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Fiscalité : “Le monde rural doit payer l’impôt”

Publié le vendredi 9 décembre 2005 à 08h19min

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La pression fiscale, la fraude fiscale, l’imposition du monde rural ... constituent des préoccupations pour un pays comme le Burkina Faso. Clément Pitroipa et Adama Bitié respectivement secrétaire général et secrétaire à l’organisation et à l’information de l’Association des professionnels et experts fiscaux (APECF), tout en abordant les questions liées à la fiscalité, nous parlent de leur association.

Sidwaya. : Qu’est-ce qui explique la création de l’Association professionnelle des experts et conseils fiscaux (APECF) ?

La création de l’Association professionnelle des experts et conseils fiscaux (APECF) est née suite à un besoin de s’organiser, ressenti par quelques conseils et experts en fiscalité. Ceux-ci ont estimé, au bout d’un certain nombre d’années d’exercice de la pratique de la fiscalité, qu’il est utile de créer un cadre de regroupement pour mieux échanger, mieux se faire comprendre afin d’être plus disponibles tant au niveau des contribuables qu’au niveau de certaines associations professionnelles telles que le Conseil national du patronat, la Maison de l’entreprise, l’Ordre des avocats, l’Ordre des experts comptables... Ainsi, après plusieurs rencontres préalables, par la volonté soutenue des professionnelles exerçant dans le domaine fiscal et juridique de créer l’Association professionnelle des experts et conseils fiscaux (APECF). L’APECF est une association à caractère national régie par la loi N°10/92 du 15 décembre 1992.

S. : Quels sont les objectifs de l’APECF ?

Conformément à ses textes fondamentaux, l’APECF a pour objet d’abord, la promotion de la profession de conseil et d’expert fiscaux, la promotion de la justice fiscale et la promotion du civisme fiscal. Parlant maintenant d’objectifs, ils sont essentiellement au nombre de six. Il s’agit de la recherche-perfectionnement de ses membres en matière de fiscalité, de gestion domaniale et foncière, l’étude des lois et textes fiscaux, domaniaux et fonciers, la formation de ses membres à l’expertise nationale sur les questions de fiscalité, de gestion domaniale et foncière, l’information, la formation et l’éducation du contribuable sur les questions de la fiscalité, la sensibilisation du citoyen sur les questions liées à la fiscalité et plus généralement, la recherche de la concertation sur les questions relatives à la fiscalité avec l’administration fiscale et tout organisme intéressé.

S. : D’une manière générale, comment se porte la fiscalité au Burkina Faso ?

La fiscalité est obligé de se porter bien au Burkina Faso. Parce que l’Etat compte essentiellement sur les ressources fiscales dans la mesure où l’économie n’est pas très développée. La manne de l’Etat repose en grande partie sur les impôts, droits de douane ou la fiscalité intérieure.

S. : Le contribuable burkinabè cultive-t-il le civisme fiscal ?

La question du civisme fiscale est un peu délicate dans la mesure où au préalable, nul n’approuve du plaisir à enlever de l’argent pour l’Etat. Alors que dans les pays en développement comme le nôtre où les ressources publiques manquent énormément, les taxes fiscales jouent un grand rôle dans les dépenses de l’Etat. Beaucoup de contribuables commencent à comprendre cela. C’est sur la base des recettes fiscales que le pays bâtit son programme économique et social. Le civisme fiscal reste une bataille que tous les acteurs économiques doivent gagner car, tout le monde y gagne. Plus on évitera la fraude, plus chacun apportera sa contribution selon ses capacités, plus l’Etat se portera mieux.

S. : Quelles sont les prestations pouvant être rendues par l’APECF ?

Au regard de son domaine d’intervention, l’APECF peut être saisie par les différents corps ou regroupements professionnels pour plusieurs raisons : l’étude de l’impact ou de la portée de certaines dispositions fiscales, domaniales ou foncière, l’interprétation de textes fiscaux, domaniaux ou relevant de la législation foncière. L’APECF peut apporter une assistance dans le cadre d’un projet de réforme. Elle est aussi à la disposition de l’administration fiscale pour toute contribution à l’appréciation de l’applicabilité de certains textes, la critique de projets et réformes, la recherche de solutions à des problèmes spécifiques.

Pris individuellement, les membres de l’APECF peuvent offrir les prestations suivantes : appui- conseil et assistance à la création d’entreprises ou de sociétés, montage de dossiers de financement, montage de dossiers de demande d’agrément au code des investissements. Assistance ponctuelle ou permanente dans les divers domaines de la fiscalité (fiscalité d’entreprise, fiscalité domaniale, fiscalité locale, fiscalité minière ...) ; assistance pour l’établissement des états... Ainsi en cas de contrôle sur pièces ou sur place, un contribuable peut demander l’assistance des membres de l’association face aux agents des impôts.

Les membres de l’association sont des personnes physiques qui exercent la profession du conseil d’expert fiscal, remplissant les conditions de diplôme, notamment le diplôme d’inspecteur des impôts, un DESS en droit des affaires et fiscalité ou des diplômes équivalents. Des personnes physiques exerçant en tant d’expert fiscal agrée par le ministère de la Justice peuvent aussi être membres de l’association. Il en est de même des personnes morales (société civile, SARL, SA de conseils et/ou d’experts fiscaux) dont les principaux associés satisfont aux critères définis pour les personnes physiques.

S. : N’y a-t-il pas de confusion entre les prestations des experts et conseils fiscaux et celles des cabinets comptables ?

