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Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

Publié le vendredi 29 juillet 2022 à 18h00min

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Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

Qu’est-ce que cette réconciliation que tout le monde réclame et à laquelle nous ne parvenons jamais ? Y mettons-nous tous le même contenu ? Avons-nous adopté la bonne procédure pour y arriver ? L’Etat est-il vraiment la personne ressource pour piloter un processus qui concerne des individus et des familles ? La réconciliation peut-elle être imposée par le gouvernement ou d’autres personnes qui n’ont aucun intérêt dans l’affaire, n’étant ni victimes ni coupables du crime ?

Pourquoi cette affaire qui concerne des familles et des individus est devenue le seul programme politique de partis, de gouvernements et d’associations qui prétendent tous œuvrer pour la réconciliation à renfort de moyens occultes ? Depuis 2001, la réconciliation était au programme de tous les gouvernements, depuis cette date et on ne se demande pas pourquoi on n’y arrive pas.

Blaise Compaoré, Isaac Zida, Michel Kafando, Roch Marc Christian Kaboré, Paul Henri Damiba ont tous cherché la réconciliation. Mais ce qui est constant c’est l’absence de résultats. Retournons sur la fameuse journée du pardon au moment où l’actuel exilé d’Abidjan était encore chez lui à Kosyam pour arriver à cette lettre de demande de pardon portée par un ministre conseiller ivoirien et lue par le porte-parole du gouvernement burkinabè le 26 juillet 2022. Quelle est la nouveauté dans la lettre ? Cette lettre est-elle authentique et peut-elle obtenir le pardon ?

Le 30 mars 2001, il y’a eu une journée du pardon. Cette journée a eu lieu, parce que le pays vivait une situation insurrectionnelle suite à l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons le 13 décembre 1998. De vastes mouvements de protestation, venues du pays réel, avaient ébranlé le pouvoir de Blaise Compaoré suite aux crimes de Sapouy et il avait commis un collège des Sages pour lui donner conseil. Ceux-ci avaient préconisé, après avoir recensé les crimes impunis à cette époque la mise en place d’une Commission vérité justice réconciliation.

Le pouvoir a prétendu par l’organisation de la journée du pardon répondre ainsi à la suggestion en convoquant les gens dans un stade pour demander pardon. A l’époque le président Blaise Compaoré ne voit pas dans les crimes une responsabilité personnelle. « Peuple du Burkina Faso, en cet instant solennel, en notre qualité de président du Faso assurant la continuité de l’Etat, nous demandons pardon et exprimons nos profonds regrets pour les tortures, les crimes, les injustices, les brimades et tous autres torts commis sur des Burkinabè par d’autres Burkinabè, agissant au nom et sous le couvert de l’Etat, de 1960 à nos jours ».

C’est du fait de sa fonction de président, de la continuité de l’Etat que la demande de pardon est faite par Blaise Compaoré au nom des Burkinabè qui ont fait les crimes et tortures…. Du reste il le dira plus tard : « C’est la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat et le regret officiel de tous les actes qui ont créé la fracture sociale qu’il nous faut absolument combler. » Blaise Compaoré n’a jamais associé les deux autres volets du processus, la vérité et la justice comme on lui a conseillé.

Il les évoque dans un futur proche des calendes grecques. « C’est la quête d’un pardon qui ne met pas un terme à la recherche de la justice, ni entrave à la manifestation de la vérité. C’est un pardon de paix et de la réconciliation pour un Burkina Faso nouveau. »

Dès ce jour la procédure était viciée parce que les criminels, les crimes et les victimes sont occultés dans cette demande de pardon. Or pour toute réconciliation il faut les parties en conflit, il faut la vérité sur le conflit, l’aveu du crime et sa reconnaissance par le fautif. L’Etat ne peut se substituer au criminel et de surcroit ne pas dire la vérité sur le crime. L’Etat burkinabè a fait cette mascarade avec une débauche d’énergie et de moyens pour un résultat nul. Nous ne sommes pas parvenus à la réconciliation, la preuve on en parle toujours.

