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Crise sécuritaire, humanitaire et alimentaire au Burkina : Quelle contribution des pôles de croissance ?

Lefaso.net

Publié le samedi 17 décembre 2022 à 14h48min

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Crise sécuritaire, humanitaire et alimentaire au Burkina : Quelle contribution des pôles de croissance ?

Les pôles de croissance, au vu des potentialités et des infrastructures existantes sont une opportunité à saisir rapidement, en créant les conditions d’installation des personnes déplacées internes pour y mener des activités de production agro-sylvo-pastorale. C’est la conviction de Nombamba Ousmane Sidpassamdé Bodo Ouédraogo, consultant en prospective, stratégie et organisation, qui s’en explique dans cette tribune.

Lors de la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier Ministre à l’Assemblée Législative de Transition (ALT), Me KYELEM J. Apollinaire J. de Tambela, le 19 Novembre 2022, le Député Boubakar BIKIENGA, représentant des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), déclarait, entre autres, « dans ma localité, cela fait trois (03) ans qu’aucun homme n’a pu dormir dans une concession, du fait des attaques terroristes… ».

Ce témoignage dépeint bien la situation sécuritaire délétère au Burkina depuis 2015, du fait :
  d’attaques contre les populations, les militaires et les biens privés et publics,
  de milliers de morts civiles et militaires,
  de destruction des récoltes et d’infrastructures en eau (800 000 personnes privées d’un accès à l’eau potable, OCHA, 30/11/2022) et de communication (ponts, pylônes de téléphonie mobile),
  de plusieurs localités désertées par leurs habitants et entrainant un exode massif des populations rurales, et qui se trouvent aujourd’hui être des réfugiés dans leur propre pays, des « Personnes Déplacées Internes (PDI) ».

Cette situation sécuritaire chaotique, davantage aggravée par une crise humanitaire sans précédent, avec près de 5 millions de personnes en besoin d’assistance humanitaire (Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires/OCHA, 30/11/2022), et particulièrement au niveau des localités d’accueil des PDI et des localités en situation d’insécurité, est marquée par des besoins alimentaires urgents. En effet, de nombreux incidents sécuritaires graves sont toujours constatés, avec des attaques incessantes, des blocus imposés par les groupes armés dans plusieurs localités.

Ce qui exacerbe la vulnérabilité des populations et limite ainsi les interventions humanitaires (alimentation, santé, éducation, hygiène et assainissement, accès à l’eau potable, etc.), tout en paralysant l’économie locale et nationale. Cela se traduit par des résultats médiocres de la campagne agropastorale 2021/22, qui indiquent un taux de couverture des besoins céréaliers déficitaires, notamment dans les régions du Centre-Nord, du Nord et du Sahel. Cette situation est constatée aujourd’hui dans les régions de la Boucle du Mouhoun, des Cascades, de l’Est et des Hauts-Bassins. Cela, avec environ 75% des ménages qui ne peuvent pas couvrir leurs besoins alimentaires par leur propre production, contre 52% au niveau national (Coordination des politiques sectorielles agricoles, mars 2022).

Plus précisément, cette situation est caractérisée par 3,45 millions de personnes estimées en insécurité alimentaire aiguë (juin-août 2022, CH, mars 2022), plus d’1,8 million de PDI, dont notamment 88% dans quatre régions (Centre-Nord, Est, Nord et Sahel) déjà touchées par l’insécurité (CONASUR, 28 février 2022). 4 680 enfants souffrent de malnutrition aiguë dans le pays, dont la majorité dans ces régions (Bulletin hebdomadaire de la Prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë [PCIMA], S13, mars 2022). Et les projections de la période de soudure 2023 (juin-août), faites par OCHA, laissent entrevoir que 3 533 220 personnes seront en insécurité alimentaire.

Aussi, on note le tarissement de nombreux points d’abreuvement du cheptel et la réduction de l’espace pastoral. De plus, on constate entre 60 et 80% de hausse des prix comparés à la moyenne quinquennale pour les céréales de base sur certains marchés de ces régions, nuisant au pouvoir d’achat des ménages et à leur nutrition (Réseau de systèmes d’alerte rapide sur les risques de famine [FEWSNET], mars 2022). La plupart des ménages ruraux de ces quatre régions, et en particulier les ménages pauvres, ont déjà épuisé leurs stocks et s’appuient sur les marchés pour s’alimenter.

Cependant, en raison de l’insécurité accrue et des perturbations du fonctionnement des marchés, une flambée des prix des denrées de base a été enregistrée, avec des taux les plus élevés depuis ces dix dernières années, selon la Société Nationale de Gestion des Stocks de Sécurité alimentaire (SONAGESS), en février 2022. Avec des difficultés d’acheminement de l’assistance humanitaire dans certaines localités de ces régions, les ménages adoptent des stratégies d’adaptation négatives sévères (vente des animaux d’élevage et les matériels agricoles, diminution de la ration alimentaire, renonciation aux services de santé, consommation d’eau non potable, voire alimentation en herbe, etc.).

Toutes choses qui réduisent leurs moyens de subsistance, affectent gravement leur santé ; tout en aggravant la malnutrition aiguë qui touche 9,1% des enfants et qui demeurent parmi les premières causes de mortalité infantile et nécessite une réhabilitation nutritionnelle d’urgence. Grosso modo, on constate près de 2 millions de PDI, avec un taux d’insécurité alimentaire sévère qui a presque doublé par rapport à 2021.

Plus gravement, selon Kristen Knutson, Cheffe du Bureau OCHA/Burkina (30 novembre 2022), cette situation humanitaire est marquée par un besoin de financement de près de 500 milliards de FCFA (805 millions de dollar US) pour une assistance à 3,1 millions de personnes vulnérables couvert d’à peine 35%.

