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Kigali- Ouagadougou : Deux villes, un objectif, un paradoxe

Publié le mercredi 18 janvier 2006 à 07h28min

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Kigali, Ouagadougou. Deux villes, deux histoires, un même
objectif : être la vitrine d’une Afrique moderne. Et pourtant, tout
oppose ces deux cités.

Si Ouagadougou est fière d’être la
capitale de la culture en Afrique, elle pourrait s’inspirer de Kigali,
notamment en matière d’hygiène et de discipline dans la
circulation routière.

Kigali et Ouagadougou sont deux capitales qui n’ont de
commun que le fait d’être des villes africaines. Située dans un
climat soudano-sahélien chaud, Ouagadougou est une ville à
relief plat alors que Kigali se trouvant dans une région
volcanique, à plus de 1500 mètres d’altitude, a un relief très
accidenté et un climat doux toute l’année. Différentes sur le plan
naturel, les deux capitales le sont également au niveau humain
et comportemental.

Kigali est une cité en reconstruction. La ville et l’ensemble du
Rwanda ont connu l’une des plus grandes atrocités de
l’humanité : le génocide de 1994 qui a fait entre 800 000 et 1 000
000 de morts en quelques semaines. Au niveau politique, le
pays est redevenu une république en 2003 à la suite d’une
transition d’une dizaine d’années qui s’est achevée par
l’adoption d’une constitution plutôt libérale et la mise sur pied
d’institutions républicaines. La stabilité revenue, Kigali
s’organise comme elle peut pour offrir un cadre de vie agréable
à sa population.

Ouagadougou a toujours été une cité d’hospitalité et de
rencontres, qui a réussi à s’inscrire aux fonts baptismaux de la
culture avec le Salon international de l’artisanat de
Ouagadougou (SIAO), le Festival panafricain du cinéma de
Ouagadougou (FESPACO), le Festival de théâtre et de
marionnettes de Ouagadougou (FITMO), les Récréatrales, le
Festival international de théâtre pour le développement (FITD),
les multiples autres festivals de musique (reggae, hip hop...).
Sur le plan culturel et du divertissement, nul doute que
Ouagadougou est une des villes africaines où il fait bon vivre.

Avec son ambiance toujours à gogo, on n’a pas le temps de
déprimer.
A l’opposé, l’offre culturelle est quasi nulle à Kigali. Pas de
salles de ciné dignes de ce nom. Le nombre de spectacles de
théâtre dans l’année peut se compter du bout des doigts.

Il en
est de même pour les concerts de musique de bonne qualité.
Les soirées sont constituées de sorties dans les night-clubs,
les restaurants et les bars où la bière, la "mutzig" et la "primus",
coulent à flot sur des chèvres grillées qui font si bien plaisir au
palais que le client ne se fera pas prier pour y revenir. Hormis sa
gastronomie, Kigali est loin d’être une ville culturelle. Habitué à
l’ambiance de Ouaga, le visiteur trouvera la capitale rwandaise
ennuyeuse. Heureusement que le pays regorge de sites
touristiques très attrayants dans les autres provinces.
Et pourtant cette situation n’enlève pas à la ville son charme.

Kigali se distingue de Ouaga sur deux points au moins :
l’hygiène et le civisme. La propreté de la ville est depuis quelque
temps, le cheval de bataille des autorités. Interdiction est faite
aux boutiques et autres supermarchés de servir les clients dans
des sachets en plastique. Conséquence, pas de sachets
plastiques qui traînent dans les rues et polluent
l’environnement. On ne verra nulle part les habitants se servir de
la devanture de leur concession comme dépotoir ou y verser
l’eau usée.

Le gouvernement a institué "l’umuganda" qui se tient le dernier
samedi de chaque mois. Tout le monde y participe, y compris
les plus hautes autorités de l’Etat. Les habitants s’organisent
pour nettoyer chez eux et leurs quartiers, de 7 heures du matin à
midi. Personne ne badine avec cette activité d’intérêt général et
nul ne doit sortir de son quartier avant midi, à moins d’être muni
d’une autorisation délivrée par les autorités. La police y veille.

Ouaga, une poubelle géante

Certains diront que nous avons connu cela nous aussi sous la
révolution et que cette manière de faire viole les libertés
individuelles. Mais si le but d’un tel travail d’intérêt général est
bien expliqué, il peut être accepté par les citoyens. Qui n’est pas
fier que sa ville soit propre ?

Quelles que soient les critiques que
l’on peut formuler contre les autorités rwandaises, tous les
visiteurs sont unanimes pour dire que Kigali est l’une des villes
les plus propres de l’Afrique. Avec ses rues de plus en plus
arborées et ses pistes pour piéton, Kigali est une ville où il fait
bon aller à pied, avec un décor qui offre une belle vue et qui
procure une sensation de propreté et de bien-être. Les autorités
s’inspirent, pour cela, de Singapour.

A Ouagadougou, on a l’impression que vivre à côté des
immondices ne dérange personne. Les efforts
d’embellissement du maire et de son équipe pour créer des
jardins et des espaces verts sont malheureusement annihilés
par le manque d’hygiène de certains de ses administrés.