L’Etat ne peut pas prendre le fardeau des crimes de Blaise Compaoré à sa place

Le pays a continué ainsi, dirigé par Blaise Compaoré, et il a été chassé par l’insurrection et s’est réfugié en Côte d’Ivoire, exfiltré par la France. Dès lors, les partis qui le soutenaient et qui se sont retrouvés dans l’opposition et des associations de la société civile pro Blaise Compaoré ont commencé à s’agiter sur la réconciliation, la justice transitionnelle, le retour à nos traditions pour que leur champion échappe à la justice. Il est condamné par contumace à la prison à vie comme Hyacinthe Kafando.

Le général Gilbert Diendéré, présent au procès, écope de la même peine. Le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba et le pouvoir ivoirien le font rentrer le 8 juillet 2022 pour une rencontre entre anciens présidents et le nouvel homme fort. Ce fut une bérézina pour les organisateurs de ce retour sans passage par la case prison pour le condamné du tribunal militaire.

Apparemment ce voyage qui avait pour objectif la réconciliation devrait permettre à Blaise Compaoré de faire une seconde demande de pardon, puisque la lettre présentée au peuple le 26 juillet 2022 date du 8 juillet avec son contenu qui signale la présence de l’enfant de Ziniaré à Ouagadougou. Il y a une avancée notable dans cette lettre de demande de pardon par rapport au discours de la journée du pardon du 30 mars 2001. Ce n’est pas une demande de pardon au nom de l’Etat et sa continuité pour des Burkinabè, pour la période de 1960 à 2001, mais c’est une personne qui le fait pour « ses mandats à la tête du pays » : « Je demande pardon au peuple burkinabé pour tous les actes que j’ai pu commettre durant mon magistère et plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Sankara »

Si Blaise Compaoré, l’individu, demande pardon, il ne dit rien de ces crimes, il n’avoue rien il ne dit pas la vérité sur ses fautes pour lesquelles il demande pardon. Concernant la famille Sankara qu’il a interpellé, il a refusé de venir au procès dire la vérité et même après le procès, sa vérité en tant qu’accusé Blaise Compaoré, n’est pas connue. Comment accorder du crédit à sa demande où la vérité manque ?

Ce qui fait douter de l’authenticité de cette lettre, c’est l’emploi du terme magistère qui ne traduit pas l’humilité et la sincérité dans la démarche du pardon. Si on se reconnaît fautif, disons le pêcheur puisque l’Etat a abandonné son rôle pour glisser dans la religion, on déchire ses vêtements et se couvre de cendres comme dans l’ancien testament, on ne se drape pas de vêtements de pourpre brodés d’or. Cette faute est la signature des communicants stipendiés qui sont à la manœuvre dans cette lettre de demande de pardon qui encore une fois a fait flop.

Le président Paul Henri Damiba devrait laisser les problèmes de personne et de famille aux familles et aux individus concernés. L’Etat peut payer des indemnités, il ne peut pas obtenir cet oxymore qu’est une réconciliation forcée. Laissons Blaise Compaoré régler ses problèmes, l’Etat ne peut pas prendre le fardeau de ses crimes à sa place, à lui et à sa famille d’aller chez les victimes et obtenir le pardon si vraiment c’est ce qu’il veut.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 29 juillet 2022 à 19:33, par Kiriki En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Hé SANA GUY. FO iya barkbiga.
    Je n’ai plus rien a ajouter.j’ai vraiment nourris mon âme en te lisant. Que Dieu te garde.

