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Les coxers de gros camions : Un métier flou aux contours insondables

Publié le samedi 14 janvier 2006 à 09h59min

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Après avoir traité du sujet concernant les coxers des véhicules de transports des personnes, nous parlons aujourd’hui des coxers de gros camions. Dans la grande gare de Ouagarinter située à la Patte d’Oie (secteur n°15 de Ouagadougou) les coxers de gros camions sont constamment à la recherche de marchandises pour les conducteurs. Et, cela ne se fait pas sans difficultés.

A Ouagarinter, les cocsers de gros camions exercent tant bien que mal leur activité. Courir par-là pour trouver un camion, courir par-ci pour trouver des marchandises à transporter, ce sont les acrobaties auxquelles se livrent de nombreux jeunes hommes.

Dès l’entrée de la grande gare de Ouagarinter, ils sont identifiables par leur attroupement soit, autour d’un conducteur de gros camion soit, entre eux en train de discuter affaires. Anciens chauffeurs pour la majorité, les cocsers sont aujourd’hui des démarcheurs en quête du pourboire quotidien. Ouagarinter malgré ses odeurs ocres de carburant, de fumée des moteurs et de cigarettes, est le lieu où migrent des dizaines de cocsers par jour. Ils viennent de tous les côtés de Ouagadougou pour tirer profit soit de la solidarité de chauffeurs, soit de la solidarité d’apprentis-chauffeurs. Il faut trouver à manger.

Et, la collaboration entre anciens chauffeurs et apprentis devenus cocsers et conducteurs en activité, est souvent d’or.. Amadou Diarra, ancien chauffeur devenu cocser en témoigne « chauffeurs et cocsers appartiennent à la même famille. Souvent nous cotisons pour acheter la nourriture que nous mangeons ensemble, affirme M. Diarra. Alors qu’un vent sec souffle, M. Diarra ne présente pas bonne mine. Pour cause, un marché risque de lui filer entre les doigts. D’où son agacement et sa nervosité. Son portable sonne. Il décroche. Il lance « allô allô ! » pas de réponse. M. Diarra raccroche en marmonnant des mots de mécontentement.

Avant de mettre le portable dans sa poche, il explique que le métier de cocser est tout juste bon pour se procurer le pain quotidien. Ce travail, selon lui, se fait à la chaîne. Les personnes impliquées sont nombreuses de sorte qu’à la fin chacun s’en sort avec des miettes. Il nous montre du doigt un attroupement de jeunes en faisant ce commentaire « voyez, ils discutent le transport de bétail depuis le matin et ils n’ont pas encore eu un terrain d’entente avec les propriétaires de la marchandise ». Il est 12h20, son portable sonne à nouveau.

Il prend la communication et le son de sa voix révèle sa colère. Quand il raccroche, ses prunelles tournent au vinaigre, sur ses lèvres, des injures marmonnées se chevauchent à telle enseigne que l’on a l’impression que ses dents s’entrechoquent.

Le métier de cocser est une activité transitoire. Une activité que l’individu exerce pour une période donnée, le temps d’avoir un autre boulot plus rémunérateur.

Un métier transitoire

Dans leur milieu, le cocser est l’intermédiaire entre un propriétaire de marchandises et un conducteur de « poids lourds ». De ce fait, au départ de l’action, c’est le propriétaire qui demande au cocser de lui trouver un camion pour telle ou telle destination. Le propriétaire prend le soin de dire son tarif au cocser qui le propose au chauffeur. Les tarifs varient selon les marchandises et selon la période de l’année. Durant les fêtes de fin d’année et de la Tabaski, le bétail est transporté entre 750 000 F et 1 000 000 FCFA de Ouagadougou à Abidjan contre 350 000 F à 400 000 F durant la période morte.

Durant cette période, le transport se fait entre Ouagadougou et Koumassi (Ghana) à 250 000 FCFA contre 300 000 FCFA pour Ouagadougou-Accra. Tandis que des cocsers parlementent à voix haute avec un conducteur, l’un deux confie que pour les céréales, le tarif du transport est fonction du tonnage. Sans être des tarifs fixes, les conducteurs transportent une tonne de céréale à 12 500 FCFA du Burkina au Ghana.

Du retour du Ghana pour le Burkina, la tonne est transportée à 30 000 FCFA.