Cette triple situation sécuritaire, humanitaire et alimentaire dégradée appelle de notre part la mise en œuvre de solutions conjoncturelles pour parer au plus urgent, bien qu’il faille rechercher des alternatives structurantes pour la résolution des causes profondes ayant engendré progressivement cette crise sécuritaire.

Ainsi donc, pour faire face à cette situation très critique, des réponses, tant sécuritaires qu’humanitaires ont été apportées par le Gouvernement, des Organisations Non Gouvernementales (ONG) nationales et internationales, des institutions bilatérales et multilatérales, des structures publiques et privées et des personnes de bonne volonté au pays comme à l’extérieur. Cela a permis de juguler un tant soit peu la situation, mais beaucoup reste à faire, et urgemment, à court et moyen terme, et aussi à long terme.

En plus de ces initiatives, nous pensons qu’il faille réfléchir dans la recherche d’alternatives conjoncturelles et endogènes d’amélioration de la situation alimentaire et humanitaire, au-delà de celle sécuritaire, qui est déjà prise en main, avec des actions qui commencent à donner des résultats réconfortants. Et cela, en nous questionnant sur l’apport possible des pôles de croissance et en proposant des pistes stratégiques et d’actions urgentes, mais aussi durables.

Mais avant d’évoquer les questions de fond sur leur contribution, élucidons d’abord la notion de pôle de croissance ?

Nous entendons par pôle de croissance, « toute forme d’organisation de la production territorialisée, visant à exploiter de façon optimale les potentialités (agricoles, sylvicoles, pastorales, hydrauliques, halieutiques, piscicoles, fauniques, forestières, minières, artisanales, apicoles, avicoles, énergétiques, industrielles, technologiques, scientifiques, artistiques, touristiques, pharmaceutiques, commerciales, etc.), localisées dans une zone (région, ville, etc.) donnée, à travers une (ou plusieurs) unité(s) ou activité(s) dominante(s), innovante(s) et motrice(s) et consistant à centrer les interventions sur des secteurs, domaines ou filières d’activités ayant des effets d’entraînement importants sur d’autres secteurs et/ou sur des zones géographiques (villes, régions, pays), et permettant de produire un développement socioéconomique ».

Le pôle de croissance est donc conduit par une combinaison d’acteurs publics et privés, sur un territoire donné, engagés dans une démarche partenariale, de complémentarité et d’intérêts communs, destinée à dégager des synergies pour la mise en valeur optimale des potentialités existantes. Notons que la mise en œuvre d’un pôle de croissance est faite dans une démarche de politique économique.

D’une manière générale, la mise en œuvre d’un pôle de croissance nécessite un engagement fort de l’Etat pour assurer la sécurisation foncière (zone d’utilité publique), soutenir la mise en place d’infrastructures structurantes de base et le financement des projets porteurs et innovants. Ce rôle du secteur public doit décroitre, en se focalisant sur un rôle d’orientation, de régulation, d’encadrement et de supervision, au fur et à mesure que la dynamique du pôle se consolide, avec une prise en main par le secteur privé.

Et pour nous, en mettant l’accent sur le privé national, tout en travaillant sur une combinaison de l’agriculture familiale et de l’agrobusiness, pour une question de logique d’intervention endogène et durable, et non un focus sur les investisseurs internationaux, principalement, comme semble l’entrevoir le modèle économique préconisé au Burkina. En effet, ce modèle économique stipule que, « dès la conception du projet [de pôle de croissance], il conviendra d’identifier et impliquer un partenaire privé de réputation mondiale dans le domaine agroindustriel et le négoce. Cette option permet de prendre en compte les attentes des investisseurs internationaux et de leur envoyer des signaux forts ».

A toutes fins utiles, notons que les pôles de croissance au Burkina se composent du pôle pilote de Bagré, avec comme unité de gestion, la Société d’Economie Mixte de Développement Intégré du pôle de Bagré (Bagrépôle) et lancé depuis avril 2012 ; des Agropôles du Sourou , géré par l’Autorité de Mise en valeur de la Vallée du Sourou (AMVS) et de Samendeni, piloté par le Programme de Développement Intégré de la Vallée de Samendeni (PDIS) ; les Grappes d’entreprises (huilerie à Bobo-Dioulasso, culture et tourisme-hôtellerie à Ouagadougou) et la Technopôle pharmaceutique de Kokologho, en cours de mise en œuvre ; les zones économiques spéciales de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso (basé sur le développement des capacités d’exportation du pays), les pôles de croissance de l’Est (sur l’écotourisme, orienté sur les activités culturelles et naturelles) et du Sahel (orienté sur les activités pastorales et minières), en préparation.

Ainsi, la notion de pôle de croissance étant mieux appréhendée, quel pourrait être l’apport des pôles de croissance, particulièrement ceux de Bagré, de Samendeni et du Sourou, dans la recherche de solutions à la situation actuelle au Burkina ?