A priori, on peut croire qu’il y a une confusion. Ce n’est pas le cas. Les experts comptables ont un cadre. Leur domaine de prédilection, c’est la comptabilité avec accessoirement du fiscal et du juridique. Mais il y a plus d’experts en matière de fiscalité, ce sont les fiscalistes. Ils sont pour la plupart des inspecteurs d’impôts ou des titulaires de diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS) en droit des affaires. Les experts comptables se sont toujours occupés du domaine fiscal avec toutes les faiblesses que cela comporte. Sur le terrain, les difficultés subsistent, les entreprises se plaignent alors qu’elles bénéficient du concours de commissaires au compte, d’experts comptables.

Dans la plupart des cabinets comptables de la place, très peu disposent de ressources humaines qui maîtrisent la chose fiscale. Sur le plan comptable, il n’y a pas de problème mais sur le côté fiscalité, il y a des tâtonnements. En plus de cette faiblesse, il y a d’autres intervenants, des individus qui se présentent sans aucun profil dans les services des impôts soi-disant qu’ils sont des conseils fiscaux. Il y a lieu d’organiser le milieu pour offrir des prestations de qualités, avec toutes les garanties de compétence.

Nous envisageons l’élaboration d’un code de déontologie en entendant que la profession soit réglementée par une loi. Nous avons entrepris des démarches dans ce sens à l’endroit de la Direction générale des Impôts (DGI), le Conseil national du patronat burkinabè (CNPB), de l’ordre national des experts comptables et comptables agréés (ONECCA). Il y a bien d’autres structures avec lesquelles nous échangerons pour faire connaître nos objectifs.

S. : Peut-on s’attendre à ce qu’un jour votre association évolue vers un Ordre ?

Tout dépendra de la volonté des membres de l’association et de la réaction des différentes structures que nous avons rencontrées. Après avoir fait connaître nos objectifs aux contribuables, si ceux-ci répondent à leurs attentes, nous bénéficierons de leur appui et de celui des services des impôts pour parvenir un jour à une profession réglementée. Ainsi, toute personne qui voudra exercer comme expert fiscal doit pouvoir obtenir un agrément. Cela est souhaitable.

S. : Des contribuables soutiennent que la pression fiscale est très forte au Burkina Faso alors que les autorités disent le contraire. Quelle est votre lecture d’expert fiscal ?

Tout dépend de quel coté on se trouve pour émettre un tel jugement. S’agit-il de la pression fiscale d’un point de vue national ou de celui des citoyens qui paient l’impôts ? Si c’est d’un point de vue national, le Burkina Faso n’est pas un pays suffisamment fiscalisé. Il y a près de 90% de la population qui vit en milieu rural. Et il n’y a pas assez d’activités qui puissent permettre à cette population de payer des impôts. Le minimum de contribuables se trouvent concentrés dans les centres urbains. Raison pour laquelle, on croit que la pression fiscale est forte. Sinon, il y a des études qui montrent que le poids des impôts n’est pas trop lourd pour les Burkinabè.

S. : Certains fiscalistes estiment que les paysans et surtout le secteur informel doivent payer l’impôt. Quel est votre avis là-dessus ?

C’est une évidence pour le secteur informel. Il faut que ses acteurs jouent leur rôle sur le plan économique mais aussi fiscal. Il faut qu’ils soient suffisamment imposés en fonction de leurs revenus. Mais pour l’instant, ce secteur apparaît comme un refuge pour le contribuable. Pour ce qui concerne la fiscalisation du monde rural, il le faut aussi. Ce sera une façon pour les paysans de manifester leur adhésion à l’unité nationale. Ce n’est pas parce que ce que nous produisons n’est pas projeté dans le temps (car une campagne agricole est sujette à des aléas) qu’on se dit qu’on ne peut pas payer d’impôt. Il faut se souvenir que l’impôt en milieu rural a existé. Ce que l’on a appelé impôt de capitation. Le chef de famille s’acquitte de la taxe en fonction de la taille de nombre d’individus de sa famille.

Cependant, cette imposition ne peut pas aujourd’hui reposer sur le nombre mais sur la base de la déclaration du revenu de chacun. Car jusque-là, ce sont les salariés qui subissent la pression car ils ne peuvent rien cacher. Leurs revenus sont connus de tous. Les salariés contribuent en fonction de leur capacité. Il en est de même des opérateurs qui réalisent des bénéfices. Cette identification s’avère difficile au niveau des paysans. Car il faut arriver à quantifier la matière impossible en fonction de leur production agricole.

S. : Un expert fiscal peut-il manipuler les chiffres et aider le contribuable à payer moins d’impôts ?

Ce sont des présomptions non fondées. Notre rôle consiste à indiquer au contribuable les dispositions fiscales et ses obligations pour que celui-ci sache ses droits et ses devoirs. Mais l’expert fiscal ne peut pas décider à la place du contribuable. Il ne prodigue que des conseils. Le contribuable a le dernier mot.

C’est à lui que revient la décision finale. L’expert fiscal agit comme un avocat mais à la différence, il ne défend pas ce qui est tordu. Généralement, le conseiller fiscal discute avec l’agent des impôts pour arrêter ce qui est faisable. Il ne faut jamais utiliser des moyens dilatoires pour ne pas payer les impôts. S’il arrive qu’on a tort vis-à-vis de l’administration fiscale, il faut en toute humilité, introduire le recours gracieux pour se mettre en harmonie avec la loi. Les entreprises qui consultent les experts fiscaux n’ont généralement pas de problèmes avec l’administration fiscale.

Ceux-ci utilisent les dispositions de la loi à l’avantage de l’entreprise. S’il y a des clauses qui prévoient des exonérations, c’est à l’expert comptable d’en informer le contribuable pour les lui faire profiter. Peut-être, celui-ci pensera qu’il paie moins. Mais en réalité, ce sont les textes qui sont en sa faveur. Sinon, il paie ce qu’il doit et ce n’est pas de la fraude.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr)
Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)
Sidwaya

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