    • Le 29 juillet 2022 à 21:51, par kenfo En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

      Oui. J’ai toujours regretté que nous nous écoutions pas. Dans ce dossier dans lequel le MPSR risque de se noyer, le gouvernement n’est pas sur la bonne trajectoire. On vous que c’est du faux, comme en mars 2001....et vous poursuivez quand même. Laissons le temps faire son travail. Et si nous rencontrons des impossibilités, tels que faire revivre les parents de Thomas, que chacun s’assume. D’autres Blaises Compaoré sont parmi nous et voudraient "faire" pour ensuite demander "pardon". Qu’ils sachent que les choses ne sont pas si simples. En Afrique, il y a aussi le bannissement. Dans la Bible, le péché contre le Saint- Esprit est impardonnable. Pour l’exemple, il est trop tôt de pardonner les crimes à répétition....
      Kenfo

  • Le 29 juillet 2022 à 20:47, par Demsey En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Merci infiniment Mr SANA pour tout ce que vous avez dit en long et en large.Le pouvoir Damiba a un problème sérieux qui est celui d’oublier complètement pourquoi le peuple a accepté son coup d’état.
    Aujourd’hui, ils sont incapables et même pires que le pouvoir de Roch,mais au lieu de reconnaître tout ça,ils se forcent de se trouver une autre préoccupation pour aveugler les Burkinabè et là,ils pensent qu’en parlant de réconciliation,les gens les prendront pour sérieux.
    En plus de s’être dedouané en legalisant son coup d’état et en se faisant investir par le conseil constitutionnel qui l’a fait malgré lui,il bafouille la justice en faisant venir Blaise compaoré comme si lui-même était au-dessus de la loi.
    Quelle arrogance ce Mr Damiba et sa bande de plaisantins ?
    Si Blaise veut demander pardon,il connaît les familles des victimes et donc ce n’est pas à Damiba qu’on envoie un courrier de demande de pardon car Damiba n’est ni famille des victimes,ni ami de ces familles et donc neutre comme la couleur grise dans cette affaire.
    Vous dites que vous êtes venus pour finir avec le terrorisme et donc ne changez pas de rôle car personne ne vous a autorisé à être là car si c’était à élire,toi Damiba tu ne seras jamais un secrétaires de maire.

  • Le 29 juillet 2022 à 20:49, par Mafoi En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Cela prouve une fois de plus que ceux qui composent ce mpsr sont des ignares.Comment un qui se dit intellectuel,peut venir lire une lettre aussi bizarre tant dans la forme que dans le fond ?Ça manquait du sérieux parce que ces sinistres individus n’ont jamais été sincères(cf la justification de leur putsch) mais on ne pouvait pas s’attendre à mieux puisqu’ils ont appris ce côté vicieux,sadique à côté de leur maître blaiso

  • Le 30 juillet 2022 à 06:16, par chasseur d’insurrescrocs En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Les insurrescrocs de tout acabit qui avaient pignon sur rue sous le régime corrompu de RMCK ne se sont toujours pas remis de leurs émotions. Ils ont perdu tellement de privilèges et subitement, qu’ils en veulent à mort aux jeunes officiers qui font ce qu’ils peuvent pour réparer leurs bêtises.
    Honte aux insurrescrocs manipulateurs qui se croient plus intelligents que tout le monde !!!

  • Le 30 juillet 2022 à 09:24, par RAZOUGOU En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Le problème est qu’on veut nous faire avaler que notre salut viendra du blanchiment de Blaise COMPAORE de tous ses crimes.
    Restaurer l’ancien et vous aurez la paix. Quel drôle de reconciliation ?

  • Le 30 juillet 2022 à 12:53, par boss En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Merci pour l’analyse.
    Si on pouvait maintenant commencer à vraiment s’occuper des terroristes, le peuple apprécierait vraiment. La manière de faire laisse croire qu’accorder le pardon et absoudre Blaise de tous ses crimes résoudrait le problème terroriste. Qu’il le dise si c’est le cas. Les gens sont fatigués de cette impuissance, de ce manque de contrôle de notre "petit" pays.