La contribution des pôles de croissance face à la crise sécuritaire, humanitaire et alimentaire pourrait s’entrevoir en tenant compte de plusieurs facteurs favorisants, à savoir que :

 le Gouvernement semble montrer une volonté de trouver des solutions adaptées et urgentes à la question sécuritaire, humanitaire et alimentaire si l’on s’en tient aux propos de l’ancien Premier Ministre, Albert OUEDRAOGO, lors de l’ouverture de la 1ère session ordinaire du Comité National de Pilotage des Pôles de Croissance (CNPPC), le 15 juillet 2022. En effet, il déclarait que « du fait de la situation sécuritaire, l’activité de production agro-sylvo-pastorale, occupée par 70% de la population active, était fortement impactée négativement. Et cela, entrainant des mouvements massifs de populations, avec :

  l’abandon de 384 702 hectares de superficie de terres cultivables,
  la perte de production de 323 093 tonnes durant la campagne agricole 2021-2022,

  la forte dégradation de la situation alimentaire et près de 2 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire, aggravée par une crise humanitaire caractérisée par près de 1 902 850 de PDI (estimation du 30 avril 2022) ».
Au regard de ce constat, il notait que « cela interpellait la conscience collective sur l’impérieuse nécessité d’agir et d’apporter des réponses urgentes pour le bien-être des populations ».

Ce qui justifiait d’ailleurs, selon lui, le choix du thème « promouvoir les pôles de croissance comme instrument majeur de résilience de l’économie nationale dans un contexte à fort défi sécuritaire » et qui devrait permettre d’explorer les possibilités qu’offrent les pôles de croissance, en tant qu’approche holistique de développement, dans le cadre global de la lutte contre l’insécurité, structurée autour du triptype « paix-sécurité-développement » ;

 sur le plan institutionnel, ces pôles de croissance sont pilotés par un dispositif unique d’orientation et de supervision, le Comité National de Pilotage des Pôles de Croissance (CNPPC), placé sous la présidence du Premier Ministre. Cette approche faciliterait une prise de décision rapide, concertée, harmonisée et cohérente. En plus, le CNPPC est composé des membres du Gouvernement, d’acteurs du secteur privé, des faitières des Collectivités Territoriales, d’acteurs de la société civile, des dirigeants des pôles de croissance et de PTF. Ce format permettrait d’avoir une synergie d’action en termes de financement et de mise en œuvre des actions à entreprendre ;

 le Gouvernement a adopté, le 09 novembre dernier, le Programme Opérationnel d’Appui (POA) à la campagne agricole de saison sèche 2022-2023, de près de 11 milliards de FCFA, pour une production prévisionnelle de 20 000 tonnes de céréales et de 60 000 tonnes de produits maraîchers, avec une forte implication des PDI, des femmes et des jeunes.

Ce plan devrait permettre la sécurisation des barrages et la mise en valeur agricole de grands périmètres irrigués de plus de 100 hectares, la mise en valeur agricole de petits et moyens périmètres d’au moins 100 hectares, ainsi que la réalisation et la mise en valeur de périmètres irrigués autour de forages à gros débit, sur 250 sites aménagés et 100 nouvelles fermes agricoles. Par ailleurs, ce plan s’intègre dans une vision globale de reconquête du territoire, à travers la création d’opportunités pour l’ensemble des acteurs, en particulier les jeunes, les femmes et les PDI ;

 en outre, l’Académie Nationale des Sciences, des Arts et des Lettres (ANSAL) a mené une étude sur un projet de sécurité alimentaire à court, moyen et long terme. A court terme particulièrement, ce projet prendra en compte le volet production de céréales et de protéines animales pour la couverture des besoins en céréales de 110 000 tonnes des PDI sur la période de six (06) mois à venir ;

Et donc, ces deux initiatives pourraient être mises en œuvre au niveau des pôles de croissance, qui disposent de potentialités en ressources en eaux souterraines et de surface et en terres aménageables et pluviales, pour une meilleure valorisation, permettant ainsi d’installer, entre autres, des PDI ;

 dans le même sens, ces pôles de croissance constituent un atout en termes d’opportunités à saisir, au regard :
  des potentialités naturelles existantes et des infrastructures mises en place et en cours de mise en œuvre dans ces zones (aménagements d’accroissement des superficies de production de Bagrépôle et du pôle du Sourou, travaux d’opérationnalisation du pôle de Samendeni pour accroître les productions, travaux de bitumage de la route d’accès de la bretelle de la Route Nationale n° 16 venant de Tenkodogo vers le site de production de Bagré, de 40 km, etc.),

  de la possibilité d’y trouver des espaces et des conditions adéquates d’installation de PDI venant des localités proches de ces pôles : notamment, ceux venant des régions à fort déficit sécuritaire des régions de l’Est et du Centre-Est (pour Bagrépôle), des régions de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Ouest (pour l’Agropôle du Sourou) et des régions des Hauts-Bassins et des Cascades (pour l’Agropôle de Samendeni) ;

 enfin, ces pôles de croissance sont déjà plus ou moins sécurisées et le seront davantage, à travers le renforcement du dispositif sécuritaire par l’accroissement du personnel sur les sites et la mise à disposition de moyens mobiles pour mener des opérations de surveillance et de dissuasion, selon M. DALLA Charles, Coordonnateur du Secrétariat Technique du CNPPC, à l’issue de l’ouverture de la 1ère session ordinaire du CNPPC le 15 juillet 2022. Ce qui constituerait des zones sécurisées et propices à l’installation de PDI.

Aussi, partant de ces dispositions favorables, caractérisons les potentialités et infrastructures existantes dans ces pôles de croissance, pour mieux faire ressortir les opportunités qui pourraient être saisies.

Bagrépôle et les Agropôles du Sourou et de Samendeni sont de véritables mines de ressources en eaux et en terres favorables à l’exploitation agro-sylvo-pastorale, halieutique, piscicoles, etc.

