LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Les « Fanico » de Fada N’Gourma : Survivre en blanchissant des vêtements

Publié le samedi 26 novembre 2005 à 08h33min

PARTAGER :                          

Lorsqu’une activité généralement exercée par les femmes suscite l’adhésion des hommes, cela mérite la curiosité. C’est ce que des jeunes Maliens et Burkinabè ont trouvé à faire aux abords du barrage « Pendjab » de Fada N’Gourma, localité située à 220 km de Ouagadougou.

Là, ils blanchissent des effets vestimentaires moyennant un prix. Nous les avons rencontré un matin d’un dimanche de campagne électorale le 23 octobre 2005.

Aux abords du barrage Pendjab de Fada N’Gourma, des jeunes, aux musculatures saillantes blanchissent des vêtements. Assis, dos au barrage, 4 à 5 jeunes alternent brosse faite de débris de vieux sacs et l’eau du barrage pour rendre propre chemises, pantalons, draps, sacs, etc. L’odeur piquante du savon local, le « Kabakourou » (caillou en langue nationale Bambara) embaume l’air. Les coups de brosse et l’éclaboussure des jets d’eau dénotent de l’intensité de l’activité. Le contraste est saisissant entre l’étendue du barrage et ce groupe cantonné au côté Est du Pendjab. Chaque laveur a, posé devant lui des tas de vêtements.

La brosse moussée avec le savon fait la navette sur l’habit en train d’être blanchi. Des boîtes de tomate servent de récipients pour puiser l’eau du barrage en vue de rincer les vêtements. A quelques mètres, sont déposés des tas de vêtement attachés en colis avec un sac. Ces tas attendent de passer sous « le rouleau compresseur » des jeunes « Fanico ».

Un jeune « Fanico » est un blanchisseur qui lave les vêtements moyennant un prix. « Fanico » littéralement en Bambara signifie « laver des habits ».

Sans craindre l’impact du savon sur leur peau ni la chaleur du soleil, encore moins l’eau qui mouille pratiquement leur corps, jeunes Maliens et Burkinabè cherchent leur pain quotidien en lavant des vêtements.

Seydou Saligda semble être « le boss du coin ». Pas « boss » en tant que mieux nanti ou patron des autres. Mais, « boss » parce qu’il est le plus ancien à fréquenter les abords du barrage pour y exercer cette activité. Les autres jeunes avant de s’exprimer exigent que Saligda s’exprime d’abord. « Il faut que notre officier parle avant que nous nous exprimions.

C’est lui notre kôrô » lance un jeune en pointant du doigt le jeune Saligda descendant la rive du barrage. Le jeune Saligda feint de l’entendre. Il taquine une jeune fille qui lave ses vêtements non loin de son espace. Elle ne répond pas. En lieu et place, elle sourit. Saligda prend alors des draps qu’il pend à son épaule. C’est l’exercice utile, son échauffement pour lui, avant de passer au lavage proprement dit.

Cet exercice lui permet de bien inspecter le drap afin d’y voir s’il n’est pas troué. Dans une moindre mesure, il prend en même temps le dégré de saleté du drap. Et c’est ainsi pour tous les vêtements qu’il doit laver.

Un travail colossal pour une modique paie

Après l’inspection vient le blanchiment. Le vêtement est posé sur un grand sachet noir étalé à même le sol. La brosse savonnée fait le reste. Le mouvement de lavage est généralement vertical par

