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Côte d’Ivoire : Des médiateurs victimes de leur stratégie

Publié le jeudi 24 novembre 2005 à 07h55min

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Le président ivoirien, Laurent Koudou Gbagbo, n’est pas prêt à désigner un Premier ministre qui ne lui est pas favorable. C’est ce qu’il vient de faire comprendre, le 22 novembre dernier à Abidjan, à trois hauts médiateurs de l’Union africaine : Olusegun Obasanjo du Nigeria, président en exercice de l’UA, Mamadou Tandja du Niger, actuel président de la CEDEAO et Thabo Mbéki de l’Afrique du Sud.

Venus pour accélérer la désignation du Premier ministre dans le pays, les trois mousquetaires de l’UA ont essuyé un cinglant refus de la part de leur homologue de la lagune Ebrié ; qui a rejeté en bloc les deux candidats (Tiémoko Yadé et Gaston Ouassenan Koné) qui lui ont été proposés.

Par ce rejet, Laurent Gbagbo traduit toute sa volonté d’avoir un Premier ministre issu de son camp, à défaut, un homme qui lui est favorable. En se rendant à Abidjan, les trois médiateurs ne s’imaginaient sans doute pas se retrouver devant une telle situation.

Ce refus de Gbagbo constitue, malgré la promesse du président Obasanjo de revenir à Abidjan pour relever le défi, un véritable camouflet, voire un échec pour les médiateurs. Eux qui certainement croyaient que la seule prolongation de son mandat suffisait à l’attendrir. Ils y croyaient tellement qu’ils n’ont même pas songé à assortir la prorogation du mandat présidentiel de conditions, notamment sur la question de la nomination du Premier ministre et de ses attributions. Cela aurait eu l’avantage d’éviter le blocage actuel.

Les médiateurs de l’UA sont aujourd’hui victimes de leur stratégie, que l’on pourrait qualifier de "naïve" au regard de la légendaire imprévisibilité du président Gbagbo. Ce dernier, en adoptant une telle attitude, démontre une fois de plus qu’il n’est pas un enfant de choeur. En fin politicien, il est en train d’exploiter les failles du texte portant nomination du chef de gouvernement et qui fait de lui le maître du jeu.

En effet, comment pouvait-il, du point de vue politique, avaliser la désignation d’un membre de son opposition alors qu’il avait la possibilité de le récuser ? A ce niveau, le fils de Mama ne nous surprend pas et nous l’avions dit en son temps, qu’il n’allait pas accepter porter son choix sur quelqu’un qui ne ferait pas son affaire.

Attaché résolument à la défense de son pouvoir par tous les moyens, l’attitude du président ivoirien est logique. Mais c’est la démarche des médiateurs de l’Union africaine qui se prête difficilement à la compréhension. Car la logique aurait voulu qu’on exigeât de Laurent Gbagbo, comme contrepartie à la prolongation d’un an de son mandat, la nomination d’un Premier ministre issu des rangs de ses adversaires.

Compte tenu de la pression de ces derniers qui réclamaient son départ du pouvoir après le 30 octobre dernier, il aurait, sans doute, opté pour le moindre mal c’est-à-dire, garder son fauteuil et céder le poste de chef de gouvernement aux opposants.

L’UA devait même suspendre la Constitution à laquelle semble toujours s’agripper le président ivoirien et prendre sur elle la responsabilité de désigner le Premier ministre de transition avec ou sans l’approbation des parties en conflit en Côte d’Ivoire. Cela était d’autant plus envisageable que l’actuelle prorogation du mandat présidentiel ne s’est appuyée ni sur la loi fondamentale du pays, ni sur l’accord des frères ennemis ivoiriens.

Cela n’ayant pas été fait et la pression des adversaires quelque peu retombée, Laurent Gbagbo se retrouve aujourd’hui en position de force. Rien ne prouve qu’après la désignation du Premier ministre, il n’y aura pas de problème par rapport à ses prérogatives. Visiblement, les médiateurs de l’UA sont en train de payer les frais de leur manque de lucidité ou de courage dans la recherche de solutions à la crise ivoirienne.

Mais, au-delà de l’Union africaine, la responsabilité de l’échec incombe à toute la communauté internationale, et plus particulièrement à la France. Présente sur le terrain depuis le début du conflit, elle n’a jamais su jouer franc jeu ni y apporter un traitement de choc. C’est encore elle qui a inspiré la rédaction du texte portant nomination du Premier ministre et dont l’application pose problème.