En effet, en matière de ressources en eaux (eaux souterraines et de surface), les zones de Bagré, du Sourou et de Samendeni bénéficient de réseaux hydrographiques très denses. A Bagré, il y a le barrage, réalisé sur le fleuve Nakanbé, d’une capacité de 1,7 milliard de m3. Au Sourou, le barrage, d’une capacité de mobilisation estimée à 600 millions de m3 rechargeables par an, est implanté sur la rivière Sourou, affluent du fleuve Mouhoun.

Au niveau de Samendeni, le barrage est érigé sur le Mouhoun, avec une capacité de 1,5 milliard de m3. Aussi, il existe des cours d’eau, des retenues d’eau et un potentiel important en eaux souterraines, exploitables à travers des ouvrages de captage. Le Bureau des Mines et de la Géologie du Burkina Faso (BUMIGEB), l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA) et de nombreux étudiants formés et qualifiés sont là pour y aider.

Ces zones disposent aussi de ressources en terres sécurisées, avec plusieurs types de sols à fertilité plus ou moins variable, ayant des aptitudes agro-pédologiques favorables au développement de cultures irriguées ou pluviales, aux cultures céréalières, maraîchères et fourragères. Ce qui permettrait une exploitation en tout temps (saison pluvieuse et saison sèche).

D’ailleurs, il existe un plan d’occupation des sols (POS), outil de planification du développement, qui fixe, entre autres, un ensemble de règles pour bien rationaliser l’occupation, l’utilisation et l’exploitation des terres (habitat, agriculture, élevage, etc.) dans une zone donnée et les localisent sur une carte. Ce qui permet, par exemple en agriculture, de savoir quelle spéculation (maïs, mil, sorgho, pomme de terre, etc.) produire en fonction du type de sol, optimisant ainsi la productivité. Et ces zones disposent de plans de gestion environnementale et sociale (PGES), décrivant les mesures requises pour prévenir, minimiser, atténuer ou compenser l’impact négatif ou pour accroître l’impact positif sur les écosystèmes et les êtres vivants.

Quant au capital en infrastructures structurantes, ces zones disposent de périmètres irrigués avec une maitrise totale d’eau, de basfonds, de forages et de périmètres à vocation pluviale. Et des extensions sont possibles, à court terme, notamment la réalisation de forages à vocation agricole, pastorale, piscicole et pour la consommation humaine. De plus, les grandes capacités existantes en matière de ressources en eaux dans ces pôles sont d’importants atouts pour la production halieutique, par la pêche de capture.

Par ailleurs, il existe un Centre d’Elevage Piscicole (CEP) à Bagré, composé d’unités de production d’alevins, de production de poissons marchands, de prétraitement du poissons, de production de flocons de glace pour la conservation et de production d’aliments pour bétail, poissons et volailles, qui fonctionne. En améliorant leur exploitation et en poursuivant leur réhabilitation et extension (capacité de production, diversification de la production par l’introduction de silures en plus de celle de tilapia, aménagement de bassins piscicoles additifs, etc.), on pourrait les rendre plus exploitables et rentables (ressources financières additives, formation d’étudiants et d’entrepreneurs).

En plus, des initiatives pilotes ont été développées, à Bagré, pour la rizipisciculture (production de riz et de poissons dans le même périmètre permettant d’avoir des rendements plus élevés en paddy et une meilleure gestion de l’eau). Et ces activités très lucratives pourraient être dupliquées au Sourou et à Samendeni, pour améliorer l’apport alimentaire et nutritionnel des populations burkinabè.

Aussi, on note l’existence d’une centrale hydroélectrique de 16 MW à Bagré, avec un projet de construction d’une centrale hydroélectrique de Bagré-aval de 14 MW et d’un potentiel pour produire de l’électricité à Samendeni (3,7 MW) et au Sourou. Ce qui est important pour l’amélioration de la fourniture d’électricité dans ces pôles, dans les localités environnantes. Par ailleurs, l’exploitation de l’énergie solaire permettrait un meilleur fonctionnement de petites unités de production et de transformation des produits agropastoraux, de services et de plusieurs infrastructures (pompes solaires de forages, stations de pompage pour irrigation, etc.) au profit des exploitants familiaux et du privé (national et international).

Zones d’élevage par excellence, frontalières du Togo, du Bénin et du Ghana (Bagré), du Mali (Sourou) et du Mali et de la Côte d’Ivoire (Samendeni), ces pôles disposent d’espaces pastoraux délimitées et bornées (fermes et fermettes des zones pastorales de Tcherbo et de Doubégué à Bagré) et facilement aménageables (Sourou et Samendeni) pour la production fourragère et pastorale. Notamment, l’existence d’infrastructures pastorales ou à réaliser (forages équipés, abreuvoirs, parcs de vaccination, magasins d’aliments d’animaux, sites de production fourragère, pépinière avicole, ferme porcine, etc.) à Bagré.

Aussi, comme on le disait, les unités de production d’aliments pour animaux (bétail, volailles, poissons) à Bagré et dans les villes environnantes du Sourou et de Samendeni sont un atout pour booster les filières pastorales, avicoles et piscicoles. En plus, il existe des sites de transformation de bétail (abattoirs, production de kilichi, fumage de pattes et de têtes, tannage de cuirs et peaux) et plusieurs laiteries (lait, crème, yaourt, fromage, beurre, Gapal, etc.) dans ces zones et les localités avoisinantes. Ce qui constitue un facteur de rentabilisation de l’élevage dans ces zones.

Et ces activités permettraient d’améliorer les rendements agricoles et maraîchers par la production de fertilisants et pesticides biologiques, et ainsi contribuer au développement agroécologique, tout en réduisant les importantes sorties de devises pour l’acquisition de pesticides et de fertilisants chimiques et leur impact négatif sur l’environnement et la santé humaine et animale.

