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Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

Publié le jeudi 14 juillet 2022 à 11h59min

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Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

Les États africains doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés pour réduire leur dépendance vis-à-vis de l’extérieur et faire face aux chocs mondiaux. C’est l’analyse du macroéconomiste Dr Irifaar Hubert Somé sur la parité euro-dollar. Pour la première fois en près de 20 ans, l’euro a touché la parité avec le dollar américain le mardi 12 juillet 2022. En vue de comprendre ce phénomène et de savoir quel pourrait être l’impact sur le continent africain, en l’occurrence la zone franc CFA, Lefaso.net est allé à la rencontre de Dr Irifaar Hubert Somé du Laboratoire d’économie appliquée de l’université Norbert Zongo.

Lefaso.net : Comment expliquez-vous que l’euro ait atteint aujourd’hui la parité avec le dollar ?

Dr Irifaar Hubert Somé : Cette appréciation du dollar est due à la décision des autorités américaines (la Banque fédérale) d’augmenter les taux d’intérêts pour faire face à cette inflation galopante. Il y a une relation positive entre le taux de change et les taux d’intérêt. Puisque l’augmentation des taux d’intérêt des États-Unis entraîne une forte demande du dollar par rapport à l’euro. Et cette situation naturellement favorise une hausse de la valeur du dollar : ce que l’on appelle une appréciation. Ce qui implique par conséquent, une dépréciation de l’euro qui s’explique par la baisse de sa valeur jusqu’à ce qu’elle soit à parité avec le dollar.

Quel peut être l’impact de cette appréciation du dollar sur l’économie de l’Afrique, notamment la zone CFA ?

Les impacts vont dépendre de plusieurs paramètres. Il y a d’abord la monnaie utilisée par le pays, il y a ensuite la nature du taux de change et enfin les caractéristiques d’exportations des États. Les conséquences concernant les pays de la zone CFA seront selon qu’un pays soit grand importateur ou grand exportateur. Pour le cas de la Côte d’Ivoire par exemple, qui est un grand exportateur de produits agricoles (café, cacao…), cette appréciation du dollar sera vue comme une revalorisation de la valeur de ses exportations. C’est-à-dire qu’avec le même volume d’exportation qu’avant, le pays encaissera beaucoup plus de francs CFA que de par le passé lorsque l’exportation est bien sûr libellée en dollar.

Dr Irifar Hubert Somé, macroéconomiste du Laboratoire d’économie appliquée de l’université Norbert Zongo

S’agissant des pays grands exportateurs d’hydrocarbure tels que le Cameroun, le Congo, eux aussi pourront bénéficier de cette parité euro-dollar. Car on assistera à une entrée de ressources supplémentaires issue des exportations. C’est pareil pour le Bénin et le Burkina Faso qui sont grands exportateurs du coton.
L’autre élément positif est que l’appréciation du dollar américain va attirer davantage d’investisseurs dans la zone CFA car cette devise vaut désormais environ 652 francs CFA.

Quels peuvent donc être les effets néfastes de cette parité de l’euro-dollar ?

La consommation des pays africains étant la plus part du temps dépendante de l’extérieur, engendre un fort taux d’importation en direction du continent. Et puisqu’il faut dorénavant beaucoup de francs CFA pour un dollar, il faudra débourser plus d’argent qu’avant pour acquérir le volume de produits importés. En d’autres termes, cela renchérit le coût des biens importés.

La hausse des prix au niveau mondial du blé combinée à l’appréciation du dollar, tout ceci devrait contribuer à accroître l’inflation. Cette cherté de l’importation va également se ressentir sur le coût production à travers les moyens de production importés qui seront plus élevés. Ce qui va également avoir des répercutions sur les prix de vente des produits agricoles.

Sur le plan sécuritaire, la parité euro-dollar va conduire à renoncer à certains investissements pour l’importation des armes

En outre, certains pays vont avoir du mal à assurer le service de la dette du fait de cette situation. Parce que lorsque la dette est libellée en dollar par exemple, cela signifie qu’il faut encore plus de francs CFA aux pays endettés pour s’en acquitter. Les répercutions vont aussi se manifester aussi bien sur le plan touristique que des affaires en direction des États-Unis.

D’autant plus qu’il va falloir mobiliser davantage de francs CFA pour acheter le billet d’avion et tout le reste. Au regard de ce qui précède, tout ceci va contribuer à réduire le pouvoir d’achat des ménages.

Au regard de cette analyse que vous faites de l’appréciation du dollar, quelle doit être l’attitude des autorités africaines ?

Ce phénomène est pour moi interpellateur. Parce qu’il y a assez d’évènements au niveau national qui viennent rappeler à nos États, la nécessité de développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés. Ce qui permettrait d’être encore plus résilient vis-à-vis de certains chocs sur le plan mondial et de réduire la dépendance à l’égard des produits importés.

Aussi, les États africains doivent faire de la diversification des exportations, un objectif ultime avec des perspectives de développement du commerce sud-sud (commerce intra zone). Ce qui pourrait libérer un potentiel de croissance. Les États devraient également investir dans la technologie afin d’améliorer la balance des paiements technologiques. Puisqu’on a démontré que le coût d’importation des moyens de production telle que la technologie, est revu à la hausse du fait de l’appréciation du dollar.

