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Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

Publié le lundi 3 octobre 2022 à 22h50min

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Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

Après avoir eu la vie sauve lors de l’attaque du convoi de ravitaillement de Djibo à Gaskindé, certains rescapés ont regagné Ouagadougou dans la soirée du dimanche 2 octobre 2022. Nous avons assisté à ce retour timide et lugubre à Tampouy, au pied du monument de la Paix.

C’est aux environs de 17h qu’une dizaine de camions infortunés, vidés de leurs contenus, avançaient lourdement vers le monument de la Paix, en file indienne. Sous le regard triste de membres de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina, descendent les plus chanceux du dramatique évènement du 26 septembre qui a causé la mort de onze soldats et d’une cinquantaine de civils portés disparus, selon un bilan officiel.

Eux, ce sont les chauffeurs du convoi de Djibo. Ils étaient avec une poignée de femmes qui ont frôlé la mort dans cette attaque perpétrée par des hordes sanguinaires. Les visages crispés, physiquement diminués par la douleur du drame qui pèse toujours sur leur conscience, ils laissent difficilement échapper les mots de leurs bouches lorsque nous leur avons tendu notre micro.

Le pare-brise brisé de ce camion porte toujours la signature des terroristes

Daouda Sorgho est l’un des chauffeurs de ce convoi. Les yeux rougis par la douleur de cette attaque, il revient sur le film de cette journée macabre. « Nous avons démarré de Kongoussi avec 216 camions. Nous avons roulé sans écueils jusqu’à Bourzanga où nous avons fait deux jours. Et nous avons repris la route jusqu’à Namsiguia. Quand nous étions arrivés à Gaskindé, un des camions a eu une crevaison et nous nous sommes arrêtés pour la réparation. C’est à ce moment que les gens ont profité pour faire leur prière en attendant le départ. Après réparation, nous avons commencé à partir. Un instant après, nos hommes de tenue ont remarqué quelque chose de bizarre et ils nous ont intimé l’ordre de nous arrêter. C’est pendant ce temps d’arrêt que les terroristes ont commencé à tirer. Nous nous sommes couchés sur ordre de nos militaires mais nous avons commencé à fuir dans tous les sens parce que les tirs étaient intenses », a-t-il retracé avec une voix tremblotante. Mais l’armée et les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) ont fait montre de bravoure dans la riposte, reconnaît-il, mais l’ennemi avait une puissance de feu supérieure.

Daouda Sorgho salue la bravoure des VDP de Bourzanga venus prêter main forte à l’armée au moment de l’embuscade

Selon ce rescapé, le convoi était divisé en trois tranches. Et c’est à la première, notamment la tête, que les terroristes s’en sont pris d’abord avant de descendre vers les autres. C’était la débandade. « Nous avons vu des femmes qui cherchaient à se libérer de leurs enfants du dos pour pouvoir courir et trouver la vie sauve », nous dit-il, les yeux emplis de larmes. « Et nous, nous rendons grâce à Dieu de nous avoir sauvé », a-t-il lancé. Le bilan en termes de morts est bien plus lourd que ce qui a été communiqué par le gouvernement, à en croire ce rescapé. « J’ai vu de mes propres yeux huit cadavres de civils », a-t-il indiqué.

A entendre son collègue conducteur, Fulgence Ouédraogo, chaque camion avait à son bord deux militaires. Mais visiblement jeunes, ce qui aurait permis aux terroristes de prendre de l’ascendant, de son avis. « C’est vrai qu’ils nous ont demandé de nous coucher au moment des tirs mais je n’ai pas senti à quel moment j’ai pu m’en sortir pour fuir », a-t-il expliqué, avant se retrancher sous un arbre, le regard plongé dans le vide. « C’est Dieu qui m’a sauvé », lâche-t-il.

Le secrétaire général de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina, Tasséré Ouédraogo invite les autorités à redoubler d’effort

Ousmane Ouédraogo lui se trouvait en queue de convoi. Lui aussi a trouvé son salut dans la fuite à Bourzanga. Ses jambes, qui lui ont permis de prendre la poudre d’escampette, sont encore douloureuses. C’est avec difficultés qu’il se tient debout pour donner sa version des faits. « Il faut que l’Etat redouble de vigilance sinon ce n’est pas… » a-t-il succinctement lancé avant de s’éclipser, sans terminer sa phrase.

Dans le lot des rescapés, une dame pleure à chaudes larmes. Elle était avec le reste du convoi qui a survécu à la mort. Elle et son mari militaire étaient de ce convoi qui partait soulager la ville ‘’moribonde de Djibo’’ dans le Sahel burkinabè. Si elle est passée à la lisière de la mort, elle n’y croit plus aux chances de vie de son époux. En larmes, elle nous confie qu’elle n’a plus les nouvelles de ce dernier depuis le jour de l’attaque. De grosses larmes dégoulinent sur les joues de cette dame qui a presque perdu l’espoir de revoir son homme.

Cette dame attend désespérément le retour de son mari

Selon les survivants, les terroristes ont ouvert le feu par deux fois sur l’appui aérien, qui a dû rebrousser chemin pour ne plus réapparaître encore. « Si l’avion n’avait pas fait demi-tour, les terroristes allaient l’abattre », nous confie Daouda Sorgho, ajoutant que la domination des terroristes s’explique par la faiblesse du dispositif sécuritaire du convoi.

Le retour à Ouagadougou a été possible grâce à l’intervention des militaires et des VDP, selon les rescapés. Ce seraient eux qui ont pris l’initiative de les accompagner pour aller chercher le reste des camions qui avaient échappé aux flammes. Ils disent avoir été escortés par les VDP de Bourzanga jusqu’à Kongoussi.