A Bagré, il existe un Institut de Formation en Développement Rural (IFODER) qui forme de jeunes apprenants agro-sylvo-pastoraux, etc. et qui pourraient être utilisés pour le renforcement de capacités d’entrepreneurs, d’exploitants familiaux et de personnes déplacées. En plus, les apprenants qui sortent d’autres universités ou centres de formation agropastorale (Matourkou par exemple) pourraient être exploités à cet effet. Cela est très important dans une approche de valorisation du capital humain national et de développement endogène.

En outre, Bagrépôle dispose d’un Centre d’Activités Diverses (CAD), avec des femmes qui font la production de beurre de karité et le tissage, tout en étant sensibilisées et éduquées en santé reproductive, en hygiène et en assainissement. Par-delà l’augmentation de leurs revenus et la création d’emplois, c’est un outil de promotion sociale. Ce qui serait utile pour l’installation de femmes et de jeunes filles PDI. Si l’on installait des PDI, l’on pourrait y inclure la sensibilisation sur le civisme, la citoyenneté et la cohésion sociale. Et cette initiative pourrait être mise à l’échelle dans les autres pôles.

Par ailleurs, Bagrépôle dispose d’une plateforme de services critiques (banques, institutions de microfinance, centre écotouristique/hôtellerie stations-services, garages, ateliers de mécanique moto et auto et de menuiserie, stations de recherche et d’expérimentation, etc.) permettant de fournir des services courants à tous ceux qui sont installés à Bagré.

En plus, Bagrépôle dispose d’un service d’appui aux petits exploitants, aux Micro, Petites et Moyennes Entreprises (MPME) et aux investisseurs, le Centre de Facilitation des Affaires de Bagré (CEFAB) de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso, guichet unique de facilitation de la création et du développement des entreprises qui sont installées ou qui veulent s’installer dans le pôle de Bagré. Ce qui peut être crée au Sourou et à Samendeni pour l’appui technique et le renforcement des capacités du secteur privé dans ces zones. Et permettre ainsi d’améliorer la dynamique de création et de développement de MPME locales, capables de contribuer grandement à l’accroissement de la production agro-sylvo-pastorale, etc.

Aussi, l’existence d’infrastructures de services socioéconomiques de base (centres de santé et de promotion sociale, écoles primaires, collèges d’enseignement général et lycées municipaux, institutions de microfinance, infrastructures d’adduction d’eau potable, etc.) permet une prise en charge sociale des populations de ces pôles de croissance et pourrait faciliter la réinsertion scolaire, la prise en charge sanitaire, l’accès au crédit et l’approvisionnement en eau potable des PDI.

Notons qu’il existe à Bagré, des unités de transformation rizicole, capable d’absorber une grande partie de la production de paddy, une bananeraie, une unité de production apicole et une expérience de production de tournesol, capable d’améliorer la qualité des produits apicoles et de produire de l’huile (le miel et l’huile de tournesol étant très prisés en Europe). Si l’on étend ces initiatives au Sourou et à Samendeni et l’on crée les conditions favorables à l’éclosion de ce genre d’activités, l’on permettrait d’améliorer la création d’emplois décents de jeunes et de femmes dans nos pôles de croissance.

Pour une commercialisation plus adéquate, un mini marché de produits agroalimentaires, un marché à bétail et un marché de poissons ont été réalisés à Bagré. Et les pôles du Sourou et de Samendeni étant proches des grands marchés des régions des Hauts-Bassins, des Cascades, du Sud-Ouest et de la Boucle du Mouhoun et des frontières du Mali et de la Côte d’Ivoire, l’écoulement des produits ne devrait pas poser de problèmes, si l’on organise mieux les circuits de distribution.

En facilitant la création de centrales d’achat et de vente, en initiant, par des professionnels en commerce international, la veille informationnelle sur la dynamique des marchés transfrontaliers et à l’international, en améliorant les capacités de conservation et de packaging des produits et en labellisant nos produits locaux. Aussi, en veillant à la promotion de nos produits locaux, à la formation de cadres dans la recherche de marchés, en luttant fermement contre la corruption et le racket sur les routes transfrontalières, en améliorant les questions de logistique et de transport et en réalisant des infrastructures routières de qualité.

Au regard du potentiel existant, l’on voit bien que les pôles de croissance peuvent être un tremplin crédible et approprié pour contribuer à :
 l’installation sécurisée et adéquate des PDI ;
 un déploiement approprié de l’action humanitaire et à l’amélioration de la sécurité alimentaire ;

 la promotion de l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes et à l’implication du privé, notamment national ;
 la valorisation et à la promotion de la consommation de nos produits agroalimentaires locaux ;
 la restauration de la dignité des PDI.

1. De l’installation sécurisée et adéquate des PDI

Depuis 2015, l’exode des populations, contraintes par l’insécurité, progresse de façon exponentielle, avec plusieurs localités abandonnées. En début 2022, on notait que les régions du Sahel, du Nord et de l’Est étaient les plus touchées par l’insécurité et étaient les régions de provenance des personnes déplacées. Aujourd’hui, la situation s’est empirée et les régions de la Boucle du Mouhoun, des Hauts-Bassins, des Cascades, du Centre-Est et du Centre-Ouest sont empêtrées aussi dans la spirale insécuritaire, avec ses lots de personnes déplacées. En plus, dans les sites d’accueil, on constate les contraintes dues, par exemple, aux inondations, les amenant à des déplacements incessants de sites d’accueil, à l’accès difficile des sites par les acteurs de l’humanitaire, etc.