rapport au blanchisseur. Selon Saligda, 2 ans d’expérience, cet exercice facilite la propreté de l’habit. En retour, les jeunes blanchisseurs sont rémunérés à des sommes modiques. La chemise lavée coûte 25 F CFA, le pantalon tissu 25 F CFA, le pantalon Jeans 50 F ainsi que le drap. Amadou Kassambara tout en puisant de l’eau pour rincer un pantalon ne reste pas indifférent. « Il est difficile d’avoir 1000 F CFA à la fin de la journée. Mais comment allons-nous faire si ce n’est ce travail du fait qu’il n’y a plus de boulot » lance-t-il en faisant des gestes de désolation avec ses bras. Kassambara dit « être venu de son Mali natal pour chercher de l’argent au Faso ». Son visage se détend sur cette affirmation par un sourire. Il conclut « je suis un aventurier ». Et le Pendjab qui signifie « la colline qui aide » en Gourmantchéma semble être une aide aux 6 jeunes maliens et 3 Burkinabè qui y lavent les vêtements. Dramane Sangaré, l’un des jeunes maliens est conscient des obstacles à surmonter pour avoir ne serait-ce que 750 FCFA par jour.

« Chaque matin, nous passons chez nos clients à domicile pour prendre les colis de vêtements à laver. Souvent, certains nous appellent dans la rue pour nous confier le boulot, d’autres clients viennent directement au bord du barrage nous remettre leurs effets vestimentaires », explique Sangaré.

Alors que les autres sont très occupés au brossage des habits, Sangaré égrène un chapelet de difficultés rencontrées depuis qu’il a quitté les bords du Djoliba au Mali pour ceux du barrage « Pendjab ». « J’achète chaque jour au minimum 5 savons « kabakourou » à raison de 150 FCFA l’unité. Ce matin (NDLR : dimanche 23 octobre 2005) je suis à mon troisième savon alors qu’il n’est même pas encore 11 h, affirme le jeune homme ».

Il prend sa grosse boite de tomate pour puiser l’eau. Brusquement, il se braque dans son mouvement. Il dépose la boîte, remue sa tête. Des gouttes de sueur perlent sur son visage. « Avec ça, nous devons payer le loyer à 5 000 F, la nourriture quotidienne à 500 F au minimum », lâche le jeune homme. Avant de reprendre sa boîte, il lance « c’est caillou comme le savon kabakourou ». Comparaison qui fait pouffer de rire ses collègues.

Mahamoudou Diallo pour atténuer les propos de son ami s’invite aux échanges. « Nous ne faisons pas de bénéfice mais nous préférons cette activité au vol » explique-t-il au moment où deux jeunes garçons viennent donner des habits à laver. Ce métier qu’on penserait réservé aux femmes intéresse les hommes. Et Dramane Sangaré a sa petite idée sur cet aspect du boulot. « Les femmes débutent le boulot mais baissent les bras par la suite.

Peut-être que le travail est un peu dur pour elles ». Alors qu’un vent dominical, doux et léger, balaie la surface du barrage, certains blanchisseurs prennent un bain. Pendant ce temps, les vêtements blanchis sont étalés sur les herbes bordant le barrage. Les vêtements déjà secs sont emballés dans des sacs et posés sur une charrette pour livraison. Ainsi se déroule le train-train quotidien des jeunes blanchisseurs animés de l’instinct de lutte pour la survie.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2005 à 09:28 En réponse à : > Les « Fanico » de Fada N’Gourma : Survivre en blanchissant des vêtements

    c’est ca le quotidien de plus de 80,3% de Burkinabé,travailler pour survivre..Quel sens faut il donner à l’expression "je prefère faire ce travail que voler" qu’on entend à longueur de journée ?? C’est un signal fort,ca veut dire ’voler paie plus mais je prefère rester honnête"..jusquà quand ? jusqu’à quand peut on rester honnête dans la misère ? Blaise lit il des articles pareils ? Comment un peuple si miserable comme le notre peut il prendre à la legère des elections qui conditionneront leur vie durant 5ans ???

    • Le 27 novembre 2005 à 13:33 En réponse à : > Les « Fanico » de Fada N’Gourma : Survivre en blanchissant des vêtements

      Je suis d’accord avec vous monsieur.

      Je pense qu’il est grand temps que le peuple se prenne au sérieux et vote un autre président la prochaine fois s’il s’est trompé cette fois.

      Moi je pense qu’il faut réfléchir à reduire la fracture financière entre les individus du Burkina Faso.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique