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CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

Publié le mercredi 18 mai 2022 à 22h15min

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CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

Que fait la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest par rapport au Mali ? Les chefs d’État se réunissaient très souvent sur le Mali et depuis fin mars, c’est le silence. On a entendu parler de la CEDEAO concernant les coups d’État de Guinée et du Burkina Faso où elle demandait un chronogramme précis de la transition à ces pays.

Mais sur la situation du Mali, la CEDEAO semble être en pause, sinon en panne. Personne ne sait pourquoi le dossier n’évolue pas, plus de quatre mois après les lourdes sanctions prises en réalité contre le peuple malien et les peuples ouest africains. La junte qui était visée par la CEDEAO se porte même mieux et est en passe de n’avoir plus personne pour lui disputer le pouvoir à Bamako.

Ne faut-il pas lever ses sanctions qui ne touchent pas les personnes ciblées ? Avec le coup d’État du Burkina survenu après celui de la Guinée, les sanctions sont-elles encore dissuasives par rapport au fléau putschiste ? La CEDEAO peut-elle sanctionner le Mali et laisser le Burkina et surtout rester impuissante face à la Guinée sur laquelle elle n’a aucune emprise (pas enclavé, possédant son port, et sa monnaie) ? Avec le temps les sanctions touchent de plus en plus aussi les pays des pères fouettards comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo pour ne citer que ceux-là.

Continuer dans cette voie des sanctions qui sont contre productives ne contribuera-t-elle pas à affaiblir sinon liquider la CEDEAO ? La CEDEAO a-t-elle pris conscience qu’avec la guerre Russie-Ukraine, les compétitions impérialistes sur le continent s’exacerbent ? Faut-il laisser le Mali s’isoler et tomber comme une mangue mûre dans les bras de la Russie, au lieu de préserver l’idéal panafricaniste qui est à la base de la création de la CEDEAO en levant les sanctions ?

Le 9 janvier 2022, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a adopté de lourdes sanctions contre le Mali, parce que la junte au pouvoir ne pouvait pas respecter la date limite de février 2022 pour les élections visant au retour des civils au pouvoir. Ces sanctions se composaient d’un embargo commercial (sauf sur les produits de première nécessité et les hydrocarbures) et sur les transactions financières. Le gros des sanctions porte sur le gel des comptes du Mali auprès de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest qui coupe le Mali du reste du monde en lui enlevant la passerelle financière par laquelle il agissait.

La Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a le 24 mars 2022 ordonné la suspension des sanctions de cette institution, mais ni l’UEMOA, ni la CEDEAO n’ont réagi à cette décision. Pourquoi une absence soudaine de proactivité de la CEDEAO alors qu’elle était à la manœuvre toute affaire cessante pour les sanctions ?

Les peuples ouest africains souffrent assez des sanctions du Mali, il est urgent de les lever car elles se sont avérées inopérantes et ne ciblent pas le pouvoir. Du reste le Sénégal est aussi touché par la baisse des recettes douanières enregistrée par ces sanctions. Il semble que le Sénégal ne respecterait pas l’embargo selon certaines informations.

Si la politique des sanctions est maintenue, le Burkina serait le prochain et les ports de Lomé, d’Accra et d’Abidjan devraient aussi connaître des baisses de recettes. Si le Mali est toujours debout, c’est dû à la forte capacité de résilience du peuple malien qui a appris à vivre et à se battre sans compter sur l’État, depuis la dictature de Moussa Traoré. Et le Mali est un don du fleuve Niger (avantage naturel) qui coule toute l’année et arrose le pays sur des milliers de kilomètres.

Les maliens font de la culture irriguée avec les eaux du Niger et le potentiel de terres aménageables pour l’irrigation peut nourrir toute l’Afrique de l’Ouest. Au Mali l’État peut ne pas payer les fonctionnaires, les Maliens vivront, mais au Burkina le pouvoir qui va l’essayer sait ce qui l’attend. Est-ce raisonnable que la CEDEAO impose de telles souffrances aux peuples ? Le pire est que la solution adoptée par la CEDEAO n’empêche pas le mal de s’étendre. Ne serait-il pas temps de réfléchir vraiment à la situation de nos pays confrontés au terrorisme ?

L’existence de la CEDEAO est menacée

Nous sommes tous d’accord que les militaires ne devraient pas abandonner le front de la lutte contre les groupes terroristes pour prendre le pouvoir et empêcher les peuples de choisir librement leurs dirigeants. Si le métier des armes ne leur convient plus, qu’ils laissent les armes du peuple et le treillis pour se lancer dans la bataille électorale à armes égales avec les civils. Cette vérité doit-on l’imposer à n’importe quel prix ? Si les régimes issus d’élections tombent si facilement dans une indifférence générale, la CEDEAO ne devrait-elle pas penser à l’essentiel, la préservation de l’institution ?

La démocratie peut-elle s’imposer par la force et l’embargo alors que les terroristes et les crises économique, sanitaire, humanitaire se sont emparées des pays de la CEDEAO ? Le plus important est de préserver les pays, leur intégrité et par conséquent la CEDEAO et non les élections.