Au vu de la situation nouvellement dégradée dans ces régions, la réponse adaptée serait de les accueillir dans des zones sécurisées, non loin de leurs localités de provenance. C’est en cela que les pôles de croissance, localisées dans ces zones, seraient les lieux appropriés, parce que mieux sécurisées, comme on l’a noté plus haut et disposant de périmètres aménagés de grande taille et d’infrastructures structurantes adéquates ; ce qui n’existe pas dans d’autres plaines aménagées comme Banzon, Karfiguéla, Douna, etc. Ainsi, les personnes qui viendraient à être déplacées pourraient aisément s’y installer adéquatement, car disposant d’opportunités d’auto-prise en charge socioéconomique et d’exploitation de leur capacité productive.

2. Du déploiement approprié de l’action humanitaire et de l’amélioration de la sécurité alimentaire

Tous les acteurs intervenant dans l’action humanitaire connaissent d’énormes difficultés d’accès aux sites d’accueil des PDI. Dans ces sites, il y a un manque de facteurs de production (accès à l’eau, aux terres cultivables et aux espaces pastoraux), une insuffisance de services de commodités de base (structures de santé et d’éducation, cadres d’hygiène et d’assainissement, etc.) et des problèmes d’inondations. Dans ces conditions, il est difficile de déployer convenablement des actions d’assistance humanitaire aux déplacées.

Ce qui complique la prise en charge de leurs besoins alimentaires et nutritionnels et fragilise leurs capacités productives et de résilience. Et réduit l’action humanitaire en termes d’appui à la protection des moyens d’existence. Notamment, l’appui, en nature, des activités agricoles (cultures vivrières, céréales, légumineuses, oléagineuses, maraîchères, fruitières, etc.), des activités d’élevage, des activités génératrices de revenus (AGR) et les actions communautaires. On note aussi que, par ricochet, la situation joue sur la vulnérabilité de la communauté hôte.

Au regard de cette situation alarmante, les pôles de croissance permettrait une meilleure mise en œuvre de l’action humanitaire, du fait du meilleur accès aux PDI et du bon déploiement de l’assistance. Et mieux, le Gouvernement et les Clusters Nutrition et Sécurité Alimentaire seraient à même de mettre en œuvre des paquets d’activités intégrées avec les Clusters Santé et WASH, visant à accompagner progressivement les ménages les plus vulnérables vers une situation durable de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Et aussi contribuer à une meilleure prise en charge de l’éducation des enfants et en formation professionnelle des jeunes.

Et, avec l’existence des opportunités agro-sylvo-pastorales, etc. et la disponibilité de sites appropriés (et extensibles) permettant, en toute saison, d’accompagner les PDI (femmes et jeunes notamment) à se prendre en charge et surtout à mener des activités qu’elles savaient faire et que la crise les en empêche.
Ce faisant, l’action d’exploiter ces pôles va contribuer à améliorer le potentiel de production agricole et la sécurité alimentaire des PDI, en particulier les femmes et les jeunes, des communautés locales hôtes et aux niveaux régional et national.

Et l’on disposerait de produits agricoles, halieutiques, piscicoles, de protéines animales, apicoles, fruits de la production des PDI pour les nourrir et améliorer ainsi leur alimentation et partant une meilleure prise en charge nutritionnelle de ces personnes vulnérables. Et mieux, les populations locales hôtes en seraient bénéficiaires et cette production additionnelle servirait à approvisionner les marchés des villes du pays et permettre de constituer des stocks de sécurité alimentaire pour les zones à fort déficit sécuritaire.

En plus, le Gouvernement pourrait exploiter cette situation pour renforcer les capacités des PDI (et des communautés locales hôtes) à adopter de bonnes pratiques agroécologiques innovantes, en matière de prévention, de récupération et de restauration des terres dégradées (zaï, fumure organique, demi-lune, technologies Smart Valley, etc.), de réhabilitation d’infrastructures de restauration des écosystèmes naturels, d’utilisation de technologies intelligentes face au changement climatique, de gouvernance foncière, de gestion durable et participative des ressources naturelles, de culture hors-sol et de production de fertilisants et de pesticides biologiques.

De même, aux niveaux pastoral, piscicole, avicole, etc., les techniques innovantes et les bonnes pratiques seront prises en compte, comme la sélection de variétés améliorées de semences et de races à forte productivité laitière, poissonnière et en viande, l’insémination artificielle, l’utilisation de biodigesteur, etc. En plus, des techniques de gestion durables des eaux (goute à goute, aspersion, etc.), l’on veillerait à promouvoir l’adoption de technologies d’énergie renouvelable.

Il serait aussi indispensable, face aux bouleversements actuels du monde, d’y inscrire l’utilisation de solutions digitales (e-Agriculture) et la facilitation de l’accès des jeunes et femmes PDI au crédit, à l’information sur l’assurance agricole et des relations d’affaires inclusives. Toutes choses qui participeraient à l’accroissement de la production agro-sylvo-pastorales, etc., à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle et donc, à une prise en charge d’une bonne partie des besoins des PDI et combler ainsi le gap de l’action humanitaire, à court terme et à ne plus avoir recourt, à moyen terme.

En plus de saisir ces opportunités, les femmes et jeunes PDI notamment pourraient être formés en transformation agroalimentaire et apprendraient de nouvelles activités de services génératrices de revenus et de création d’emplois décents. Ce qui leur permettrait de mieux s’autonomiser, économiquement et socialement, au niveau des sites d’accueil et mieux, plus tard à leur retour, dans leurs localités d’origine, lorsque la situation sécuritaire se serait améliorée.

