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Entrepreneuriat féminin au Burkina : Assétou Traoré/Lingani, la cheffe étoilée autodidacte au parcours hors pair

Publié le samedi 26 mars 2022 à 22h45min

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Entrepreneuriat féminin au Burkina : Assétou Traoré/Lingani, la cheffe étoilée autodidacte au parcours hors pair

Créer, inventer et innover dans la cuisine, c’est ce qui la rend heureuse. Pour ne pas dire que c’est cela sa plus grande preuve d’amour et de satisfaction. Assétou Traoré/Lingani est une passionnée de cuisine. Une autodidacte au parcours hors pair qui a été primée 36 fois pour ses créations et ses innovations dans la transformation des mets locaux précuits. C’est une femme exceptionnelle qui ne recule devant rien. Également formatrice dans le domaine, elle est aussi la promotrice de l’entreprise « Tout Super », spécialisée dans les mets locaux précuits. Portrait d’une femme dont le parcours inspire plus d’une.

« Qui travaille au soleil mange à l’ombre » et Assétou Traoré/Lingani l’a très vite compris. Fille aînée d’une modeste restauratrice et d’un ancien combattant, Assétou Traoré a appris très vite à être autonome financièrement. Très tôt, la jeune fera ses adieux à l’école, en classe de CM2. Mais celle qui avait la cuisine dans le sang comme sa tendre mère, ne tardera pas à s’y lancer. Et comme on aime à le dire, « l’élève dépassera le maître ».

De fille d’une modeste restauratrice du quartier, elle est devenue à son tour une cheffe de renommée internationale. Plusieurs fois primée aux plans national et international pour ses mets locaux très innovants, la fille du Boulgou a vu ses plats être goûtés par des personnalités et pas n’importe lesquelles. De feu Amadou Toumani Touré (ATT), ancien président du Mali, en passant par l’ex président du Faso et son épouse, Blaise et Chantal Compaoré, Luc Adolphe Tiao et autres, tous ont goûté aux belles et succulentes recettes de dame Assétou.

Entre la restauration et dame Traoré, ce n’est pas qu’un simple métier, c’est toute sa vie. Elle ne jure que par la cuisine et sa créativité n’a pas de limite. Il suffit seulement que ce qu’elle crée plaise à ses clients, cela la galvanise et elle laisse libre cours à son imagination.

Mais derrière ce glorieux parcours qui donne envie, il y a eu des expériences heureuses comme malheureuses. Des expériences qui ne sont pas toujours intéressantes à se rappeler, comme d’ailleurs dans tout parcours humain.

De vendeuse de bouillie à « cheffe étoilée » d’entreprise

D’une simple vendeuse de bouillie qui a arrêté ses études en classe de CM2, elle est aujourd’hui une « cheffe étoilée » et une formatrice de renom dans son domaine. « Dans mes innovations, j’ai eu 36 prix, six trophées et deux décorations », se souvient-elle avec une certaine fierté. En sus de ces récompenses, elle dit également avoir bénéficié de plusieurs autres avantages dans le métier.

« Cette activité m’a fait beaucoup voyager dans la sous-région. Je ne vois pas un pays que je ne connais pas. Je n’ai pas fait de longues études, mais cette activité m’a envoyé partout, jusqu’en France. Il y a moins de pays que je ne connais pas, puisque je suis aussi formatrice. J’ai formé pas mal de femmes dans la sous-région », raconte la « cheffe étoilée ». Comme quoi, l’école n’est pas la seule voie de réussite. Autrement dit, on peut aussi être autodidacte et réussir sa vie. Il suffit de savoir très tôt la possibilité qu’on a, quand on prend son destin en main.

Pour la petite histoire, Assétou Lingani dit s’être d’abord lancée dans la vente de la bouillie de petit mil avec une somme de 1250 fcfa en 1987. Avec son esprit créatif, elle décide de passer de simple bouillie a bouillie avec des grumeaux qui était bien appréciée des clients. Mais comme on le dit, le malheur n’est jamais trop loin. Dans la foulée, son époux perdit son travail et c’est avec le commerce de la bouillie qu’il fallait s’occuper de la famille, dit-elle. Et la situation ne cessait d’empirer à l’époque, se rappelle-t-elle. Mais dame Traoré semble avoir beaucoup de qualités. Au-delà d’être très créative dans la cuisine, elle ne manque pas aussi d’imagination dans la vie de tous les jours.

Pour permettre à sa famille de survivre, la mère de famille, selon ses dires, avait choisi de nouer quelques fois le bout de son pagne afin de faire semblant de demander de la monnaie a ses voisines, pourtant en réalité, elle n’avait rien. Lorsque celles-ci lui répondaient qu’elles n’avaient pas de monnaies, elle en profitait pour leur demander 1000 francs. Et une fois qu’elle a l’argent, elle retournait chez elle pour les partager avec son époux et ses enfants, avant de rentrer en ville pour mener des activités journalières et à la descente, elle passait remettre les 1000 francs qu’elle avait pris, confie-t-elle. Une astuce que la mère de famille dit avoir utilisée pendant un certain temps pour sauver sa famille.

