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Sénégal : Le journaliste d’investigation Pape Alé Niang, harcelé par la justice, en grève de la faim, hospitalisé

Publié le jeudi 29 décembre 2022 à 22h20min

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Sénégal : Le journaliste d’investigation Pape Alé Niang, harcelé par la justice, en grève de la faim, hospitalisé

Quels sont les premiers signes de la crise pour un pays ? A quoi reconnaît-on que le pays est sur une pente dangereuse et que ses dirigeants veulent emprunter des chemins de traverse ? Très souvent, c’est quand les dirigeants ne veulent plus entendre la vérité, n’aspirent plus à la connaître et se sentent menacés par ceux qui sont en quête de vérité. Qui, plus que le journaliste, se donne cette mission sur terre de découvrir et de révéler la vérité ? Chercher à se rapprocher des dieux et à voler le feu sacré qui éclaire les faits, voilà la mission du journaliste qui déplait aux dictateurs de tout poil et de tout pays.

Ce que les puissants veulent cacher, tenir dans l’ombre et les caves obscures pour continuer à régner, c’est ce que les journalistes, particulièrement ceux d’investigation, veulent révéler. Le journaliste d’investigation sénégalais Pape Alé Niang pense certainement comme la journaliste chinoise Zhang Zang emprisonnée et torturée pour ses vidéos montrant Wuhan sous le Covid en 2020, que « Nous devrions aspirer à connaître la vérité et chercher à l’obtenir à n’importe quel prix. La vérité est le bien le plus cher qui existe dans ce monde. »

Comme sa collègue chinoise, le Sénégalais est en grève de la faim et les conséquences de celle-ci ont emmené les autorités pénitentiaires à l’hospitaliser. Qui est Pape Ale Niang ? Que lui reproche le pouvoir déclinant de Macky Sall ?
PAN comme l’appellent les Sénégalais, n’est pas le président de l’Assemblée nationale, mais le directeur du site d’information Dakar Matin. Ce journaliste de 48 ans aux multiples talents est passé par la télévision : 2STV, la radio : Sud Banlieue, Sud-Fm et la presse écrite : Performances Magazine, avant le web-journalisme.

Il a été arrêté une première fois le 6 novembre 2022 pour « divulgation d’informations non rendues publiques par l’autorité compétente de nature à nuire à la défense nationale », « recel de documents administratifs et militaires » et « diffusion de fausses nouvelles de nature à jeter le discrédit sur les institutions publiques » ou encore la diffusion « des messages confidentiels sur le dispositif sécuritaire à mettre en place pour la comparution de M. Sonko devant le juge, et d’avoir appelé à descendre dans la rue ».

Quand on parle de Sonko, le pouvoir sénégalais perd ses moyens, son calme et sa tête. L’insurrection de mars 2021 déclenchée suite à la convocation de cet opposant devrait pourtant emmener Macky Sall et ses partisans à ne pas commettre plus d’erreurs, mais non le pouvoir sénégalais accumule les bourdes et arrête PAN en novembre 2022.

Ce dernier a entamé une grève de la faim durant son emprisonnement à Sébikotane. Après plus d’un mois de prison, il est libéré. A peine libéré sous contrôle judiciaire le 14 décembre 2022, Pape Alé Niang a été arrêté de nouveau, une semaine après et enfermé à la Maison d’arrêt et de correction de Reubeuss où son état de santé s’est beaucoup dégradé puisqu’il a repris la grève de la faim. Beaucoup de personnalités sénégalaises se sont émus de cela et craignent pour sa vie.

Cette arrestation est encore une faute politique du pouvoir qui s’aliène encore des pans entiers de la jeunesse et des démocrates sénégalais. Car son argumentaire ne tient pas car le journaliste a fait son travail en publiant au Sénégal les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation sur les commandes d’armes faites au marchand et trafiquant d’armes nigérien Aboubakar Hima recherché par la justice du Nigeria, à travers la Commission des crimes économiques et financiers du Nigéria (EFCC). Le contrat est d’un montant de 77 millions de dollars, soit 45,3 milliards FCFA. Ce contrat d’achat d’armes n’a pas été fait pour l’armée sénégalaise mais pour le service des eaux forets et ce sont les ministres de l’environnement et des finances qui l’ont signé.

Macky Sall devrait libérer ce journaliste

L’enquête montre que même si Hima n’a pas signé le contrat, il en est le bénéficiaire à travers une entreprise créée quelques mois avant. Voilà des révélations que les pouvoirs hostiles à la transparence n’aiment pas et pour lesquelles ils peuvent laisser mourir un journaliste en prison. Le pouvoir de Macky Sall devrait libérer ce journaliste pour éviter que le pire ne se produise. Car il n’est bon pour aucun pouvoir d’avoir du sang d’un journaliste sur les mains.

C’est un crime imprescriptible. On espère que la folie du 3e mandat ne conduira pas le régime sénégalais dans ces extrémités funestes. Macky Sall est en train de détruire son parti et ses soutiens en ne voulant pas passer la main. Et s’il s’entête, il va plonger le Sénégal aussi dans la crise. Ceux qui l’incitent à se représenter et à se dédire pour qu’il soit le président qui exploite le pétrole et le gaz sénégalais ne l’aiment pas et n’aiment ni le Sénégal ni l’Afrique. Ils veulent qu’il finisse comme Blaise Compaoré.

Si Pape Alé Niang meurt de sa grève de la faim et de ses conséquences, il peut être sûr qu’il n’aura pas de troisième mandat. La seule issue, la voie de la sagesse est la liberté pour le directeur de Dakar Matin.
Le Sénégal est 73e sur 180 au dernier classement sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Le pays a perdu 24 places par rapport à 2021. Il y a des signes qui ne trompent pour un pays, quand les libertés régressent, ce n’est bon pour personne, même pas le pouvoir, car c’est la preuve que la colère du peuple est en ébullition sous la chape. Liberté pour Pape Alé Niang !

Sana Guy
Lefaso.net

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