Dans l’avalanche des tractations pour un terrain d’entente avec le chauffeur, le pourboire du cocser est payé par le conducteur du camion.

Hippolyte Tiendrébéogo est un ancien apprenti-chauffeur devenu par la force des choses cocser. Selon lui, le conducteur donne la somme qu’il veut au cocser. Et du fait qu’il y a souvent un ou plusieurs cocsers sur le « deal », chaque cocser peut se retrouver avec 5 000 F ou 7 500 F selon la largesse du chauffeur. Alors que des jeunes apprentis sont en train de changer le pneu arrière d’un camion, M Tiendréobéogo avoue « qu’il est difficile souvent de trouver un marché pour les transporteurs ».

Les praticiens de ce métier qui n’ont ni tenant ni aboutissant, détectent parmi eux des titulaires et des adjoints. Selon Hippolyte, les commerçants de Sankaryaré ont leurs propres cocsers. Ce sont les titulaires.

Cocsers titulaires et cocsers adjoints

Les adjoints sont ceux qui sont contactés par les titulaires en vue de trouver rapidement un transporteur lorsqu’il y a des marchandises à transporter. Mais aujourd’hui, les cocsers sont unanimes à reconnaître le désorde qui entoure leur métier. Selon Amadou Compaoré, 15 années de cocsage et ancien chauffeur, aucun document ne prouve qu’ils sont des cocsers. Ils baignent dans le vide juridique. M. Compaoré est l’aîné du groupe de cocsers, chargés des transporteurs venant du Ghana ou partant vers le Ghana. Tandis qu’il achète une cigarette en cette matinée, l’homme confie les difficultés qui jalonnent le parcours du cocser : « nous pouvons passer deux semaines sans toucher un rond. Mais un beau jour, on peut empocher 7 500 F ou 10 000 F ».

Pour lui, les cocsers doivent avoir un statut juridique et des locaux pour exercer leur métier avec ordre et responsabilité.

Salissou Mahamadi est chauffeur. Pour lui, les cocsers et les conducteurs s’entendent à merveille.

Chauffeur d’un camion ghanéen, il se plaint de l’attitude des policiers municipaux face aux camions d’immatriculation étrangère. Selon Salissou, les motards municipaux font « un genre de racket qui ne dit pas son nom ».

« Cela est désolant », clament les chauffeurs des camions d’immatriculation étrangère. A la longue, il devient difficile de circuler à Ouagadougou du fait que les motards municipaux ne respectent plus les heures de pointe, a laissé entendre un chauffeur.

Nonobstant cet état de fait, entre les cocsers et les chauffeurs c’est la pluie et le beau temps. Cependant, Amadou Diarra relève le fait que tout le monde est devenu cocser même les vendeurs de bétail.

Conséquence : les cocsers sont mal payés. Ainsi, pour éviter les frustrations, certains commerçants préfèrent s’adresser directement au Syndicat des transporteurs à travers leurs cocsers. Dans ce cas, le cocser touche 10% du prix du transport de la marchandise, M. Diarra Malgré les difficultés qui émaillent le parcours du cocser, les intéressés disent lutter pour survivre.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 14 janvier 2006 à 13:00 En réponse à : > Les coxers de gros camions : Un métier flou aux contours insondables

    Chers lecteurs du forum,

    Voici encore un domaine où il suffit d’organiser les "cocxers" dans une structure légère où l’offre et la demande seront centralisées à travers un simple ordinateur et, le tour est joué.
    Plusieurs emplois pourraient ainsi être générées. Le cadre légal serait ainsi créé, et ce, qu’il s’agisse du secteur public ou de l’initiative individuelle car, au Burkina il ne faut pas s’embarrasser de la théorie de la lutte des classes. ça n’aurait aucun sens, sinon un mépris pour notre peuple. KERE

    • Le 17 janvier 2006 à 14:28 En réponse à : > Les coxers de gros camions : Un métier flou aux contours insondables

      Chers camarades,

      Cet article est très intéressant car il présente bien certaines difficultés du "coxer" de gros camions. Dans cette situation, un marché virtuel en ligne avec des comissions fixes pour les transporteurs serait l’idéal. Malheureusement, nous ne disposons pas de telles infrastructures dans la sous région et les "coxers" ne sont pas suffisament instruits.

      A suivre,

      MZ

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