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Arbitrage au Burkina : « Il faut avoir un mental fort et aimer vraiment le métier », conseille Jean Emmanuel Compaoré, ancien arbitre international

Publié le lundi 30 janvier 2023 à 22h15min

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Arbitrage au Burkina : « Il faut avoir un mental fort et aimer vraiment le métier », conseille Jean Emmanuel Compaoré, ancien arbitre international

Dans le but de contribuer au développement de l’arbitrage au niveau national, les anciens arbitres de football du Burkina Faso se sont regroupés en faîtière. Il s’agit de l’Amicale des anciens arbitres de football du Burkina Faso (3AFBF). Cette nouvelle structure est présidée pour les trois prochaines années par Jean Emmanuel Compaoré, ancien arbitre international burkinabè et actuel inspecteur d’arbitres. Rencontré par Lefaso.net, il décline les objectifs de cette organisation et donne sa lecture du niveau de l’arbitrage au Burkina Faso.

Lefaso.net : Quelles sont les motivations de la mise en place de l’amicale ?

Jean Emmanuel Compaoré : Nous avons vu que les autres acteurs du football s’étaient réunis en association. On a par exemple des organisations d’anciens footballeurs, d’anciens entraîneurs. Il manquait seulement les arbitres, et c’est ce qui nous a motivés à mettre en place cette amicale.

Quels sont les objectifs visés par votre nouvelle structure ?

Nous avons pensé qu’elle pourra nous servir de cadre d’échanges entre anciens arbitres et contribuer au développement de l’arbitrage au Burkina Faso. Il s’agit aussi de promouvoir la paix, la solidarité, la cohésion sociale entre les anciens arbitres et les arbitres en activité. Nous sommes là comme le baobab, on a tous fait le terrain, on a de l’expérience. On est là pour apporter notre contribution, mais on ne va pas s’immiscer dans le système.

Vous êtes le tout premier président de l’amicale. Quelles sont les grandes lignes de votre programme ?

C’est pouvoir rassembler les anciens arbitres, essayer de voir comment nous pouvons contribuer au développement de l’arbitrage, soutenir les jeunes arbitres.

De façon globale, comment appréciez-vous le niveau de l’arbitrage dans le championnat burkinabè ?

Moi, je juge le niveau de l’arbitrage par rapport à l’international. Il faut voir l’apport de nos arbitres à l’international. Combien on en a ? Quel est leur niveau par rapport aux autres ? Malheureusement, on n’en a pas assez comparativement aux autres pays. Donc il faut une autre politique pour développer l’arbitrage. Je regarde le championnat national et je suis aussi inspecteur d’arbitres. Le niveau est bon, les jeunes sont bons, ils ont les compétences mais ils sont crispés, recroquevillés dans leur coin. Donc il faut les booster, les motiver davantage.

Comment vous appréciez la rémunération des arbitres ? La rémunération est-elle à l’origine de cette crispation ?

On vient d’augmenter leur rémunération, il y a à peine deux ans. C’est toujours insuffisant mais la rémunération n’est pas à l’origine de cette crispation. C’est l’environnement de façon générale. Il faut voir comment améliorer ça. J’ai été arbitre, je sais comment les choses se passent. Les rémunérations se font par match ; à la fin du match, on vous donne vos primes. Ce n’est même pas l’argent le problème, c’est l’amour du métier. Nous avons commencé le championnat, c’était à 5 000 F CFA la première division, et 2 000 F CFA la deuxième division. Aujourd’hui, c’est un peu plus mais on fait avec. C’est l’amour du métier, les gens ne viennent pas à cause des frais de match.

L’autre problème de l’arbitrage au Burkina Faso, c’est le matériel, surtout le matériel de dernière génération. Quel est votre avis sur cette question ?

La fédération fait des efforts pour le matériel de dernière génération, notamment les oreillettes et les drapeaux bip. Ça aide beaucoup, surtout dans la communication entre arbitres. Malheureusement, c’est du matériel très sensible et fragile ; donc ça se gâte vite. Il y a des rencontres où on n’a pas ce matériel malheureusement. Des efforts restent à faire dans ce domaine.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes arbitres et à ceux qui aspirent à devenir arbitres ?

