Analyse des votes : Pourquoi certains ont voté blanc ou nul ?
Le scrutin présidentiel du 13 novembre passé a connu un nombre non négligeable de votes nuls ou blancs. Avec 2 288 257 votants, on enregistre 202 387 bulletins nuls et blancs confondus, soit 8,84%. Cela nécessite que nous nous interrogions sur le pourquoi de tels gestes et quel impact politique, ils peuvent engendrer.
Et les abstentionnistes, quel sentiment justifie leur indifférence à la gestion de la chose publique ? Pour une culture citoyenne, ces différentes attitudes ont besoin d’être expliquées afin que le geste électoraliste soit plus responsable et non la conséquence d’une sorte d’humeur.
Chercher à connaître la motivation et la spécificité de l’abstention, du vote blanc et nul est important non seulement pour les politiques mais aussi pour la population en général. Ce qui importe s’est de penser dès maintenant à comment remédier à cet état de fait qui n’exprime pas clairement un choix et peut par conséquent entacher la crédibilité du jeu démocratique dans un pays.
Le point commun
A vrai dire, entre le vote blanc et nul d’une part et l’abstention d’autre part, il existe d’abord un point commun, celui d’avoir été exprimé par des électeurs dûment inscrits sur la liste.
Cela s’explique car dans le vote blanc et nul, l’électeur est inscrit sur les listes électorales et a effectivement pris part au vote. Les abstentionnistes, eux, ne vont pas voter. Ceux qui décident de voter blanc ne sont pas des abstentionnistes mais n’acceptent pas de choisir entre les candidats présents. Alors ils glissent dans l’urne un bulletin vierge qui est la marque du vote blanc.
Seulement, le code électoral ne distinguant pas le vote blanc du vote nul, on parle de vote "blanc et nul" ou tout simplement de vote nul. Toutefois la différence est perceptible entre le vote blanc et le vote nul. En effet, si le vote nul signifie que l’électeur a été maladroit dans son choix, ce n’est pas le cas du vote blanc ou l’électeur manifeste son attachement à l’élection tout en refusant de soutenir tel ou tel candidat.
Nous pouvons dire là-dessus que c’est une démarche qui traduit une conscience politique aiguë et la volonté de contester une offre politique sans remettre en cause la procédure électorale et le vote démocratique.
Les facteurs qui influent sur ce type de choix
La sociologie électorale connaît peu de chose sur cet acte électoral. Cependant, le vote nul par maladresse, comme expression d’une forme d’incompétence politique, renvoie à un certain statut social caractérisé par l’ignorance et la faiblesse économique apanage des couches populaires. Par contre le vote blanc évoque un électorat sophistiqué, cultivé et très informé qui pose un acte de protestation civique. Nous pouvons penser que c’est un vote hostile aux candidats mais favorable à l’élection.
Pour le cas du Burkina Faso, ceux qui ont voté blanc peuvent être considérés comme des protestataires. On peut les compter parmi les déçus du système ou ceux qui, dans leur analyse trouvent que la politique du régime sortant les asservi.
Mais malheureusement on constate du même coup que les différents partis politiques adverses défendent plus un thème de campagne tapageuse, démagogique et aventuriste plutôt qu’un programme de gouvernement cohérent, responsable et porteur d’espoir. Face à un tel imbroglio de discours creux le vote blanc paraît à leurs yeux patriotique. Pour les purs abstentionnistes, ils contestent l’ordre démocratique. Mais cette abstention est difficilement inférieure à 10% tant que le vote n’est pas obligatoire.
Au-delà de ce pourcentage, il s’agit d’une abstention alternative.
C’est un électorat dont la mobilité oscille davantage entre participation et abstention, qu’entre un camp politique et un autre. Là encore on peut avoir deux catégories :
– une, au profil proche de celui de l’ensemble du corps électoral, avec selon la conjoncture politique, une sur-représentation de l’électorat du parti au pouvoir ;
– l’autre qui rassemble les personnes informées, intéressées par la politique et qui mènent une abstention stratégique, élitiste.
Quelle que soit l’attitude adoptée (l’abstention ou le vote blanc), il faut reconnaître qu’il est difficile pour ces derniers de faire entendre clairement leurs voix. Ils ont accompli certes, un "devoir de citoyen" mais inachevé. Cela interpelle la classe politique burkinabè toutes tendances confondues à ne pas prendre l’arène politique pour une scène en clair obscur où ils peuvent étaler dans l’anonymat des urnes leur absence de conscience citoyenne. A coup sûr, l’abstention et le vote blanc seront alors minimisés.
Théodore ZOUNGRANA
L’Hebdo