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Du manque de courage politique des Togolais

Publié le vendredi 23 décembre 2005 à 08h14min

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Si je dois trouver ma place sur la fiche de classement officiel de la population par un ancien ministre togolais de l’intérieur des années 1980, que je qualifierais volontiers de "Sarkozy du Togo ", je crois que je serai parmi les « Togolais à part entière » et non sur la liste des « Togolais entièrement à part ».

Je ne le dis pas pour comparer certaines méthodes de nos gouvernants togolais, aux méthodes françaises utilisées ces derniers jours pour rétablir l’ordre dans la fameuse crise dite des banlieues et qui ne serait pas très éloignées des méthodes togolaises d’interdiction de manifestation légitime de la population.
[(Ce qui me fait penser que dans les anciennes colonies françaises d’Afrique, nous avons de qui tenir, même s’il est vrai que le nombre de mort en France pour une crise de cette ampleur, ne saura être comparé à celle au Togo lors de la dernière élection présidentielle)].

(Qui a dit que l’élève ne peut pas dépasser son maître en matière d’atrocités ?) Loin d’en faire une polémique cependant, j’aimerais surtout amener tous mes compatriotes togolais sans exception aucune, à ouvrir grand les yeux et à admettre avec moi, que la crise dans notre pays ne persiste qu’a cause de notre manque de courage politique.

En effet, ce que je (nous) demande de faire aujourd’hui avant que de vouloir procéder à de quelconques prochaines élections dans notre pays, c’est surtout à une véritable évaluation de nos méthodes de conquête de la démocratie, qui conduirait à la recherche d’une stratégie nouvelle capable de relancer notre lutte à partir de l’année 2006. C’est bien sûr un travail qui passe d’abord par l’admission de nos erreurs, de nos échecs, et aussi (pourquoi pas), une analyse de nos victoires partielles. Nous devons pouvoir après réflexions, aboutir à une meilleure prise de conscience capable de nous conduire à un changement définitif de nos méthodes politiques utilisées jusqu’alors.

Mais plus qu’à un simple changement de comportement qui doit commencer par chacun de nous en tant qu’individu, j’appelle à une transformation,(je dirais une révolution de nos idées,) qui doit transcender nos ambitions personnelles et aller jusqu’à bousculer l’hiérarchie au sein de nos partis politiques toutes tendances confondues. Le point de relance de ce nouveau dynamisme de notre société passe bien sûr par un seul facteur : la réconciliation nationale.

C’est vrai qu’au Togo, le parti au pouvoir ainsi que l’opposition continuent tous deux de maintenir qu’ils ne prônent que la démocratie, et trouvent aujourd’hui que cette démocratie doit passer avant tout par un dialogue devant conduire sur la réconciliation nationale. Ma question est de savoir : comment chacun de nous aborde vraiment cette réconciliation dite nationale ?

Une chose que je n’ai jamais réussi à comprendre du vivant du feu président Eyadéma, c’était pourquoi ce dernier (malgré qu’il était si imprévisible) n’avait jamais osé surprendre l’opinion internationale et les partis politiques de l’opposition en cherchant à s’asseoir, ne serait-ce qu’une seule fois à la même table avec son rival de toujours : Mr Gilchrist Olympio pour lui proposer (comme diraient les indiens d’Amérique) d’enterrer la "hache de guerre".

Un peu comme dans un film ou dans un roman de bande dessinée, ils auraient alors pu ensemble fumer " le calumet de la paix" et siffler la fin réelle de la recréation politique dans notre pays.

Ensemble, ils auraient conclu des accords (secrets s’il le faut,) qui alors nous auraient mené à la réconciliation de notre pays avec lui-même, voire à des élections transparentes et libres, où l’élu accepterait de reconnaître le courage du perdant et la victoire alors ne serait que celui de notre peuple, les deux partis devenant des gagnants, parce qu’ayant accepté de conclure la paix des braves. Une amnistie aurait alors suffit pour protéger les " assassins " des deux bords.

Eyadéma malheureusement avait une telle phobie de ses adversaires que jamais de son vivant, il n’avait pu oser franchir ce cap. La vérité est que : comme tout bon togolais, lui aussi manquait de ce courage politique nécessaire pour sortir notre pays de la subordination française et du chaos.

Tenez, pour calmer les étudiants en grève sur le Campus Universitaire par exemple, au lieu de s’attaquer à la racine du mal, à savoir les problèmes de bourse, de restauration, de logement ou d’inégalité de traitement des dossiers de ces étudiants, le Président de la République préférait la voie de la facilité, c’est-à-dire celle de l’intimidation et de la corruption (avec ses fameux kilos de francs CFA). Et il en était ainsi de tous les graves problèmes de société qu’a connu le Togo , que cela soit avec la presse, la santé, la fonction publique, l’éducation scolaire, ou encore et surtout la jeunesse.