« Nous n’allons plus accepter nous exposer si les autorités ne changent pas de méthodes »

C’est dans une grande tristesse que le secrétaire général de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina, Tasséré Ouédraogo, a accueilli ses collègues survivants de cette tragédie. Il demande aux autorités de revoir l’organisation des convois parce que ce n’est pas la première fois que les membres de l’UCRB perdent la vie dans de pareilles circonstances. « Nous n’allons plus accepter de nous exposer si les autorités ne changent pas de méthodes », peste le secrétaire général de la faîtière des routiers du Burkina. « Les corps de nos membres sont déposés là-bas, on ne sait pas encore comment les choses vont se passer », a-t-il confié, tout en souhaitant prompt rétablissement aux blessés.

Serge Ika Ki
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 3 octobre 2022 à 17:49, par Kiriki En réponse à : Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

    C’est la consternation totale. Je me sens vidé de mon être. Capitaine , nous nous sommes avec toi pour cette guerre. Coupe court a toutes les réunions bizarres, évite désormais de répondre aux questions, de parler aux micros. Ils n’ont te traiter d’impoli on s’en fou. Recrutement des jeunes VDP en renfort. Vraiment le reste de mes tactiques je peux pas écrire parce je sais qu’ils lisent tout ce qu’on écrit. Donc c’est pas la peine. Seulement ils vont frapper d’ici là parce que je me rappelé que quand Sandaogo est arrivé, les terroristes ont semblé être dans la panique alors qu’ils s’étaient donné juste un temps d’observation.
    Mais avec vous, ils savent a priori que ça va barder parce que vous ne combattez pas seul avec vos hommes. L’armée burkinabé n’est plus seule. Ils ont compris cela. Du coup je vais pas tourner autour du pot, mais s’ils doivent frapper ils feront en sorte d’être vraiment violent. Alors si nous même tu imaginons ce qui arrive et nous y préparons, vous l’armée savez aussi avec quelle violence cette guerre va être menée désormais. Nous savons tous désormais que Dieu ou Allah n’a absolument rien a voir avec cette histoire.
    C’est la guerre. A vous les Pros. Nous les civiles nous sommes avec vous ! Soutient inconditionnel et indefectible.
    Vous les criminels terroristes, on sait que vous nous lisez. Mais lisez bien je vous en prie

  • Le 3 octobre 2022 à 19:12, par HUG En réponse à : Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

    Courage aux fds, vdp et autres qui au prix de leur vie essai nous proteger.paix aux ames des disparus.Prompt retablissement aux blessés.Courage aux familles.Nous.vaincrons les terroristes

  • Le 4 octobre 2022 à 08:00, par Yacouba l’Africain En réponse à : Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

    C’est vraiment triste de voir notre pays détruit à ce point.

    J’ai travaillé pendant deux ans dans la ville de Djibo. A l’époque la route entre Koungoussi et Djibo était difficilement pratiquable. Le mercredi c’était le jour du marché et celui du marché betail en particulier. Malgré l’etat de la route la compagnie STAF et d’autres assuraient une liaison satisfaisante avec kongoussi, Ouagadougou et la sous région.

    Les nouvelles autorités doivent faire de la reconquête du territoire et la sécurité des populations la priorité des priorités et tous les burkinabés doivent s’unir comme un seul homme vers cet objectif. Le sang des nôtres a suffisamment coulé, des larmes coulent chaque jour sur les joues de nos soeurs, frères et fils des villes et campagnes.

    Nous sommes en guerre et ne nous y trompons pas, notre ennemi en face ne comprend qu’un seul langage : c’est celui de la force et de la puissance de feu en face. A l’echelle mondiale, le puissance militaire et la force de dissuasion que dispose un Etat est un facteur important dans les relations internationales. Le soft power a besoin du hard power comme fondement en ce qui concerne la paix et la securité interieure.

    Recruter, former, equiper nos FDS.

    N’ayons pas peur des changements. Toute crise est une opportunité pour "oser inventer l’Avenir". Depuis 2014 Il y’a un appel à "Oser inventer l’Avenir" qui est fait au Burkina Faso.

    Osons inventer l’Avenir, dans une nouvelle dynamique, une nouvelle vision, une souverainété réelle et une marche vers un Burkina Libre et Prospère.

    Dieu Bénisse le Burkina Faso

    La Patrie ou la mort, nous Vaincrons.

  • Le 4 octobre 2022 à 15:54, par Rasmane En réponse à : Attaque de Gaskindé au Burkina : De retour à Ouagadougou, des rescapés encore sous le choc témoignent

    Comment peut on faire un convoi de 216 camions, et pas que des petits, de gros camions ayant des quantites de vivres enormes pour la ville, dans un contexte d,attaques et sans une escorte expérimentée et/ou adéquate vu le danger. Djibo est encerclé depuis des mois, toute tentative pour percer les lignes devrait avoir été planifiée comme il se doit et peut etre meme par des operations visant à reduire leur nuisance au moins temporairement ?! l’opportunité de rentrer dans une aussi grande ville avec 216 camions de vivres et biens et on a l’impression qu’il manquait de préparation sérieuse. Nous n’y etions pas et il est facile d,accuser ou critiquer, cependant vraiment y a quelquee chose quio ne se passe pas bien dans cette armée... complicité, corruption, laisser faire, manque de vision, tout y est pour se poser des questions serieuses. La grande muette doit subir une enquete independante.

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