Alors, lorsqu’on investit dans la technologie, cela nous permet d’optimiser un tant soit peu la balance de paiements technologiques avec bien sûr des perspectives de création d’emplois. Ce qui va favoriser une réallocation des ressources du secteur des biens non échangeables vers celui des biens échangeables. Puisque nous savons qu’au Burkina Faso, une grande partie de la population exerce dans le secteur des biens non échangeables. Lorsqu’il y a ce transfert de compétences, cela permet de booster un tant soit peu les conditions de vie des ménages et de faire face à certaines crises mondiales.

Propos recueillis par Hamed NANEMA
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 13 juillet 2022 à 22:48, par Kouda En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    Bravo Dr Somé d’avoir essayé de donner des indications sur les effets de l’appréciation du dollar américain par rapport à l’euro.
    Mais, il manque beaucoup de précisions, de spécificités puisque vous tombez dans le piège de la généralisation. L’économie africaine ne veut absolument rien dire. En économie, l’Afrique ne veut rien dire car les pays qui compose le continent africains sont très différents les uns des autres bien qu’ils partagent certaines caractéristiques.
    Vous omettez aussi le caractère durable ou transitoire de l’appréciation du dollar américain. Le risque de récession ailleurs dans le monde est bien réel, alors vers quels débouchés extérieurs allons nous exporter nos produits essentiellement primaires ?
    Vous dites que l’appréciation du dollar américain peut attirer des investissements directs en Afrique. Pas forcément faux. Mais c’est pour faire quoi ? Produire pour qui alors même que l’inflation est là et la récession est fortement probable ?
    Sachez cher Dr que plusieurs pays d’Afrique ont une monnaie dont le taux de change est d’une manière ou une autre relié au dollar américain. La monnaie de ces pays risque donc de s’apprécier avec le dollar américain.
    Cher Dr, l’appréciation des importations libellées en dollars rend plus compétitives mécaniquement les productions locales en concurrence avec certaines de ces importations. Je ne parle pas de toutes les importations mais uniquement de certaines qui concurrencent les biens produits localement. Donc, ça pourrait être une aubaine pour les producteurs locaux, sous certaines conditions.
    Vous suggérez de diversifier la production manufacturière des pays africains. Bien. Comment concrètement ?
    Voyez-vous les généralités que vous récitez ne nous sortiront jamais de nos problèmes économiques. Pour un macroéconomiste, on attend mieux et des propositions concrètes et précises. Au boulot donc.

  • Le 13 juillet 2022 à 23:24, par West En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    ((la décision des autorités américaines (la Banque fédérale) d’augmenter les taux d’intérêts))
    Les américains ont augmentés les taux d’intérêts, c’est une conséquence directe de l’épidémie de Covid-19 qui a perturbé les chaînes d’approvisionnements ce qui a crée un déséquilibre entre l’offre et la demande créant une pression inflationniste.
    Le but de l’augmentation des taux c’est de ralentir l’économie (sans la plonger en récession), contrôler l’inflation, le temps que l’offre et la demande soit de nouveau en équilibre et on pense qu’il faudra attendre fin 2024 pour que cela arrive si tout va bien... Wait and See...

  • Le 14 juillet 2022 à 02:41, par Dr SOME En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    M. KOUDA, il s’agissait bien des pays d’Afrique de l’Ouest et spécifiquement la zone FCFA. Il est indiqué clairement que les conséquences dépendaient entre autre de la devise. On ne peut donc pas prendre une analyse par rapport à la zone FCFA et généraliser à l’Afrique où plusieurs monnaies sont utilisées.
    Vous vous demandez à quoi va servir les IDE ? Au même moment vous affirmer que l’inflation est là et la récession. Je voudrais juste rappeler que l’inflation actuellement est en partie liée à un choc d’offre (bouleversement des chaines d’approvisionnement). Aussi, l’investissement faut-il le rappeler est une composante essentielle de la demande globale.
    Vous reprenez le fait que « l’appréciation des importations libellées en dollars rend plus compétitives mécaniquement les productions locales en concurrence avec certaines de ces importations ». C’est ce qui a été exactement dit. C’est pourquoi il est suggéré de développer les filières locales, de diversifier l’offre locale la production manufacturière. Cette suggestion est bien opérationnelle. Il s’agit là d’une série de mesures conduisant à la transformation des Structures productives (tout en améliorant la balance des paiements technologique) et je suis disponible pour les détails.
    Enfin, notez qu’une suggestion de politique économique (le plus spécifique possible) sans être opérationnalisée, ne nous sortira jamais de nos problèmes économiques.

