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L’année 2005 en Afrique : Léger mieux, mais peut et doit mieux faire !

Publié le lundi 2 janvier 2006 à 09h30min

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A l’analyse, c’est le diagnostic d’ensemble que l’on peut poser parlant du continent africain, en rapport avec les événements qui s’y sont déroulés au cours de l’année 2005. C’est qu’entre la fin du conflit soudanais qui perdurait depuis deux décennies, “l’arrimage” de la RD Congo dans l’espace démocratique, tous deux suscitant un immense espoir et la volatilité de certaines situations politiques et géostratégiques (Côte d’Ivoire, Togo, Soudan, Tchad, Ethiopie-Erythrée, etc.)

Sans oublier la mondialisation marchande qui pénalise tout un continent et le “clochardise” avec tous les risques que cela comporte, on navigue entre espoirs et craintes de voir le continent jouer le rôle qui lui est “naturellement” dévolu au regard de ses immenses potentialités. Comme dirait l’autre, si l’optimisme est de rigueur, l’autosatisfaction béate doit être cependant bannie. Revue de détail.

Fait notable, le continent africain n’a enregistré aucun conflit au cours de l’année 2005 qui s’achève. Mieux, le plus vieux conflit qui n’en finissait pas de finir, celui soudanais, a connu une résolution définitive avec la paix des braves intervenue entre le gouvernement de Khartoum et la SPLA du vieux guérillero John Garang dont la mort est venue doucher quelque peu l’enthousiasme ambiant.

Les supputations qu’elle a suscitées, ajoutées au manque de carrure de son héritier Salva Kir, ont fait craindre que le processus de paix ne dérape. Mais, la volonté de l’Oncle Sam de voir la paix s’instaurer définitivement au Soudan pour des raisons géostratégiques évidentes (le pays est une “base d’observation” idéale de l’Arabie Saoudite et du Moyen-Orient en général) a eu raison des velléités d’irrédentisme, même si le conflit du Darfour à l’Ouest du pays reste toujours d’actualité.

Mieux ou pire, il menace de déborder jusqu’au Tchad, depuis que le pouvoir de N’Djaména est en proie aux défections de diverses natures sur fond de partage de la nouvelle manne (?) pétrolière. N’Djaména accuse de plus en plus Khartoum de servir de base arrière “déstabilisatrice” et menace d’exercer son droit de poursuite sur le sol soudanais avec les conséquences que cela pourrait entraîner. Dans un passé récent, c’était Khartoum qui avait les mêmes accusations à la bouche et le médiateur commis de l’UA, Blaise Compaoré aura du pain sur la planche, même si la cote très haute dont il bénéficie dans les deux capitales jouera en sa faveur en temps opportun.

Situation volatile dans cette région donc, tout comme à la frontière ethio-érythréenne où les bruits de balles et de canons se sont intensifiés dans le dernier trimestre de l’année, avant de se calmer ces dernières semaines.

La Côte d’Ivoire est dans la même situation mitigée, avec un nouveau Premier ministre qui tarde à prendre ses marques, victime des “gbagboseries” qui ont emporté son prédécesseur. Il y a urgence à discipliner le président ivoirien à moins que cette situation de ni guerre, ni paix, ne profite à tous. Plus loin, au Nord du continent, les “monarchies républicaines” continuent de maintenir leurs peuples sous une chape de plomb avec les dernières élections législatives égyptiennes qui en sont l’exemple de l’année. A leur décharge (si l’on peut parler ainsi) le fait que cette démocratie à l’occidentale leur soit étrangère, eux les disciples de Mahomet (PSL), lequel était à la fois dépositaire du pouvoir politique et spirituel. On ne se refait pas en quelques décennies et George W. Bush l’apprend amèrement à ses dépens en Irak et en Afghanistan. Pour en revenir au continent, le fait le plus notable à notre sens aura été la fin consacrée du conflit “civilo-économico-géostratégique” congolais avec la tenue du référendum préfigurant l’organisation d’élections démocratiques. Victime de sa grandeur et de sa richesse, le Congo n’a jamais connu l’unité depuis son indépendance. La folie des hommes, la boulimie des divers impérialismes et la myopie de même que l’inconséquence de ses dirigeants, ont transformé le rêve en cauchemar, faisant du coup, le lit de l’afropessimisme. Feu le “Mzee” Laurent Désiré Kabila ayant été sacrifié sur l’autel des différents intérêts, la RD Congo a depuis, saisi cette “chance” et tente de mettre fin à la longue guerre civile qui la déchire depuis l’aube des indépendances.

