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Nouvelles lois sur l’immigration : un piège sans fin pour l’Afrique

Publié le mercredi 7 décembre 2005 à 07h40min

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J. Chirac et ATT

Interrogé à Bamako, lors du récent sommet Afrique-France, sur la question de l’immigration, le président français, Jacques Chirac, a indiqué que les nouvelles mesures sur la délivrance de visas de longue durée et à entrées multiples pour certaines catégories d’étrangers (chercheurs, entrepreneurs, professeurs, etc.) entreraient "instantanément" en vigueur dans les consulats de France.

Alors que les principaux candidats concernés verraient naturellement en cela des mesures d’assouplissement pour faciliter leur départ en France, pour bien d’autres, les indésirables sans qualification et les plus nombreux, la France vient de signer là l’acte de durcissement de sa politique d’immigration.

Toujours est-il que ces récentes mesures cachent mal les intentions inavouées de la France de procéder à une politique d’immigration résolument sélective, où seuls seront désormais acceptés sur son territoire, les Africains les mieux éduqués. De nouvelles lois sur l’immigration qui, à l’évidence, donnent le feu vert à un plus grand exode des cerveaux africains et, par conséquent, à la saignée de l’intelligentsia africaine au bénéfice de l’Occident.

Ralentir la marche de l’Afrique vers son développement, la maintenir toujours dans la situation de dépendance et de dominée, sevrer le continent de sa matière grise en aspirant ses cerveaux. Telle semble être la conséquence de ces mesures d’assouplissement offertes par la France. En réalité, c’est un piège sans fin qui risque de se refermer dramatiquement sur l’Afrique. Pour ce qui est des candidats non qualifiés, désespérés et pour qui la seule planche de salut, la seule porte de sortie à leur quotidien difficile, reste l’exil, tant pis pour eux s’ils sont interdits de France.

La France n’a pas besoin de cette "racaille" potentielle, pour reprendre le terme du ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy.
Et pourtant, il est clair que les candidats africains à l’exil en Occident sont moins ceux qui disposent du savoir et du savoir-faire que les non qualifiés, et pour qui rester en Afrique n’offre plus aucune solution immédiate de survie.

On a toujours en mémoire les assauts désespérés de milliers d’Africains tentant de gagner l’eldorado "européen" à travers les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla près du Maroc. C’est dire que la lutte contre la pauvreté passe nécessairement par la résolution des problèmes de la jeunesse africaine. Il sera difficile de la retenir chez elle si des solutions endogènes, efficaces et durables ne sont pas trouvées.

Le sommet de Bamako a d’ailleurs touché du doigt le problème, en soulignant notamment que la "solution" à l’immigration clandestine passait par le développement des pays africains "grâce à un soutien accru des pays industrialisés et de nouveaux aménagements sur la dette". Mais aussi, par le doublement de l’aide publique au développement, comme l’affirme "l’inlassable avocat de l’Afrique", Jacques Chirac.

Par ailleurs et comme le plaide le président français, l’Afrique doit "prendre sa juste place dans le commerce international, notamment agricole" et ne pas être "ignorée" par les pays riches. Par ces propos, il pose une fois de plus sur la table et à la conscience de l’Occident, l’éternel problème du commerce inéquitable entre l’Afrique et les pays du Nord. Beaucoup de produits agricoles africains ne peuvent franchir les frontières du continent noir, du fait des barrières tarifaires.

Pendant ce temps, les produits agricoles d’Occident subventionnés inondent les marchés africains, rendant les productions locales plus chères et les laissant en rade. Il apparaît donc clairement que les chefs d’Etat africains devraient veiller à la promotion des produits africains, une politique qui, pour l’heure, ne semble pas être une priorité pour bien d’entre eux.
Le sommet de Bamako a abouti à des résolutions, comme on en entend à ce genre de conclaves.

Mais les déclarations, plaidoyers et résolutions resteront un catalogue de bonnes intentions s’ils ne sont pas suivis d’effets. Et à ce propos, on peut comprendre le scepticisme de nombreux Africains pour qui ce rendez-vous annuel entre la France et les ex-colonies d’Afrique se présente comme l’une des dernières survivances de la "Françafrique". Des sommets voués à la disparition parce que inopérants.
Une innovation du sommet : la jeunesse africaine a été invitée à se faire entendre. En face des chefs d’Etat, elle a dit ses préoccupations et n’entend plus se faire abuser. Elle veut des actions concrètes.

