Faisons connaissance avec ce grand africain qui est le premier de notre continent à être élu à la tête de l’OMS, lors d’un scrutin épique à trois tours en 2017 et qui a passé sans coup férir le test du second mandat.

Cette victoire de 2017 ne lui apporta pas que des amis, certains contestèrent sa compétence parce qu’il serait le premier directeur général de l’OMS à ne pas être médecin.

Il n’est pas médecin certes, mais Dr Tedros A. Ghebreyesus a obtenu son doctorat (PhD) en santé communautaire à l’université de Nottingham sur les « effets des barrages sur la transmission du paludisme dans la région du Tigré [nord de l’Éthiopie] et [aux] mesures de contrôle appropriées ». Après avoir obtenu un master (MSc) en immunologie des maladies infectieuses à l’université de Londres.

Né à Asmara il a débuté ses études supérieures chez lui et a obtenu une licence en biologie à l’université de sa ville natale. Si l’Ethiopien a battu ses concurrents en 2017 lors de l’élection au poste de directeur général de l’OMS, c’est dû à son travail de chercheur sur le paludisme et aux réformes qu’il a effectuées en tant que ministre de la santé en Éthiopie. Ce n’est pas grâce à Bill Gates ou à la Chine que le premier Africain a été choisi, mais à ce qu’il a fait comme ministre de la santé de 2005 à 2012 en luttant contre le sida, en créant 3 500 centres et 16 000 postes de santé et en formant 38 000 agents de vulgarisation sanitaire dans toute l’Éthiopie.

Il doit son élection à la politique de l’Union africaine de soutien à une candidature unique africaine. Et surtout sa vision pour la santé caractérisée par le refus d’accepter que les gens meurent parce qu’ils sont pauvres. On peut la retrouver sur le site de l’OMS : « Notre vision n’est pas la santé pour certains. Ni la santé pour la plupart. C’est la santé pour tous : riches et pauvres, valides et handicapés, âgés et jeunes, urbains et ruraux, ressortissants nationaux et réfugiés. Pour tous et partout ».

Les contempteurs du Dr Tedros A Ghebreyesus ont convoqué son passé de militant du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) durant sa jeunesse pour le désigner comme terroriste. Le FLPT était une organisation marxiste-léniniste proche de la Chine durant la guerre contre le régime dictatorial et sanguinaire de Mengistu. Mais arrivé au pouvoir il a abandonné toute référence à cette idéologie.

Il crie dans ce désert d’humanisme

Mais toute cette propagande et cette haine ne vont pas l’empêcher de faire son travail et d’admonester ceux qui ne font pas bien le leur, à commencer par les dirigeants de son propre pays. C’est pourquoi, depuis le début de l’année 2022, il a, avec l’OMS, sermonné son pays pour l’enfer que vivent les populations du Tigré en disant qu’il est « épouvantable et inimaginable à notre époque, au XXIe siècle, qu’un gouvernement refuse à son propre peuple, depuis plus d’un an, l’accès à la nourriture, aux médicaments et à tout ce qu’il faut pour survivre ».

Et il poursuit : « Ce qui arrive en Éthiopie est tragique, les gens sont brûlés vifs à cause de leur ethnie, rien d’autre, et je ne suis pas sûr que cela ait été pris au sérieux par les médias … Il nous faut un équilibre. Nous devons prendre chaque vie au sérieux parce que chaque vie est précieuse ». Ce qui a provoqué l’ire du gouvernement éthiopien qui l’accuse de forfaiture et de financer le FLPT.

Malgré tout le Dr Tedros poursuit sa croisade pour dire leur fait aux puissants du monde en leur faisant remarquer que le monde n’accorde pas le même degré d’attention à la vie des Noirs et à celles des Blancs comme la guerre de l’Ukraine nous l’a montré avec l’accueil réservé à ces réfugiés « bon teint ». Il n’a pas caché sa peine de voir ce qu’est notre monde d’aujourd’hui : « le monde ne traite pas la race humaine de la même façon. Certains sont plus égaux que d’autres »

Il n’est pas donné à tout le monde et à un si haut niveau de responsabilité de s’attacher et de lier son sort à celui des damnés de la terre. Le Dr Tedros A. Ghebreyesus est la voix des sans voix. Il crie dans ce désert d’humanisme depuis Genève, quoi qu’il lui en coûte.

Sana Guy
Lefaso.net