Passé cette période difficile, l’entrepreneure dit avoir aussi rencontré beaucoup de difficultés, lorsqu’elle a commencé à participer aux foires dans les pays de la sous-région afin de se faire connaître dans son domaine. « Lors de mon premier voyage à Dakar, notre car est tombé en panne en route, alors que la foire avait déjà commencé et comment j’allais faire pour arriver à temps sachant que j’ai pris un crédit mensuel à la banque. J’ai donc décidé de marcher pour rejoindre Bamako qui était à 15 kilomètres de là oùon était tombé en panne. Mais n’ayant rien mis sous la langue, je ne pouvais pas tenir et j’étais obligé de boire mon urine pour pouvoir atteindre la ville.

De là, j’ai pu avoir un véhicule pour aller transporter mes produits jusqu’à Dakar où j’ai pu tout vendre pour rembourser les prêts de la banque », raconte –t-elle avec beaucoup d’émotions. Comme si cela ne suffisait pas, en 2015, elle retente l’expérience de Dakar, mais cette fois-ci, ça sera un grand cauchemar pour la femme battante. « Quand nous sommes arrivées à Dakar, nous avonsétéinstallées au grand marché où se tenait la foire. Et quelques joursaprès seulement, le marché a pris feu et nous avons tout perdu », regrette-t-elle. Mais le plus important, selon elle, c’est qu’elle s’en est sortie indemne avec ses enfants qui l’accompagnaient à cette foire. Autant de mauvaises expériences vécues qui auraient pu l’obliger à tout abandonner.

Mais la femme hors pair et courageuse comme l’ont surnommée ses clients et ses enfants n’a jamais abandonné. Elle dit être restée déterminée, tout en continuant à se battre pour un avenir meilleur. Vu que ses produits étaient beaucoup appréciés à l’extérieur, Assétou Traoré a donc décidé de créer sa propre entreprise « Tout super » en 2007. Une entreprise spécialisée dans la préparation des mets locaux précuits vendus dans plusieurs pays à l’extérieur où elle a des représentants.

Une femme aux multiples casquettes

Assétou Traoré n’est pas seulement une excellente cuisinière, formatrice et cheffe d’entreprise, elle est aussi une bonne épouse et mère de famille. Elle fait aujourd’hui la fierté de ses enfants et son époux qui lui a même décerné une lettre de reconnaissance pour tout ce qu’elle a fait pour la famille. Tous l’admirent pour sa bravoure et sa détermination. Selon eux, elle est un modèle qui doit inspirer beaucoup de femmes. Pour son fils et sa fille, Kalifa et Kourotimi Traoré, c’est une femme hors pair, une battante exceptionnelle et infatigable.

« Et même aujourd’hui, malgré le poids de l’âge, on ne peut travailler comme elle. Parce qu’elle ne sait pas dire qu’elle est fatiguée tant que le travail n’est pas fini. Son seul frein, c’est la maladie », témoignent-ils les larmes aux yeux. Et le fils d’ajouter que le modèle de femme comme sa mère ne se rencontre plus de nos jours, sinon, il aurait souhaité rencontrer une femme pareille. Les qualités de dame Traore parlent d’elles-mêmes au-delà de son cocon familial.

Pour la voisine, Odile Badolo, la trentaine dépassée, qui dit la connaître depuis son enfance, elle dit ne pas savoir quelle description faire et qui conviendrait à celle qu’elle appelle affectueusement « Maman ». « Même étant jeune, je ne peux pas faire ce qu’elle fait. Elle est la première à se lever et la dernière à se coucher dans ce quartier. Et le côté humain, on n’en parle pas. Elle est très généreuse. J’ai perdu ma mère très tôt, mais ce qu’elle a fait pour moi, même ma propre famille ne l’a pas fait. De la nourriture, j’en ai eue, sans compter les habits qu’elle payait pour moi », raconte-t-elle tout émue.

L’une de ses représentantes résidentes au Canada, Mariam Zongo que nous avons pu joindre au téléphone, elle aussi affirme le manque de mots pour décrire cette maman. Pour celle qui dit l’avoir rencontrée depuis 2015 à Dakar, c’est une femme honnête et dynamique qui aime son travail et aime aussi le monde qui l’entoure.

Et pour conforter ses dires, la représentante au Canada a fait savoir que lorsqu’elle commande les produits, c’est elle et son mari qui font tout pour les lui transférer sans aucun frais. « Si ce n’est pas eux, qui peut faire ça de nos jours ? », questionne-t-elle, avant de lui prodiguer toutes les bénédictionspour sa vie. Assétou Traoré inspire même, jusqu’à ses petits-enfants. Filles comme garçons, ils disent être tous prêts à prendre le relais, comme sa petite fille, Zenabou Dabré, âgée seulement de 12 ans.

Yvette Zongo
Lefaso.net

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