Le Mali est dans une posture de fuite en avant, il faudrait rassurer la junte au pouvoir à Bamako qui vient de se retirer du G5-Sahel, de ne pas faire un autre saut dans l’inconnu en quittant l’UEMOA et la CEDEAO. Si le pays le fait, il serait d’autant plus fragile qu’il se trouverait face à un seul partenaire qui lui dicterait ses conditions. La CEDEAO devrait tout faire pour éviter cela au peuple malien et à l’Afrique de l’Ouest. Ce serait une régression de l’idéal panafricaniste dont notre région est la championne. Essayons de préserver un peu de la mémoire de Kwame N’Krumah et de Modibo Keita.

L’urgence est de rebâtir la CEDEAO car elle est utile aux peuples, pour voyager ne serait-ce que cela déjà. Il faut que les États s’unissent face aux nouveaux défis de la sous-région : le terrorisme et ses conséquences humanitaires et les compétitions impérialistes pour faire main basse sur nos richesses. Si la France a échoué dans nos pays, ce n’est pas une raison pour se jeter dans les bras d’une autre puissance impérialiste russe ou chinoise.

Aucune puissance impérialiste n’aime les peuples, si Poutine était un « petit père des peuples », il ne ferait pas la guerre à l’Ukraine. C’est ne pas se faire confiance que de penser qu’on ne mérite pas l’indépendance et la liberté. Libérons nos pays des groupes terroristes nous-mêmes, c’est ainsi seulement que nous pourrons préserver l’intégrité de nos pays et notre souveraineté. Si c’est les autres (Français, Russes et autres) qui le font nous paierons le prix pour des générations. Nous devons nous organiser pour cette bataille patriotique dans l’union. Laisser le Mali s’isoler inexorablement avec les sanctions, c’est l’affaiblir et le laisser avaler par l’ogre russe.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 19 mai 2022 à 06:23, par Dibi Massa En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Ce n’est surtout pas la CEDEAO qui pourra empêcher le Mali où un autre pays de renforcer ces relations avec qui il veut.
    Ce sujet est vraiment d’actualité quand on observe qu’il y a une mort cérébrale de la CEDEAO suivit d’une agonie cardiaque. C’est comme ça quand on veut faire l’ablation d’une partie importante d’un corps.
    Problème Malien ou Burkinabè ou Guinéen ou pas, la male mort de votre instrument CEDEAO est engagée ensemble avec la sortie du cher pire ennemi des Africains de l’arène africaine se l’ouest.
    OUAGADOUGOU SERA LE TOMBEAU DE L’IMPERIALISME ! Wait and sée.

  • Le 19 mai 2022 à 07:14, par Big En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    CEDEAO est à la solde de la France. Nous les maliens CEDEAO et UEMOA to ou tard nous allons quitter ses structures de la France.

  • Le 19 mai 2022 à 07:24, par hum En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Monsieur je vous invite simplement à relire le préambule du traité instituant la CEDEAO
    C’est sous la Présidence du Mali et à Bamako même que les Chefs d’Etat ont décidé que la dévolution des pouvoirs par coup d’Etat était la cause de l’instabilité politique et donc du sous développement de la région
    Le Mali peut quitter la CEDEAO comme la Mauritanie l’a fait pour rejoindre l’UMA.
    A cause d’un seul Etat membre , vous voulez qu’on saborde ce bel instrument d’intégration ! Non. Il faut renforcer la CEDEAO pour qu’elle soit davantage plus forte dans ses sanctions. Comment peut on être dans une institution sans respecter ses principes fondamentaux. Quand même !

  • Le 19 mai 2022 à 07:41, par SID PAWALEMDÉ En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Pourquoi vous vous faites l’avocat du peuple malien ? Le peuple malien est capable de se débarrasser de ces Colonels et de leur marionnette Choguel. Ce qui est sûr, aucun pays au monde ne peut vivre, ni se développer dans l’autarcie. Pourquoi voulez-vous que la CEDEAO ou L’UEMOA se courbe devant ces Colonels s’ils ont choisi de détruire le Mali par leur cupidité ? Sinon, comment comprendre que vous fassiez 2 coups d’Etat et que vous fommentiez un coup d’État pour procéder à des arrestations. Est ce qu’il y’a coup d’État dans coup d’État ? Où se trouve la légalité ?