3. De la promotion de l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes et de l’implication du privé, notamment national

Ces pôles pourraient aussi jouer un rôle d’incubation d’entreprises de femmes et de jeunes ruraux. En plus, la présence de services d’appui technique et de renforcement de capacités entrepreneuriales permettrait de mieux encadrer la création et le développement de leurs MPME.

Ces entrepreneurs, à leur retour dans leurs terroirs d’origine, constitueraient une masse critique d’agropasteurs modèles, par les nouvelles capacités acquises, et être de bons relais de transmission de savoir-faire aux populations et ainsi, participer, à travers une bonne éclosion et accroissement d’entreprises locales de production, de transformation et de fourniture de services et rentabiliseraient ainsi leurs affaires en approvisionnant durablement les marchés locaux, régionaux et des grandes villes.

Par ailleurs, les gouvernants pourraient créer les conditions favorables à l’implication du privé national dans la prise d’initiatives tendant à une plus grande exploitation des opportunités existantes en matière de potentialités naturelles et d’infrastructures structurantes. Comme on l’a évoqué plus haut, le privé national est membre du Comité National de de Pilotage des Pôles de Croissance (CNPPC).

Cette position des acteurs du privé national, a priori favorable, devrait permettre d’avoir leur adhésion aux projets d’investissement de l’Etat, des collectivités locales et/ou des Sociétés qui administrent les pôles de croissance. Et cela, afin qu’ils participent au développement de la production agro-sylvo-pastorale, etc., à travers la réalisation de projets au profit, entre autres, de femmes et de jeunes PDI formés sur place, et/ou en facilitant la création et le développement de leurs micro-entreprises rurales ; ainsi que celles d’entrepreneurs et d’exploitants familiaux.

En plus, le Gouvernement pourrait financer des projets de production agro-sylvo-pastorale, etc. et/ou des projets d’agro-industrie à travers l’actionnariat populaire, en y incitant la Diaspora burkinabè à investir, car jusque-là, elle est ignorée, or elle dispose de grandes capacités d’investissements en capital humain, en capitaux financiers et en facilitation ou influence d’organismes d’appui.

Aussi, il serait judicieux d’opérationnaliser le Fonds National de Promotion des Pôles de Croissance (FNP-PC), d’entamer des réflexions pour l’adoption d’une loi sur la taxation de l’importation des produits agricoles et/ou sur un prélèvement d’un certain pourcentage sur l’importation des produits agroalimentaires. Enfin, les gouvernants seraient inspirés de saisir l’opportunité qu’offre la Caisse de Dépôt et de Consignation du Burkina Faso (CDC-BF), car c’est un instrument de financement endogène de l’économie burkinabè (notamment les pôles de croissance, car leur autonomisation financière n’est pas encore effective) ; et donc, sa réactivation est d’une importance capitale.

Ce qui contribuerait grandement à un développement endogène et constituerait, au vu des réalisations entamées, un signal fort pour convaincre les investisseurs sous-régionaux et internationaux, un motif pour mobiliser des ressources financières à travers le marché obligataire (bons du Trésor) sous-régional et/ou la levée de fonds sur le marché financier international. Aussi, il est important de prospecter sur les financements liés au changement climatique et/ou sur la finance verte et durable (favorisant la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, par l’allocation de ressources).

En définitive, l’approche par l’exemple constituerait une excellente stratégie d’attraction des investisseurs internationaux.

4. De la promotion de la consommation de nos produits agroalimentaires locaux

Les initiatives de promotion de l’entrepreneuriat de femmes et de jeunes (dont des PDI, dans les sites d’accueil des pôles de croissance et dans leurs terroirs, après retour), notamment dans la production et de transformation agro-sylvo-pastorale, etc., permettraient une amélioration de leurs capacités d’offre de produits agroalimentaires de qualité, sains, à moindre coût et disponibles dans les marchés locaux, régionaux et des grandes villes. Ce qui améliorerait l’accès des consommateurs à ces produits locaux, plus biologiques.

D’ailleurs, les consommateurs burkinabè et ceux de la sous-région, voire à l’international prennent de plus goût à la consommation de nos produits locaux. Cela est en grande partie dû à l’amélioration de leur qualité, à leur plus grande accessibilité et à une meilleure connaissance des qualités nutritionnelles. Et aussi du fait que la consommation de produits agroalimentaires importés contenants des conservateurs, des colorants, des émulsifiants, des épaississeurs, des exhausteurs, le plus souvent chimiques, a engendré des problèmes de santé (hypertension artérielle, etc.).

Et donc, il est important de mener des actions d’information/sensibilisation et d’éducation alimentaire des populations sur les méfaits de la consommation de certains produits agroalimentaires importées, souvent hors contrôle alimentaire, d’une part ; d’autre part, sur les qualités nutritionnelles de nos produits locaux. Et cela, en direction notamment des jeunes qui ont aujourd’hui des habitudes alimentaires extraverties et des femmes qui sont en charge le plus souvent des enfants, dans les média (notamment les réseaux sociaux), dans les écoles, lycées et les structures de santé.

L’on pourrait davantage mener des actions de démonstration et de vulgarisation des produits agroalimentaires locaux innovants et de qualité, des recettes culinaires dans les restaurants, les cantines scolaires, les internats des lycées et collèges, les foires commerciales, à la télévision et dans les réseaux sociaux, etc.

Il faudrait aussi que toutes les mesures d’institutionnalisation de l’approvisionnement privilégié des cantines scolaires et universitaires, des centres de formation professionnelle, des casernes militaires, des centres hospitaliers et des maisons d’arrêts et de correction et de la consommation des produits alimentaires locaux par les structures publiques soient opérationnalisées, notamment en les rendant plus systématiques lors des ateliers, séminaires, colloques et à toutes les cérémonies des structures publiques.

