échéancier.

Sur les questions de développement, il y a eu un accord important. Les pays les moins avancés (PMA) bénéficieront pour 97 à 100% de leurs produits, d’un accès libre et sans contingent sur les marchés des pays développés et des pays émergents comme l’Inde, la Chine, le Brésil...

S. : D’aucuns disent qu’à Hong-Kong, il y a eu des accords mais pas d’avancée. Etes-vous de cet avis ?

E.A.S. : A Hong-Kong, il y a eu des accords, mais aussi des avancées. Un accord suppose qu’on avance par rapport à quelque chose. On peut par contre soutenir que Hong-Kong n’était pas un succès à 100%. Mais les Etats membres ont décidé de poursuivre les négociations. Donc l’espoir est permis. Le processus de Doha continue. Les négociations sont sur le bon chemin vers la conclusion du cycle de Doha. Mais elles ne sont pas encore arrivées à destination.

S. : Sur la réunion de Hong-Kong, il y a un sujet particulier qui a préoccupé la plupart des pays de l’UEMOA, notamment les subventions américo-européennes sur le coton. En allant à Hong-Kong, aviez-vous comme préoccupation de dénoncer cette pratique ?

E.A.S. : Avant d’aller à Hong-Kong, la commission a réuni les ministres chargé du Commerce. Elles leur a soumis des propositions de négociation sur tous les thèmes inscrits à l’ordre du jour. A Hong-Kong, les ministres ont également adopté une déclaration qui reprend non seulement l’essentiel des revendications des pays de l’UEMOA, mais portant surtout sur le dossier du coton. Par rapport au dossier coton, les réclamations des pays de l’UEMOA portaient sur 8 points : l’élimination des subventions, la réduction en vue d’une élimination du soutien interne, l’amélioration de l’accès au marché pour le coton et ses dérivés, la mise en place d’un fonds de soutien aux économies des pays producteurs de coton confrontées aux mesures illicites de subvention et de soutien interne, la mobilisation de l’assistance technique et financière pour le développement des pays où le coton joue un rôle important de développement... Mais ce ne sont pas toutes ces revendications qui ont été agréées.

Cependant, sur le coton, nous avons obtenu un accord pour que les subventions soient éliminées en 2006. De même, le principe de l’accès en franchises de droits de douane pour le coton a été accepté. Le seul point sur lequel nous allons encore mettre l’accent, concerne la réduction du soutien interne. Sur ce point, nous avons reçu l’accord de principe que ce soutien interne sera réduit de façon plus rapide et plus ambitieuse que le rythme auquel l’accord sur l’agriculture a été obtenu. A Hong-Kong, même si nous n’avons pas obtenu la satisfaction de toutes nos revendications, il reste que nous avons fait du chemin...

Quand on va à des négociations, il convient de se donner les moyens politiques et économiques de ses ambitions. Les intérêts liés aux différents thèmes de négociations ne conviennent pas toujours aux considérations des groupes traditionnels de l’OMC. Sur le dossier du coton, vous pouvez avoir le soutien d’un groupe tel que le G90. Mais il ne faut jamais oublier le fait que parmi les pays du G90, il y a des pays comme le Kenya (dont le secteur textile représente 150 000 emplois) qui tirent profit du commerce du coton tel qu’il se présente actuellement.

Pour le cas du Kenya, les 150 000 emplois rien que dans le textile sont supérieurs à l’ensemble de l’emploi industriel, tous secteurs confondus, de tous les pays de l’UEMOA. De même, des pays comme l’Île Maurice, la Tunisie, le Maroc, le Botswana, le Malawi, l’Afrique du Sud... sont des puissances textiles. L’ensemble de ces pays-là tire beaucoup profit de la division internationale actuelle du travail en ce qui concerne les activités de production et de transformation du coton.

Comprenez alors que le soutien que vous pouvez obtenir par exemple du groupe G90 a des limites. Il ne faut jamais oublier le fait que les pays de l’UEMOA n’ont pas la puissance économique et le poids politique nécessaire pour remodeler les relations économiques internationales. Notre rôle, est de faire en sorte, à la faveur des négociations, que ces relations économiques internationales changent de physionomie. Dans le futur, nous allons travailler à nous donner suffisamment de poids économique et politique. Mais il faudrait pour cela qu’on renforce la coordination des positions, la coordination des points de vue par rapport aux termes des négociations ?

S. : Au delà des subventions américano-européennes, le coton ouest africain ne souffre-t-il pas plus la mauvaise organisation de la filière ?

E.A.S. : L’un des aspects de ce que l’on peut qualifier de crise du coton est lié au fait que les pays producteurs de coton exportent pour l’essentiel de leur production à l’état brut. Elle ne fait pas l’objet de transformation.