    • Le 14 juillet 2022 à 15:03, par Kouda En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

      Dr SOME,
      Aux USA, les économistes, observateurs et décideurs y compris ceux de la Fed sont d’accords pour dire que l’inflation résulte de trop de monnaie que l’on veut dépenser sur peu de biens. Les mesures de soutien mises en place par l’administration américaine pour contrer les effets du covid-19 ont fortement augmenté les revenus des ménages qui ont par ailleurs économisé beaucoup aussi pendant les confinements (impossibilités de voyager, d’aller au ciné, de consommer plusieurs autres loisir tels qu’aller au ciné). Donc, bien qu’il y ait des causes du côté de l’offre avec les perturbations de chaines d’approvisionnement dans le monde, la réserve fédérale estime que c’est l’excès de demande de biens aux USA qui cause cette forte poussée des prix. C’est pourquoi elle a augmenté les taux d’intérêt directeurs pour ralentir la demande et contenir l’inflation. Les statistiques du marché de l’emploi aux USA et du chômage montre bien que du côté de l’offre, les choses ne sont pas si mauvaises.
      Concernant les investissements directs dans la zone franc CFA, ils serviront à quoi ? N’oubliez pas que c’est la rentabilité qui guidera les investisseurs étrangers dans notre zone. Nous ne disposons pas de technologies particulièrement avancées que les investisseurs étrangers pourraient acquérir en rachetant par exemple nos entreprises. Et comme l’a dit un internaute, il est difficile de penser qu’une décision d’investissement direct productif soit prise surtout sur la base d’un taux de change nominal très fluctuant d’ailleurs.
      A l’internaute Zimm qui parle de théorie quantitative de la monnaie, nulle part dans mon post, je n’ai évoqué cette théorie. Je ne sais même pas de quoi parle cette théorie.

  • Le 14 juillet 2022 à 03:11, par Zimm En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    Oui Kouda, il y’a beaucoup de généralités comme vous l’écrivez, mais ne pas oublier que ce n’est pas un forum académique de ``Théorie quantitative de la monnaie et de zones monétaires optimales `` il y a d’autres endroits pour cela.

  • Le 14 juillet 2022 à 06:14, par À qui la faute ? En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    "L’appréciation du dollar américain va attirer des investisseurs américains dans la zone CFA". Non. Un investissement c’est dans la durée et ne peux aller au rythme de données aussi fluctuantes que le Forex. Ce qui peut attirer des investisseurs Nord-américains c’est la réputation de la confiance, les compétences locales, le pouvoir d’achat local, etc. Pourquoi les USA n’ont pas investi un dollar au Venezuela, en Guinée où les monnaies locales valent 10 fois rien ?
    Le marché ouest africain est très tourné vers les zones Euro en import, ce qui annihile l’effet du change.
    Actuellement il y a au moins 3 facteurs entre la guerre russe, le covid et le terrorisme occasionnant la rareté et la baisse de la production locale, autant de facteurs qui impactent les prix.

  • Le 14 juillet 2022 à 07:31, par Paul En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    L’offre locale ne se résume pas aux produits manufacturés ! Pour le secteur agricole, il y a nécessité de développer la production nationale de bio-intrants (biofertilisants, biopesticides) au lieu d’importer à coût de dizaine de milliards des engrais de la pétrochimie. Notre indépendance alimentaire passe aussi par l’indépendance de nos pays en matière d’intrants !

  • Le 14 juillet 2022 à 09:03, par Mafoi En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    Je ne comprends pas grand chose en économie mais dire que :"L’autre élément positif est que l’appréciation du dollar américain va attirer davantage d’investisseurs dans la zone CFA car cette devise vaut désormais environ 652 francs CFA" me laisse pantois d’autant que cette parité ne restera pas figée dans le temps,c’est comme la bourse,ça monte,ça descend à vitesse grand V.Donc humblement je me permets de tempérer ton optimiste car aucun investisseur sérieux ne pensera venir investir chez nous avec le seul critère de la parité "du jour" euro-dollar,d’autant que demain,ça peut être une autre paire de manches

  • Le 17 juillet 2022 à 22:50, par Zimm En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    @Kouda
    Si vous ne connaissez pas la théorie quantitative de la monnaie, (honnête de votre part de le dire), je vous suggère de compléter vos connaissances en partant des travaux fondamentaux des économistes Milton Friedman, Robert Mundel, etc..

  • Le 19 juillet 2022 à 01:46, par Zimm En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    @Kouda,
    On va se parler lorsque vous aurez fait l’exercice que je vous ai donné de compléter (d’abord) vos connaissances via des lectures intellectuelles fondamentales sur le sujet.
    En passant, je parle de ``Théorie quantitative de la monnaie`` et Non de ``la théorie monétaire de la monnaie`` comme vous l’écrivez... Même à ce niveau élémentaire de base de juste répéter, vous faites des erreurs... Wow, long way to go...

  • Le 21 juillet 2022 à 05:49, par Zimm En réponse à : Parité euro-dollar : « Nos États doivent développer et diversifier l’offre locale des produits manufacturés », analyse Dr Irifaar Somé

    @Kouda,
    Débattre sur quoi ? avec quelqu’un comme vous qui se TROMPE sur l’élémentaire... Je n’ai pas le temps à perdre.
    Conseil :
    Allez vous instruire et je vous ai donné des références, ça ira mieux pour vous. Allez bosser !

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