Ainsi, la valorisation de nos produits agroalimentaires locaux et la promotion de leur consommation par la population burkinabè participeraient à une alimentation plus saine, à l’amélioration de la santé publique et au développement économique (amélioration de l’assiette fiscal et de la balance commerciale, réduction des importations, création de revenus et d’emplois décents, en particulier en milieu rural).

5. De la restauration de la dignité des PDI

Terry Goodkind, dans La Pierre des larmes, disait que « trop de gentillesse peut encourager la paresse et rendre indolent un esprit pourtant sain. Plus on aide les gens, plus ils ont besoin d’assistance. Si ta bienveillance n’a pas de limites, elle les privera de la discipline, de la dignité et de la confiance en soi dont ils ont besoin. Ta bonté finira par les dévaloriser. »

En effet, par le fait de la crise sécuritaire, des milliers de personnes se sont déplacées des localités à fort déficit sécuritaire pour rejoindre des lieux plus sûrs. Ainsi, contraintes à l’exode, elles ont abandonnées leurs terroirs, en perdant leurs biens les plus essentiels (habitats, espaces cultivables et pastoraux, greniers de récoltes, cheptel, lieux de culte, etc.), leurs communautés, leurs activités traditionnelles qui leur permettaient de vivre du fruit de leur labeur, leurs habitudes de vie d’antan, leurs parents et amis, facteurs de bien-être. En plus, durant l’exode, elles ont vu ou subi de pires atrocités, qui sont des facteurs de traumatismes et qui marquent à vie tout individu.

En plus, dans les sites d’accueil, ces personnes manquaient de tout, avant d’être assistées par l’assistance humanitaire de l’Etat, d’organismes nationaux et internationaux et des personnes de bonne volonté. Bien que salvateurs, ces appuis multiformes n’ont permis que de juguler, de temps en temps, leurs difficultés, au vu de leur nombre qui s’augmentait de jour en jour. D’où l’accentuation de leur vulnérabilité et aussi la détérioration de leur résilience. Ce qui fait perdre tout repère et fragilise leur dignité, au vu de leur statut actuel d’assisté humanitaire et de réfugié dans leur propre pays, du manque de ressources vitales et de l’incapacité à réagir.

Et donc, l’action humanitaire, dans ces situations, est nécessaire et primordiale pour parer au plus précis. Mais, le nombre croissant des personnes déplacées, les difficultés d’accès aux sites d’accueil, les problèmes de gestion et la faiblesse des ressources financières pour l’action humanitaire rendent la prise en charge difficile et souvent insuffisante.

Ainsi, au-delà de ces actions humanitaires, l’on pourrait entrevoir des possibilités pour permettre à ces PDI de se prendre en charge, en renouant avec leurs pratiques traditionnelles (agriculture et élevage notamment) et ainsi retrouver leur dignité. C’est là où les pôles de croissance, au vu des potentialités et des infrastructures existantes (que l’on pourrait étendre) seraient une opportunité à saisir rapidement, en créant les conditions d’installation des PDI pour y mener des activités de production agro-sylvo-pastorale, etc.

Cela préserverait leur dignité, en leur évitant d’être à la merci des actions humanitaires seulement ou de la mendicité. Et éviter ainsi l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Mais, pour une installation apaisée, il est important d’inclure les populations hôtes dans les actions qui seront menées dans les pôles de croissance en direction des PDI. Il faudrait aussi que les décideurs locaux et nationaux, avec l’accompagnement de leaders religieux, coutumiers, communautaires et de la société civile, veillent à mener des actions de préservation de la cohésion sociale et de gestion foncière, avec les communautés hôtes. Cela participe de l’inclusion adéquate des personnes déplacées et du vivre ensemble.

En guise de conclusion de notre modeste contribution à l’amélioration de la situation sécuritaire et de ses corollaires, la crise alimentaire et humanitaire, nous entendons apporter une pierre aux pierres que d’autres ont posé ou sont en train de poser pour l’édification d’une Nation de paix, où il fait bon vivre et où son Peuple se développe par son sens de la solidarité et du partage, comme jadis aux temps de nos Aïeuls, de nos grands-parents et que nous ont légué nos parents.

Et nos réflexions sont une invite à d’autres d’en approfondir les questionnements et les pistes de solutions et aux gouvernants, qui ont les rênes de la décision et de la responsabilité politique, d’en définir les contours possibles de l’action à entreprendre, dans le court et le moyen terme, tout au moins. Et cela, pour créer les conditions favorables à l’atténuation des difficultés de l’action humanitaire et de l’insécurité alimentaire de près de 2 millions de personnes déplacées internes, notamment des femmes, des jeunes et des enfants, qui vivent un véritable calvaire et qui interpellent notre conscience individuelle et collective.

Et pour y arriver, il nous faut savoir aller à l’unisson, en comptant d’abord sur nos propres forces et en saisissant les opportunités qu’offrent les potentialités et les infrastructures existantes dans les pôles de croissance.

Nous savons que rien ne se fait par un claquement de doigts, mais il est intéressant de garder à l’esprit cette citation de Winston Churchill qui disait que « là où se trouve une volonté, il y a un chemin ». Alors, libérons notre génie créateur, mûrissons la réflexion, imaginons nos futurs possibles, mais allons vite à l’action, car l’essentiel est disponible pour entreprendre l’avenir autrement.

Nombamba Ousmane Sidpassamdé Bodo OUEDRAOGO
Consultant en Prospective, Stratégie et Organisation
Tél : (226) 77 11 00 00
o_ousmane@hotmail.com

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