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Les leçons d’un scrutin

Publié le jeudi 1er décembre 2005 à 07h41min

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Le 13 novembre est désormais derrière nous. Plébiscité par plus de 80% des votants, Blaise Compaoré s’est vu conforté en légitimité par un scrutin qui a mobilisé 57,5% de l électorat. C’est à notre connaissance depuis 1978 le plus fort taux de participation aux élections nationales après les législatives de 2002.

C’était un pari ouvert que le futur occupant du palais de Kosyam s’est employé à gagner. Blaise Compaoré croit en effet à son destin historique, malgré les aléas de son parcours politique. Les affaires, il en a connues et particulièrement les crimes de sang qu’il traîne depuis près de vingt ans dont les plus emblématiques ont pour noms Thomas Sankara, Oumarou Clément Ouédraogo, Norbert Zongo.

L’homme s’était aussi taillé une solide réputation de déstabilisateur et de prébendier à la faveur des conflits libérien, sierra-léonais, angolais et ivoirien. La plus grande des batailles pour le candidat Blaise Compaoré était donc de toute évidence celle de l’image. Avec une ruse de sioux, Blaise Compaoré s’est employé avec méthode à retourner la situation en sa faveur.

Les 21 jours de campagne ont donc été pour lui l’occasion de jauger les résultats de ce travail de communication de masse, une promenade de santé au milieu de populations en liesse accourues pour voir Blaise l’idole, le gagneur. Pour réussir un tel résultat, il a fallu certes déployer des moyens colossaux, matériels, financiers et humains, mais c’est avant tout le fait d’une organisation omni présente et efficiente et d’un engagement total de cadres politiques décidés à assurer la victoire de leur candidat.

Quand on a vu un Simon Compaoré en personne mouiller le maillot perché sur un véhicule de propagande et diffusant lui-même des messages à travers les yaars et les quartiers de la capitale, on peut alors comprendre la soif de vaincre qui a sous-tendu la détermination des hommes du pouvoir. C’est tout ça qui explique le raz-de-marée du candidat Blaise Compaoré.

Maintenant que le scrutin est derrière nous, chacun doit se regarder en face, l’opposition en particulier. Elle vient de subir une défaite cuisante et sans appel en raison essentiellement de son manque de vision et d’organisation. Même le regroupement qui paraissait le plus solide, Alternance 2005, a démontré que rien de sérieux ne liait ses différentes composantes.

Des ambitions personnelles ont nourri des stratégies secrètes en son sein qui se sont révélées désastreuses pour le groupe en général et pour l’image de chaque leader en particulier. Nombre d’observateurs attendaient beaucoup de ce regroupement, non pas qu’il fut capable de renverser Blaise, mais au moins qu’il sauve l’honneur en faisant notamment un score qui puisse amener le candidat du méga parti à douter de lui.

Au lieu de cela, les calculs personnels et égoïstes tenant à des considérations de positionnement sur l’échiquier politique national ont prévalu, au détriment d’une stratégie d’ensemble tournée sur l’avenir. Chacun se retrouve donc face à lui et aux conséquences de ce qu’il a semé. Un douloureux échec devant un adversaire pourtant aux multiples faiblesses.

Mais la politique étant l’accompagnement nécessaire de la vie, chacun doit à présent se débrouiller avec ce qu’il a récolté. Dans ce sens, même maigre, la moisson n’en est pas moins riche d’enseignements. Chaque acteur politique sait désormais où se trouve sa place et de quel poids électoral il pèse. Même les partisans du boycott toutes mouvances confondues ont assurément de quoi se situer. Le changement démocratique se fera avec l’adhésion du peuple ou ne se fera pas. On ne s’inscrit pas dans un processus à la seule condition de gagner.

C’est un jeu où la dimension de la défaite participe de la règle du jeu. Et l’histoire démontre chaque jour que les règles du jeu elles-mêmes s’inscrivent dans un processus historique où les rapports de force politiques dictent leur loi. L’opposition se trouve donc face à une double tâche : engager sa reconstruction en tirant les leçons de ses défaites successives et se battre pour des règles du jeu toujours plus démocratiques.

En ce qui concerne les vainqueurs du jour, ils doivent comprendre qu’il n’y a de victoire réelle que pour le pays, et tout le monde attend de voir ce qu’ils entendent faire de leur victoire. Sur ce plan, ce qui importe, c’est moins les promesses électorales mirobolantes que la mise en œuvre d’indispensables garde-fous afin d’éviter le dévoiement du système déjà tenté par l’ivresse du succès

Par Germain Bitiou NAMA
L’Evénement

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