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Côte d’ivoire : Na Bintou Cissé, diplomate à titre posthume

Publié le vendredi 9 décembre 2005 à 08h42min

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Gbagbo (dos) et le couple Ouattara

Le président du Rassemblement des républicains (RDR) a regagné, depuis mardi 6 décembre dernier, ses pénates, après un exil forcé de trois ans en France. Comme on le sait, cette réapparition d’ADO n’est pas volontaire. En effet, cela fait suite au décès de sa mère, Nabintou Cissé, dont l’enterrement a eu lieu hier 8 décembre.

Les circonstances de son retour au bercail viennent nous rappeler celui de l’ancien maire de Brazzaville, Bernard Kolélas, qui, au terme d’un exil de 8 ans, est retourné au Congo.

C’était, on s’en souvient, suite au décès de son épouse, Ma-Jacqueline Kolélas. Pendant sa maladie, cette dernière, qui souffrait d’une hémorragie cérébrale, avait été évacuée de Bamako à l’hôpital Saint-Louis de Paris par un avion médicalisé affrété par le président Denis Sassou N’Guesso. Malheureusement, le 29 septembre, Mme Kolélas succombera à sa maladie.

Une grande équation se posa à ses enfants qui souhaitaient son inhumation au Congo : comment leur veuf de père, sous le coup d’une condamnation à la prison à vie par contumace, pourra-t-il accompagner leur maman à sa dernière demeure ? A ce vœu des orphelins, Denis Sassou N’Guesso se montrera une fois de plus miséricordieux. En effet, invoquant « des raisons humanitaires...la fraternité bantoue et la solidarité africaine », le chef de l’Etat congolais prendra un décret présidentiel absolvant l’ancien maire de Brazza de ses péchés. Ce qui lui permettra de fouler la terre de ses ancêtres et d’assister à l’inhumation de son épouse.

Sur le retour de Bernard Kolélas à Brazza, nous titrions, sous la même rubrique, dans notre édition n° 6498 du 14 octobre dernier, « La diplomatie du cercueil ». Car au-delà des interprétations possibles sur l’attitude de N’Guesso, ce qui est louable, c’est le sentiment que les deux ennemis enterrent du même coup la haine que chacun vouait à l’autre. Le retour d’ADO est, à quelques exceptions près, assimilable à celui de Bernard Kolélas. En tout cas, c’est la question que l’on est en droit de se poser avec le décès de Nabintou Cissé, sa mère. Ainsi donc, depuis le 6 décembre 2005, Alassane Dramane Ouattara est de retour, après un exil de trois ans dans l’Hexagone. Coïncidence pour coïncidence, nombreux étaient cependant ceux qui présageaient le come-back des violences au pays de Félix Houphouët Boigny dont on a célébré le 12e anniversaire du décès le 7 décembre 2005.

Heureusement, il n’en a rien été. La réalité des choses semble en effet démentir les pronostics macabres qui fusaient d’un peu partout, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Côte d’Ivoire. Mieux, la compassion dont il a bénéficié de ses concurrents, des plus modérés aux plus farouches, a surpris et continue d’interloquer plus d’un. Qui pouvait s’attendre à ce que l’enfant terrible de Mama se déplace pour aller présenter ses condoléances à celui à qui il avait même dénié la nationalité ivoirienne à la suite de Bédié ? Cerise sur le gâteau, ces retrouvailles ont été couronnées par des embrassades. A moins que ces accolades ne soient à l’image du baiser de Judas.

Henri Konan Bédié non plus n’y est pas allé de main morte : à la tête d’une forte délégation de deux centaines de membres du PDCI, l’homme court de Daoukro est allé présenter ses condoléances à son co-houphouétiste en lui remettant une enveloppe d’un million de francs CFA accompagnée d’un bœuf et d’une tonne de riz. Comme quoi sous nos tropiques, c’est connu, il n’est pas séant de se régler de vieux contentieux autour d’un cercueil qui sent encore le vernis.

Conclusion : cette vertu ancestrale semble avoir mis d’accord les protagonistes de la crise ivoirienne sur le fait qu’ils ont des responsabilités et un destin communs. La mort de la vieille Nabintou a fait d’elle un diplomate à titre posthume, là où des ambassadeurs vivants et de profession ont échoué. Mais la hache de guerre sera-t-elle enterrée pour autant après ce deuil qui a rapproché les rivaux ? C’est en tout cas le souhait ardent de toute la sous-région que les ennemis fument à jamais le calumet de la paix.

Hamidou Ouédraogo

Observateur Paalga

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