Comme si cela ne suffisait pas, la France n’a pas hésité à sacrifier un général de son armée pour se rapprocher des autorités d’Abidjan, sous prétexte qu’il est impliqué dans l’assassinat d’un coupeur de route ivoirien. Visiblement, le moins que l’on puisse dire, c’est que Laurent Gbagbo maîtrise l’âme de la France et de ses dirigeants, qui semblent prisonniers de son système.

Face à cette duplicité de l’Hexagone et à la passivité des autres puissances occidentales, il ne reste qu’à nous poser la question : d’où viendra enfin la solution au bourbier ivoirien ?

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 24 novembre 2005 à 23:14, par sogo la viande En réponse à : > Côte d’Ivoire : Des médiateurs victimes de leur stratégie

    La CI a toujours produit des hommes politiques de génie. C’est dans l’adversité que l’homme politique digne de ce nom fait ses preuves. La France et ses affidés Burkinabés, Maliens et Nigérians n’auront pas à l’usure le woody de mama, le garçon cailloux. Le peuple de CI continuera de résister avec courage. Nous allons gagner quoi qu’il en coûte.

    Un rapport confidentiel de la CIA estime à plus de 180 millions de dollars les dépenses militaires de la CI pour la seule année 2004. A bon entendeur salut ...

    • Le 25 novembre 2005 à 15:00, par "Si tu savais" En réponse à : > Côte d’Ivoire : Des médiateurs victimes de leur stratégie

      Mon cher ami, l’heure de designer des coupables est bien loin derriere...Il faut trouver des moyens simples pour mettre fin a la crise sans verser le sang et scinder la nation. Burkina, Mali, Nigeria...de toutes les facons, Abidjan designe chaque jour un nouveau coupable tant qu’il n’est pas pro-Gbagbo. 180millions de dollars et puis ? rien de surprenant pour quelqu’un qui a ete a l’ecole de savoir que la Cote d’Ivoire est riche meme le paysan le sait, je ne vois pas de quoi se vanter mon cher ami..Mais, comment un "petit" pays sans ressources comme le Burkina faso peut faire trembler ce GRAND pays ? Ca merite reflexion...tu vois que j’ai raison mon cher...

  • Le 28 novembre 2005 à 14:01, par Ep En réponse à : > Côte d’Ivoire : Des médiateurs victimes de leur stratégie

    L’organisation d’élections credibles, transparantes et acceptables "pour tous", a été le leitmotiv de la communauté internationnale, lorsque celle ci a pris une resolution pour accepter que le président ivoirien reste en place jusqu’aux prochaines élections et souhaiter que ces élections se déroulent dans un délai de 1 an. A cet effet, la communauté internationale a logiquement proposé qu’un premier ministre acceptable "pour tous" soit nommé, pour conduire les opérations nécessaires à l’organisation des élections (désarmement, redéploiement de l’administration, sécurisation des populations, ...).
    La naïveté de la communauté internationale vient donc de ce qu’elle a cru la classe politique ivoirienne capable de s’entendre sur le terme d’acceptable "pour tous". La question qui se pose est de savoir si l’indivudu acceptable pour tous est l’individu médian, proche d’aucun parti, et ayant fait preuve d’impartialité et de capacité à conduire des reformes, ou alors s’il est l’individu moyen, penchant du coté de la majorité des partis politiques en présence (dans le cas d’espèce de l’opposition armée et politique, qui a pris le temps de s’emietter pour créer le surnombre) et donc susceptible de traduire la vision qu’ont ses mandants de la transition (capacité de mettre en oeuvre des reformes permettant à ses mandants d’attendre leur but politique c’est à dire remporter les élections ou tout au moins disposer du pouvoir exécutif).
    Autrement dit s’il faut un individu acceptable "pour tous" ou acceptable "par tous".
    Je penses que la naïveté de la médiation les a conduit à proposer au Président des individus moyens, notemment ceux que vous citez, et que le Président les a ramené à la vision de la communauté internationnale et de la majorité des ivoiriens hors mis les militants de partis, qui est que seul un individu médian est capable de conduire des reformes permettant d’organiser des élections acceptables "pour tous" et non "par tous".
    Si vous vous referrez aux définitions de la moyenne et de la médiane vous verrez que la moyenne est facile à calculer mais est peu stable parce que sensible aux fluctuations d’échantillonnage, alors que la médiane bien qu’étant difficile à trouver (se calcul souvent de façon empirique) est très peu sensible aux fluctuations d’échantillonnage et donc garanti mieux la tendance centrale.
    La méthodologie adoptée par les médiateurs faisait pencher vers la moyenne séduite qu’elle était par la facilité avec laquelle on l’identifie. On lui demande maintenant de revir à la médiane parce qu’il sagit là d’une mission de sortie de crise, qui a besoin de stabilité et d’impartialité de la part de son chef !!!

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