Le problème est économique

Avec la RD Congo, le Togo soigne ses plaies de l’après Eyadéma, avec son fils Faure Gnassingbé qui prend de plus en plus ses marques, même si des inquiétudes demeurent avec la question des réfugiés qui reste pendante. “L’Etat-néant” somalien lui aussi tente de revivre même si les protagonistes du conflit se regardent toujours en chiens de faïence, le couteau entre les dents.

Nonobstant donc cette volonté de “virer sa cuti”, l’Afrique reste le continent des paradoxes et l’explication de cette situation contrastée est avant tout économique. Malgré la nouvelle volonté affichée par certains chefs d’Etat comme Blaise Compaoré dans leur “guerre” du coton, on peut s’interroger sur l’efficacité et l’efficience de politiques économiques, qui, mutatis mutandis, ne font que perpétuer l’iniquité et l’inégalité des rapports Nord-Sud instaurées avec la traite esclavagiste et affinées puis perfectionnées avec la colonisation puis la mondialisation. Que peut faire une UA où chaque région du continent bat (?) sa monnaie, laquelle est bien souvent arrimée à l’euro ou au dollar et où les dirigeants hésitent à mettre la main à la poche pour porter les idéaux du continent préférant attendre d’hypothétiques et coûteux financements extérieurs ?

Le tout sans une réelle volonté d’œuvrer à l’avènement d’une industrie industrialisante sur le continent, l’option étant de vendre nos matières premières à l’état brut, perpétuant ainsi le pacte colonial.

Du coup, les questions ressurgissent sur la volonté de nos princes d’aller à l’union et de sacrifier ainsi à plus ou moins long terme leurs “royautés”. Procès d’intention peut-être, mais l’impression perdurera tant que l’opinion se dira que cette union-là s’apparente à un marché de dupes. Ce n’est pas demain la veille que l’unité se fera, car, les ensembles régionaux qui ont réussi l’intégration l’ont fait sur des bases politiques et économiques convergentes.

On a bien vu que l’Europe a exigé des candidats, des efforts d’harmonisation aussi bien au plan économique que politique, voire “idéologiques” avec le cas de la Turquie. Ce qui est loin d’être le cas de l’Afrique où on navigue entre “vraies” démocraties, régimes quasi-monopartisans et “monarchies constitutionnelles”. Si donc on a noté une avancée notable de la démocratie en 2005, on ne peut que nourrir des inquiétudes, vu que les survivances du passé ont la peau dure et que le décollage économique tarde à être effectif.

Avec l’avènement de l’euro et malgré les discours lénifiants, le continent devra inventer par lui-même des voies originales propres à lui assurer un développement durable. Pour ce faire, et à défaut de suivre la voie de la déconnexion prônée par le célèbre économiste Samir Amin, il devra d’abord gagner la bataille de la monnaie africaine (en réussissant d’abord l’intégration monétaire et économique sous régionale) qui pourra traiter d’égal à égal avec les devises des autres zones (dollar, yen, euro).

Un rêve, voire une utopie que seule la culture et donc, l’âme africaine peut transformer en réalité. Pour l’heure, le déséquilibre persiste et le jeu de dupes se poursuit avec le récent sommet de l’OMC dont les résultats mitigés sont l’exemple le plus illustratif. La “ligne de front” de Cancun y a été en effet brisée, chaque région du globe préférant privilégier ses intérêts. A l’Afrique d’en tirer toutes les conséquences et de prendre son destin en main afin de ne pas être l’éternel dindon de la farce.

Autrement et même si le mercure semble à la normale, de fortes poussées de fièvre ne sont pas à exclure dans un proche avenir. Aussi vrai que l’économique détermine toujours le politique.

Boubakar SY
Sidwaya

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