S’il y a
quelque chose que les quartiers de notre capitale ont en
commun, ce sont les sachets plastiques qui jonchent les rues
et les places publiques. Cela est encore plus grave dans les
quartiers populaires où les habitants ne se gênent point pour
jeter les ordures et les eaux usées devant leurs propres portes.

Cette situation fait de Ouagadougou une poubelle géante qui
ternit fort bien l’esthétique de la ville. Dans cette capitale, vitrine
de la culture en Afrique, il y a encore aujourd’hui des gens qui
construisent leurs maisons sans évacuation des eaux usées et
qui n’hésitent pas à transformer les concessions inachevées de
leurs voisins en W-C.

En ce qui concerne la circulation routière, là aussi, Kigali offre
un bel exemple de ce qui doit être. Non seulement les autorités
font l’effort d’asphalter les routes mais l’adoption des pavés
permet de couvrir même les rues les plus petites et à moindre
coût tout en créant de l’emploi. Le service d’entretien des routes
fonctionne assez bien car les marques au sol sont
régulièrement entretenues, rendant ainsi la circulation plus
confortable.

Mais ce qui frappe plus le visiteur qui circule dans la ville de
Kigali, c’est la quasi-inexistence d’accident. La conjugaison de
plusieurs éléments explique cet état de sécurité. Les voies
principales sont bien asphaltées et truffées de panneaux de
signalisation. Les marques au sol sont bien visibles et les feux
tricolores fonctionnent bien. Certains sont même surmontés de
cameras.

Comme si cela ne suffisait pas, la police routière est toujours
déployée sur l’ensemble du trafic routier de la ville. Les policiers,
placés à tous les carrefours, sont soutenus par la police
motorisée qui sillonne les artères de la vile pour traquer les
chauffards et les véhicules non conformes aux prescriptions de
la visite technique.

Conséquence : pas d’excès de vitesse et les
véhicules sans rétroviseurs, sans phares, sans feux de
signalisation sont bannis de la circulation. La police est si
sévère qu’elle étend très souvent son contrôle à la boîte à
pharmacie, à l’extincteur et au triangle de signalisation en cas
de panne. Les amendes en cas d’infraction sont si élevées
qu’aucun automobiliste ne souhaite se faire prendre.

Un soir, sur la route de Ouaga 2000...

La situation à Ouagadougou est tout autre. Sur de nombreux
tronçons, les marques au sol ont disparu et le service
d’entretien des routes ne semble pas s’en apercevoir.

Quant aux
usagers de la voie publique, chacun a son propre code de la
route. Nous avons été témoin de conduites d’automobilistes qui
dépassent l’imagination : des automobilistes qui n’hésitent pas,
en pleine heure de pointe, à s’engager sur des voies à sens
interdit pour éviter le feu rouge.

Certains franchissent
anarchiquement les bandes blanches pour dépasser. D’autres
préfèrent circuler au milieu de la chaussée. Sur les voies à
plusieurs bandes, d’autres encore préfèrent utiliser les bandes
de gauche réservées au dépassement pour circuler.

Le comportement des usagers de la route donne l’impression
que tout le monde est pressé et veut dépasser tout le monde.
Alors, bonjour les dégâts. En quelques jours, nous avons vu des
dizaines d’accidents dont trois mortels sur place.
Un soir, sur la rue qui mène à Ouaga 2000, un automobiliste
qui se trouvait devant nous circulait sur la bande de gauche
alors que nous voulions le dépasser.

Dans un premier moment,
nous lui avons fait un jeu de phares mais notre automobiliste l’a
ignoré. Ensuite nous avons actionné les feux de signalisation
qu’il a également ignorés. Pour le faire quitter cette bande pour
celle de la droite, il a fallu klaxonner à plusieurs reprises.

Lorsque cet automobiliste nous a vus plus tard, il nous a
accusés de le stresser dans la circulation. Mais avec patience et
calme, nous lui avons rappelé quelques règles du code de la
route.

Le lendemain, sur la même voie, un autre automobiliste
avait tout simplement stationné sa voiture sur la bande de
gauche pour aller faire du shopping dans les boutiques qui
longent la route.

Circuler à Ouagadougou provoque un sentiment d’insécurité et
on se demande parfois si tous ces automobilistes qui
envahissent les rues de la capitale sont passés par une
auto-école. Durant notre séjour, nous avons été contrôlé trois
fois par la police.

Mais en aucun moment elle n’a demandé
notre permis de conduire, s’intéressant seulement aux
documents de la voiture. Cela prouve peut-être pourquoi il y a
tant de chauffards sur nos routes. On peut circuler à
Ouagadougou sans permis. La police, malgré le travail
considérable déjà fait, doit redoubler encore d’effort. Elle doit
être plus mobile pour traquer les chauffards partout et ne pas se
concentrer seulement aux carrefours et aux feux tricolores.

La circulation routière à Ouaga nous fait penser à notre
moniteur d’auto-école qui nous disait un jour : "Quand vous
aurez votre permis de conduire, oubliez ce que vous avez appris
ici pour vous adapter à la réalité de la circulation à
Ouagadougou." Il y a plus de dix ans qu’ils nous a dit cela. On
voit bien aujourd’hui qu’il savait de quoi il parlait. C’est dommage
 !

Par Moussa Sawadogo (elmous@yahoo.fr)
Bruxelles

Le Pays

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