Ces exportations à faible valeur ajoutée, font plus subir les effets pervers de la concurrence au niveau international. Pour aller plus loin, il faut attirer l’attention sur le fait que pratiquement, tous les pays qui tirent profit du commerce du coton n’en produisent pas ou ne le font pas suffisamment. C’est le cas du Kenya et de l’Afrique du Sud.

Ces deux pays produisent très peu le coton. Cela s’inscrit dans les exportations des textiles dans le cadre l’AGOA : loi américaine sur la croissance et les opportunités d’affaires. Il y a des pays africains qui exportent pour environ deux milliards cinq cent millions de dollars US vers les Etats-Unis. Et ces exportations sont à 95% concentrées en Produit intérieur brut (PIB). Ce sont l’Afrique du Sud, le Botswana, le Lesotho, le Malawi, le Kenya...

Pour l’essentiel, 95% des exportations portent sur des pantalons et des jupes qui sont à 84% confectionnés avec du tissu fabriqué en Asie principalement en Chine.

L’espace UEMOA exporte plus sa production vers l’Asie, en particulier vers la Chine. Donc le coton africain va en Asie. Il est ensuite transformé en tissus, est réexporté de l’Asie vers les pays AGOA. Les pays AGOA les transforment et les exportent vers les Etats-Unis.

Il faut analyser cette division internationale du travail. Le coton africain est acheté à un prix déprimé du fait des subventions américaines. Donc qui perd ? Ce sont les pays africains producteurs.

Qui gagne ? C’est les pays africains qui exportent sous l’AGOA vers les Etats-Unis d’une part et le consommateur américain qui achète ces produits d’autre part puisque le coton y est subventionné.

Donc, les pays producteurs ne sont pas insérés dans un système de production et d’échange. Ils sont confinés au rôle de fournisseur de matière première à des prix défiant toute concurrence. C’est donc eux qui perdent. Comment remédier à une telle situation ? La commission a mis en place un agenda pour la compétitivité de la filière coton à travers un comité qui œuvre sur les instructions du président en exercice. Cet agenda concerne non seulement les aspects productions, mais surtout, les aspects transformation.

Récemment, une étude a été commanditée sur la question avec l’appui de la Banque africaine de développement (BAD) et de l’Oganisation des Nations unies pour l’Alimentation (FAO), sur l’identification des moyens de performance de la filière. Par ailleurs, comme le programme qualité ; il y a tout un programme pour procéder à la standardisation, à la qualité du coton, à l’achat des équipements pour mieux transporter le coton, équiper les laboratoires.

S. : Avant de s’attaquer au commerce mondial, les échanges intra communautaires sont-ils une réalité au sein de l’UEMOA ?

E.A.S. : Le commerce intra communautaire est aujourd’hui une réalité. Depuis la mise en place du traité de l’UEMOA, le commerce intra communautaire a augmenté considérablement. A part l’Union européenne, les pays membres bénéficient de l’une des rares unions douanières. Celle-ci dispose de règles d’origine sur la base desquelles, le commerce intra communautaire a été totalement libéralisé. Le tarif extérieur commun (TEC) est appliqué par les Etats membres.

Une politique commerciale commune est élaborée sur la base d’un arrêté du traité. Cela signifie qu’au cours des négociations multilatérales notamment dans le cadre de l’OMC, la commission élabore des positions de négociations que les Etats membres adoptent et auxquelles ils se conforment. De même, c’est l’UEMOA et non plus les Etats membres individuellement qui vont négocier avec d’autres Etats et d’autres ensembles. Des accords de commerce et d’investissement sont en train d’être négociés avec le Maroc, l’Algérie, l’Egypte etc. Ces accords existent déjà avec les Etats-Unis. Les négociations sont en cours avec d’autres ensembles économiques ou commerciaux.

Quand en commerce on échange des marchandises. Des pays produisent tel type de marchandises dont d’autres pays ont besoin et vice-versa. Cela signifie que les appareils productifs nationaux sont complémentaires des politiques économiques, notamment des programmes économiques régionaux permettant de faire en sorte que ce que les économistes appellent le parallélisme négatif des appareils productifs, (le fait de produire la même chose) puisse être atténué. Pour cela, des politiques et des programmes d’échange contribuent à approfondir et à jeter les bases réelles d’une politique communautaire d’échanges. Enfin, l’Union bénéficie d’une monnaie commune qui favorise les échanges des marchandises.

Le commerce intra communautaire a pris son essor à tel point que les moins-values enregistrées font l’objet d’une compensation. Et ces compensations ont atteint le niveau considérable. Elles ne concernent que les produits industriels. Etant entendu que les produits agricoles issus du secteur primaire qui font l’objet d’échange échappent un peu plus à ces procédures de compensation.

Interview réalisée par :Rabankhi Abou Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)
Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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