Jamais les problèmes n’avaient été traités de face, Eyadéma toujours les contournait par des acrobaties du genre partir pour Pya, après avoir donné l’ordre aux militaires de mater la population, ou maintenir qu’il fera trouver les assassins des personnes jetées dans la lagune de Bè, ou encore qu’il ferait faire une enquête pour trouver le meurtrier de Tavio Amorin, ou les personnes derrière l’attentat de Soudou, l’enlèvement de Bruce, et j’en passe.

L’ancien Président de la République (que Dieu lui accorde le jugement qu’il mérite), n’avait même pas eu le simple courage de venir clôturer la Conférence Nationale pour dire sa vérité au peuple en le regardant droit dans les yeux. Il a fallu qu’il envoie Mr Mivedor son porte parole nous faire la fameuse démonstration du << -Président malade de la gorge qui me demande de lire...>> (pour ceux qui se souviennent encore de cet épisode de notre Conférence Nationale Souveraine).

Aujourd’hui Eyadema n’est plus, et certains me diront que son fils Faure a plus de courage politique que son père, car il a entamé des discussions avec Gichrist Olympio. Je ne vois malheureusement pas en quoi ces vaines tentatives de dialogue représentent du courage politique, car la situation a trop changé au Togo pour être traité comme du vivant d’Eyadéma. Avoir du courage politique aujourd’hui signifierait :

1- Que le nouveau Président reconnaisse d’abord ses erreurs devant le monde entier :
-  le RPT et son jeune Chef Mr Faure Gnassingbé ainsi que l’armée au service de ce parti, doivent pouvoir admettre que l’élection d’avril 2005 avait été précipitée et donc mal organisée.

-  que des militaires et miliciens du RPT, avaient bel et bien volé des urnes, tiré sur la population, violé des femmes, égorgé des enfants... ce qui signifierait : la traduction des coupables devant un tribunal (surtout qu’ ils sont connus) et éventuellement la reprise en toute transparence de ces élections, c’est-à-dire désormais sous l’égide des Nations- Unis, puisque ceux-ci ont pu produire un rapport sur les violences dans notre pays.
Ce serait alors du courage politique et le
monde entier pourrait applaudir le Togo. Nos
dirigeants actuels auraient eu du mérite, et si
jamais ils demandaient une clémence ou une
amnistie pour les voleurs d’urnes et les assassins
ayant jetés nos 37 000 réfugiés actuels sur les
routes. Eh bien je vous l’assure, même si les avis
resteraient partagés, le pourcentage de togolais
qui seraient prêts à leur accorder le pardon serait
très élevé. Alors seulement nous pourrions parler
de réconciliation nationale.

2- Que l’actuel parti au pouvoir accepte d’en partager la gestion, avec les vrais gagnants et participants à la dernière élection, (et non avec des partis satellites du RPT), et introduise de véritables réformes : de l’armée (et j’insiste sur cette réforme de l’armée), de la justice, de l’éducation scolaire, de la santé, de la politique ... dans le pays :
-  cela passe par une acceptation du dialogue national avec tous les togolais et non avec une partie des togolais que l’on sait par avance acquis à sa cause ou pire, un dialogue en catimini à Sant’Egidio avec un seul parti politique, même si ce dernier avait participé aux élections. Je donne ici l’exemple récent de ce fameux mémorandum du Président de la République, qui n’est adressé à aucune organisation des togolais de la diaspora et ne vise en fait que les groupes acquis déjà à la cause du RPT.

C’est tout simplement une insulte à notre peuple, car la politique de l’exclusion doit être maintenant et de loin, dépassée avec la mort d’Eyadéma. C’est vrai que le parti au pouvoir n’a jamais cherché à comprendre pourquoi les jeunes continuent de fuir le pays, et ne le fera jamais surtout maintenant qu’il y trouve certains avantages avec l’exploitation de nos footballeurs à la prochaine Coupe du Monde. C’est tout simplement à mon humble avis : du manque de volonté et d’analyse voire donc un manque de courage politique.

L’exemple est là que Mr Faure n’osera jamais mettre pied dans un camp de réfugiés au Bénin ou au Ghana pour aller convaincre nos compatriotes de rentrer. Encore moins ne le ferait le Premier Ministre Edem Kodjo, dont pourtant ce devrait être la toute première démarche pour gagner une certaine crédibilité aux yeux des togolais et de la Communauté Internationale si comme il aime à le dire, il œuvre vraiment pour le <> au Togo. On préfère malheureusement forcer nos compatriotes à rentrer en utilisant des méthodes d’un autre âge, à savoir l’intimidation par sbires interposés comme cela se passe actuellement au Ghana, dans les camps de Krisan.

Il y a tant et tant d’autres démarches encore possibles et digne du peuple civilisé que nous clamons être, si aujourd’hui nos responsables politiques voulaient vraiment sortir notre pays de la crise, et je pourrais me permettre de faire plusieurs propositions simples et efficaces si et seulement si j’étais sûr d’être écouté. Mais je vous l’assure, même la lecture du présent message et pire encore, une réflexion objective sur sa teneur relève déjà de beaucoup de courage politique, et cela n’existe malheureusement pas dans notre pays.