  • Le 30 juillet 2022 à 22:22, par Zulka En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    " Dès lors, les partis qui le soutenaient et qui se sont retrouvés dans l’opposition et des associations de la société civile pro Blaise Compaoré ont commencé à s’agiter sur la réconciliation, la justice transitionnelle, le retour à nos traditions pour que leur champion échappe à la justice". Ce passage révèle la mauvaise foi de l´auteur de cet écrit. Si on parle de réconciliation nationale depuis 2014, ce n´est pas à l’initiative des partisans de Blaise Compaoré qui s´agiteraient autour de ce thème, pour protéger leurs têtes.
    C´est bien le gouvernement de la Transition de 2015 qui a relancé le dossier, en créant une commission pour la réconciliation nationale et les réformes, qui a même proposé la mise en place du Haut conseil pour la réconciliation....
    Ensuite, si Roch a placé la réconciliation parmi ses priorités, ce n´était pas non plus à l’initiative des partisans de Blaise.
    Arrêtons de faire croire que ces derniers sont les seuls Burkinabè à prôner la réconciliation nationale....On fera un grand pas le jour où chacun, même nos grands donneurs de leçons, admettra humblement qu´il peut avoir quelque chose à se faire pardonner dans ce pays.

  • Le 31 juillet 2022 à 08:38, par HUG En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Verité absolue.Les plus chanceux sont ceux qui ont refusé d etre ministre au mpsr.Le temps nous dira tout.

  • Le 31 juillet 2022 à 15:46, par Facheux MPSR En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Je n’ ai jamais vu un regime aussi inintelligent au Burkina Faso que ce facheux MPSR.
    Et on dit que nos officiers, la, sont sortis d’ une ecole d’ elite. Beaucoup ne peuvent meme pas faire une bonne phrase, a commencer par le plus Nul des nuls que tout le monde ridiculise sur les groupes whatsapp et autres.Dans toutes les facons, ils e sont battus pour leur chose. Donc, c’ est leur chose. Si le peuple se bat reellement pour la democratie, la democratie reelle sera sa chose.Ou bien ? Yoro vaut mieux. Vrai ofu faux ?
    Ils ne peuvent meme pas cocevoir une bonne strategie civile, c’ est pas une strategie militaire ils vont concevoir.
    On n’a pas d’ armee. Des galonnes plaisantins qui paradent en ville avec les moyens de l’ etat. Eux- memes, quand ils pensent, oo, est-ce qu’ ils sont fiers de leurs tenue ? Est-ce qu’ ils sont fiers des sommes astronomiques qu’ ils bouffent ? C’ est un gang qui a pris le peuple en otage.

  • Le 1er août 2022 à 12:02, par Damis En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    Merci à M SANA pour l’analyse pertinente, pour cet éclairage !
    @Zulka, vous dites que le passage "Dès lors, les partis qui le soutenaient et qui se sont retrouvés dans l’opposition et des associations de la société civile pro Blaise Compaoré ont commencé à s’agiter sur la réconciliation, la justice transitionnelle, le retour à nos traditions pour que leur champion échappe à la justice", révèle la mauvaise foi de l´auteur. Je ne partage pas ce point de vue et ce passage ne révèle aucunement une mauvaise foi de l’auteur. C’est exactement la pure vérité qui est dite ici. En fait il n’a pas seulement souligné le besoin de réconciliation que tous les régimes ont évoqué durant leur mandat, mais souligne le fait que les partisans de l’ordre ancien tenaient à ce qu’on oublie le volet "vérité - justice" et parle seulement de réconciliation ! A ce niveau, tu ne peux pas le nier.
    De toutes les façons, si quelqu’un pense que la solution au problème connu de tous viendra de la réconciliation, mais occulte le volet "vérité-justice" c’est que, soit il est animé d’une mauvaise volonté (on ne peut pas réveiller quelqu’un qui ne dore pas), soit il ne comprend pas ce que c’est un vraie réconciliation ! Les burkinabè ne parviendront pas à une vraie réconciliation s’ils occultent la vérité et la justice ! Autrement dit, ce serait une réconciliation de facette, exactement comme la journée de pardon du 30 mars 2001. A chacun d’en tirer les conséquences et d’agir selon sa conscience !

  • Le 1er août 2022 à 15:55, par NONGMA En réponse à : Burkina : L’Etat joue au grand prêtre de la réconciliation en pure perte depuis 2001

    C’est quand on reconnait ces torts et on demande pardon qu’on peut accorder le pardon. Le pardon doit être demandé directement aux victimes et familles des victimes. Lire un pardon à la télé, c’est pas sincère.

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