Mais au nom de quelle jeunesse ce groupe retenu pour le sommet de Bamako s’est-il adressé aux chefs d’Etat ? Est-ce cette jeunesse nourrie et logée aux frais des princes, loin des réalités d’une jeunesse tourmentée et en peine, instrumentalisée par les pouvoirs africains et qui n’a pas toujours le souci de l’intérêt général ? C’est connu : plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes de la jeunesse, certains dirigeants africains n’ont pas souvent joué franc-jeu, utilisant une frange de la jeunesse pour endormir les consciences.

Rien à comparer avec la jeunesse occidentale qui sait défendre ses droits et n’est prête à reculer devant rien quand elle est consciente d’être dans son bon droit. La jeunesse africaine doit savoir mesurer les enjeux, avoir le sens de l’intérêt général, ne pas se laisser prendre au piège des dirigeants.

Tout comme il appartient à l’élite africaine de se méfier de l’appel de la France. Les récentes émeutes dans les banlieues françaises n’ont-elles pas mis en lumière les difficultés d’intégration des jeunes originaires du Maghreb et d’Afrique noire et leur ras-le-bol de ne pas être traités sur le même pied d’égalité que les nationaux, bien qu’ayant les mêmes qualifications ?

Quoi qu’on dise, les déboires actuels de l’Afrique sont plus de la responsabilité des dirigeants africains que de ceux de la France, les premiers n’ayant jamais cessé de se montrer complaisants vis-à-vis de la métropole par souci de préservation de leur fauteuil. Ils n’ont pas jamais voulu assainir courageusement leurs rapports avec l’ancienne métropole.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 13 décembre 2005 à 13:42 En réponse à : > Nouvelles lois sur l’immigration : un piège sans fin pour l’Afrique

    Dommage que votre article soit aussi superficielle que le sujet et la reunion de Bamako. C’est pas en faisant ce genre de journalisme que l’Afrique s’en sortira. Ce que l’Afrique a besoin aujourd’hui plus qu’hier sont des gens engagés à mener à bien sa liberation. Pas des gens à faire des constats aussi complaisant que le votre.
    A propos de la fuite des cerveaux, je pense que le soulever de la manière dont vous le faites ne constitue que ce qui a déjà été constaté de la part de certains diplomés africains, à la recherche de subsides pour arrondir leurs fin du mois. Mr le journaliste, je vous promets qu’il y a une classe d’africain aujourd’hui qui agi loin de vos forum et qui vont bientt libérer l’Afrique de votre égoisme.
    Merci

    • Le 20 décembre 2005 à 18:38, par mom En réponse à : > Nouvelles lois sur l’immigration : un piège sans fin pour l’Afrique

      Je suis tout à fait de votre avis, je vis en France depuis 10 ans.

      Je me pose également la question sur cette immigration choisie.
      qui peut etre une fuite des cerveaux effectivement.
      Mais c’est à l’intelligencia Africaine de rester vigilant et de toujours avoir à l’esprit le rôle et le devoir que tout un chacun doit jouer sur le contienent.

      Malgré le ras de bol des jeunes de banlieues, certaines entreprises ne selectionnent que sur les compétences réelles des candidats (même si elles ne sont pas majoritaires). Par contre, c’est l’état français à travers ces prefectures qui empêchent les étudiants de changer facilement de status pour pouvoir travailler...d’où ma mefiance...

  • Le 27 décembre 2005 à 14:12 En réponse à : > Nouvelles lois sur l’immigration : un piège sans fin pour l’Afrique

    Bonjour,

    Je suis assez d’accord avec vous sur l’analyse que vous faites de la fuite des cerveaux. Même si ce constat n’est pas nouveau. En fait il me semble qu’il nous revient plus à nous de donner envie à nos "cerveaux" de rester au pays qu’à la France de voter des lois les en dissuadant. Après tout, la France roule avant pour elle, et il y a longtemps qu’on a compris qu’il faut se prendre en main.

    Concernant les emeutes des banlieues françaises, je m’inscris par contre en faux. Tout le monde (y compris en France où j’ai de nombreux amis), cherche à faire croire qu’il s’agit d’un problème d’intégration "ethnique". Il s’agit bien d’intégration, mais certainement pas ethnique. Plutôt sociale. Quand le premier des patrons français (celui de l’Oréal) gagne 23 millions d’Euros par an (soit 1milliard 500 millions de CFA) soit 2000 (oui, deux mille !) années de travail d’un banlieusard qui a la chance de travailler, on comprend mieux ce ras le bol des banlieues. Et qu’on y soit black, blanc ou beur, le problème est le même. De grâce, n’alimentez pas ceux qui prédisent l’échec de l’"intégration à la fançaise". C’est encore celui qui marche le mieux.

    Bien amicalement

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