Au fait, au moment ou l’on parle de réconciliation nationale, la non célébration du 13 janvier 2006 après (et sans) Eyadéma, ne serait-il pas déjà somme toute du domaine du courage politique ?
Wait and see, et Comprenne qui pourra. En attendant Bonne fête de Noël ainsi que de Nouvel -An à tous les réfugiés politiques Togolais du monde, et a tous les togolais aux bonnes intentions. Que Dieu nous garde !

Washington D.C ce 22 décembre 2005

Kouassi KLOUSSE
Artiste- peintre et Activiste
Contact : tousfree @ yahoo.com

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Vos commentaires

  • Le 25 décembre 2005 à 20:23, par DLESKI En réponse à : > Du manque de courage politique des Togolais

    Bonjour Mr Kouassi,
    C’est avec un grand interêt que j’ai lu ton article " Du manque de courage politique des Togolais" Je t’en remercie.
    Mr Kouassi, si tous les jeunes Togolais étaient courageux comme toi, je pense qu’il allait avoir ce que tu souhaites aujourd’hui c’est à dire la réconciliation nationale.Comment un peuple peut se réconcilier en excluant certains fils de la nation ? Je pense qu’il est temps que le peuple Togolais se reveille.
    Vous m’excusez du terme, aucours d’un débat entre amis, un parmi nous disait ceci :" mes gars, il n’ya pas d’hommes au Togo"
    L’interessé ne pouvait pas comprendre que dans ce pays l’armée, la police, la gendarmerie etc... sont toutes acquises pour la famille EYADEMA, comme si il ny’a pas de malheureux dans ces corporations.
    Il a même pris l’exemple sur le Mali où une révolution de rue parachevée par des militaires patriotes est venue balayée le Général Moussa Traoré du pouvoir. Eyadema n’était pas plus puissant que ce dernier. Il repète toujours qu’il n’y’a pas d’hommes au Togo car il n’arrivait pas à comprendre que parmi quelques millions de Togolais, c’est le fils de Eyadema à moins de 40 ans qui fut le mieux indiqué pour succeder à son père.
    Quelle honte pour le peuple Togolais.
    Je pense que les Togolais doivent avoir honte de régarder les ressortissants du Benin, du Burkina,de la Mauritanie, du Mali, de la RCI dans les yeux. Même si en RCI les forces dites nouvelles n’ont pas eu gain de cause, elles ont osé combattre GBAGBO(jusqu’à l’affaiblir) qui en son temps a croisé le fer avec HOUPHOUËT.Quant à GILCHRIST, est-ce que ses enfants connaissent le TOGO et des innocents sont entrain de mourir pour sa cause. OLYMPIO qui ne passe même pas la nuit dans son pays et vous l’appelé opposants.
    Je connais un peu le TOGO mais s’il y’avait eu un consensus autour de Péré(j’ignore l’orthograhe) est-ce que FAURE allait gagner les elections passées.Qui a été l’obstacle à ce consensus ? C’est bien OLYMPIO.Le motif avancé était que " Péret a mangé dans la même assiette que EYADEMA". N’est-il pas populaire ?Le père de OLYMPIO a t’il partagé une même table de négociation avec EYADEMA père ? Pourquoi il le fait en clandestinité(sans l’avis de ceux qui sont restés au pays malgré les sevices)avec EYADEMA fils ? Si je pouvais avoir des élements de réponse cela allait être un grand plaisir pour tous les lecteurs.Tant qu’il y’a ces idées au Togo il n’y’aura jamais de réconconliation.
    L’actuel président mauritanien a travaillé avec l’ancien,mais pourtant il l’a renversé.
    Alpha Konaré fut ministre de Moussa Traoré mais pourtant les maliens ont accordé leur suffrage à Konaré.
    Amadou Toumani Touré fut un moment un élément de la garde de Moussa Traoré mais pourtant il l’a renversé en 1991 et le peuple l’a appelé encore en 2002.
    Le peuple Togolais est un petit peuple d’esprit et ne va jamais grandir. Au Burkina même si quelqu’un te fait manger dans son assiette tu lui dis la verité dans certaines circonstances.
    Je ne pense pas qu’au TOGO, il y’aura un seul homme qui osera le faire.
    Mon chèr Kouassi, je pense qu’on peut compter sur toi pour faire changer les données un jour.Mais ce n’est pas facile, car ils ne sont pas nombreux les Togolais qui sont comme toi et l’armée contient en son sein beaucoup d’illetrés qui sont toujours prêts à se mettre à genoux auprès des heritiers de feu EYADEMa pour bénéficier des avantages minimes.Ton combat n’est qu’une goutte d’eau dans un océan.
    Du courage et bonne année 2006.

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