D’abord aux jeunes arbitres qui sont déjà sur le terrain, c’est de les inviter à redoubler d’efforts. Quoi qu’on dise, l’arbitrage est individuel avant d’être un travail d’équipe lorsque vous êtes sur le terrain. Donc ils doivent parler le même langage, se soutenir. En dehors des entraînements collectifs, il faut s’entraîner seul pour pouvoir garder la forme et être performant. Ceux qui aspirent à devenir arbitres doivent s’armer de courage parce que les lois changent à tout moment. Tout est numérisé aujourd’hui, donc il faut maîtriser l’outil informatique pour pouvoir évoluer.

Vous avez parlé de l’utilisation de la technologie ; quel est votre avis sur l’utilisation de la VAR (arbitrage vidéo) ?

Elle a ses avantages et ses inconvénients. La VAR facilite beaucoup le travail des arbitres. Elle a été créée pour faciliter les choses ; mais personnellement, je pense qu’elle risque de disparaître. De plus en plus, la VAR est contestée et à force d’être contestée, elle peut disparaître. Donc il faut améliorer son fonctionnement pour plus d’efficacité.

Jean Emmanuel Compaoré, ancien arbitre international burkinabè et président de la 3AFBF (@Lefaso.net)

Comment sont souvent les rapports entre l’arbitre et les joueurs sur le terrain ?

On est en bon termes lorsque tout se passe bien. En général, le problème, c’est avec les attaquants. On recommande de toujours protéger les attaquants et il y a des moments où on rigole et des moments où ça se chauffe. Ce n’est pas une relation de haine, mais chacun doit jouer pleinement son rôle pour que les choses se passent bien.

Vous êtes un ancien arbitre international burkinabè. Quels sont vos meilleurs et pires souvenirs ?

Effectivement ! Le plus grand match que j’ai arbitré, c’était une demi-finale de la Ligue des champions africaine, en Angola. Un match entre Petro de Luanda et Kaizer Chiefs d’Afrique du Sud. On a vécu de bons moments et des moments très durs. Comme mauvais souvenirs, une fois j’ai arbitré un match du Fasofoot entre l’USO et l’USFA. Un match remporté par l’USFA. A la fin du match, j’ai pris ma moto, je rentrais. Et en cours de route, les passagers du car de l’USFA m’ont reconnu.

Le car a freiné et un supporter est sorti du car pour me chasser dans la rue. Heureusement, il n’a pas pu me rattraper. Arrivé à la maison, ma femme était inquiète parce que quelqu’un avait appelé sur le téléphone (fixe) pour menacer de venir brûler notre maison, sous prétexte que j’ai fait un mauvais match. Donc, il faut avoir un mental fort pour continuer ce travail. Chez nous, on disait que tant que tu n’as pas encore été escorté par la police, tu n’es pas encore un bon arbitre. Les supporters ne connaissaient pas les lois du football. Aujourd’hui ça va, ils se sont cultivés davantage avec les analyses et explications à la télévision.

Que faut-il faire pour améliorer l’arbitrage au Burkina Faso  ?

Il faut vraiment former les arbitres. Les gens sont engagés et se battent, mais il manque souvent l’accompagnement. Il faut multiplier également les stages de perfectionnement et ne pas attendre seulement les stages de la FIFA. On a des compétences nationales qui donnent des cours à d’autres arbitres, donc ces experts nationaux peuvent aider à la formation.

Quel message avez-vous à l’endroit de vos collègues ?

Je voudrais lancer un appel à tous les anciens arbitres, les inviter à adhérer massivement à l’amicale, pour qu’ensemble, nous taisions nos petites guéguerres pour nous rassembler pour soutenir la jeunesse et contribuer au développement de notre arbitrage qui est actuellement à la traine.

Interview réalisée par Mamadou ZONGO
Lefaso.net

Image de la Une : Photo arbitres et président de la FBF (source FBF)

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