  • Le 19 mai 2022 à 08:59, par AMKOULEL En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    @Mr SANA, votre article est interpellateur sur une décision inique infligée au peuple Malien. Je suis tout à fait en accord avec cette dénonciation.
    Par contre, je ne partage pas votre thèse selon laquelle, NOUS DEVRIONS NOUS-MEMES nous battre contre les démons du terrorisme et de l’insécurité dans nos pays, avec l’insidieuse idée de ne pas chasser un impérialiste français et à se jeter dans les bras de l’ogre russe. Nous battre nous-même est implacablement notre destin d’Homme, notre destin de Femme et notre destin de Peuple Souverain. Mais dire cela n’a jamais été incompatible avec une alliance avec une force étrangère d’aussi égale puissance que celle qui est la source de nos malheurs depuis plus de 170 ans, la france. NON et NON.
    1-Les USA dans leur guerre d’indépendance entre 1775 et 1783 ont fait alliance avec une puissance d’aussi égale puissance que leur bourreau la grande bretagne. Est-ce que vous pensez que cela a fait des USA une colonie française ? NON. Est-ce que cela a permis aux patriotes américains avec Georges WASHINGTON en tête de vaincre l’impérialisme anglais et se dresser comme Nation souveraine et libre dans le monde ? OUI.
    2-L’Ethiopie de MENELIK, a vaincu l’impérialisme italien à la bataille d’ADWA, en Mars 1896 dans la vallée du Tigré, avec une alliance militaire stratégique avec la grande bretagne. Est-ce que cela a fait de l’Ethiopie une colonie anglaise ? NON et NON.
    L’Histoire de l’humanité et des peuples est remplie d’exemples de ces 2 cas cités ci-dessus.
    En fait, votre thèse incestueuse tendant à interdire à nos pays de conclure des alliances conscientes, libres, stratégiques avec d’autres forces d’égale puissance que l’impérialisme français, est une posture à encourager l’inertie, l’indifférence, à rester à notre place. Notre place, de dominés, de colonisés et à être le souffre-douleur de cette france prédatrice. Desmond TUTU, bien que l’homme ne soit pas un modèle pour moi et ça n’engage que moi a dit, à peu près ceci : en situation d’injustice, rester indifférent revient à se ranger du côté de l’oppresseur.
    Alors, votre thèse incestueuse revient à vous ranger du côté de l’oppresseur français dans notre cas présent.
    Mais soyez tranquilles cher Mr SANA, l’Afrique va se libérée et ça sera avec ses filles et fils RESOLUEMENT CONSCIENTS de leur destin de peuples Libres et Dignes. Et pour cela, tous les africains ne seront pas utiles et beaucoup mêmes seront un obstacle, comme l’avait bien dit Marcus GARVEY.

  • Le 19 mai 2022 à 09:31, par Beoneré En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Je me demande ce que ces dirigeants corrompus de la CEDEAO gagneraient dans l’enlisement du Mali. Le sinisme m’a pas de limite. Tous les occidentaux sont au chevet de l’Ukraine, alors que toute la CEDEAO travaille à enterrer les maliens vivants.

  • Le 19 mai 2022 à 09:43, par Guire Souleymane Solo En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    La CEDEAO refuse de s’attaquer aux problèmes et s’intéresse aux effets.Sinon pourquoi ne pas s’unir pour combattre d’abord le terrorisme dans ces pays ? Ces chefs d’États font honte à l’Afrique. Pourquoi vraiment cet acharnement contre un état qui lutte pour sa souveraineté ?

  • Le 19 mai 2022 à 12:12, par Vérité Indiscutable En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Merci bien pour la réflexion.
    Mais, mais... Il est TROP FACILE de comparer la coopération actuelle (fût-elle avec la Russie que vous n’aimez pas), avec une coopération centenaire avec la France. La France a établi ses accords il y a des centaines d’années avec des africains à peine scolarisés. Les africains d’aujourd’hui (intellectuels qu’ils sont, intelligents plus que des occidentaux souvent...) ne peuvent en aucun cas établir des coopérations semblables à celles de nos aînés avec la France. Au grand jamais. Si quelqu’un pense ainsi, cela signifie qu’il ne respecte pas sa propre intelligence.
    Ceci étant, le Mali est le Seul qui se tirera d’affaires et les autres emboiteront son pas quand ils verront les résultats indiscutables de progrès et de réussite. Triste de le dire mais c’est impossible que ce ne soit pas ainsi.
    Nous, au Faso, nous ne sommes que de beaux parleurs sans contenu... les maliens agissent, ils ne se contentent pas de parler. C’est une différence abyssale. Voilà pourquoi ils ne font pas d’amitié avec nous qui sommes bipolaires et incertains.
    La CEDEAO n’existe pas. Et elle n’existera jamais jamais tant qu’elle sera un Instrument entre les mains de quelques occidentaux nantis.
    Seules les autorités acquises à la cause de nos populations pourront gouverner nos pays ; qui vivra verra. On a beau essayer de gouverner sans tenir compte des aspirations du Peuple, on finira toujours comme n’importe qui, qui était au pouvoir.
    L’Afrique Libre ou la Mort, par Force, nous Vaincrons !

  • Le 19 mai 2022 à 14:48, par Marie-Edith LEFEBVRE En réponse à : CEDEAO : Il faut lever les sanctions contre le Mali pour sauver les peuples et l’organisation

    Je vous remercie pour cet article. Ici, en France, on parle peu du Faso, et à propos des sanctions de la CEDEAO, les commentaires de notre presse n’ont pas été approfondis. C’est pourquoi je vous ai lu avec intérêt, et il me semble, monsieur Sana, que vous posez les bonnes questions. Vous m’avez éclairée, et je vais pouvoir aller plus loin. Merci donc.

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