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Attaques terroristes de 2016 sur l’avenue Kwamé-N’Krumah : Six ans après, des rescapés sont toujours sous le choc

Publié le dimanche 16 janvier 2022 à 22h30min

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Attaques terroristes de 2016 sur l’avenue Kwamé-N’Krumah : Six ans après, des rescapés sont toujours sous le choc

15 janvier 2016 - 15 janvier 2022, cela fait six ans que Ouagadougou a enregistré sa première attaque terroriste. Le café-restaurant Cappuccino, le Taxi brousse et Splendid Hôtel, tous situés sur l’avenue Kwamé-N’krumah, ont été effroyablement touchés par une attaque terroriste revendiquée par Al-qaida au Maghreb islamique (AQMI). Bilan : 30 morts, 70 blessés et d’énormes dégâts matériels. Des rescapés s’en souviennent.

« Quand l’armée française nous a fait sortir de l’hôtel, ils nous ont amenés au ministère de la Fonction publique puis au stade municipal. De là-bas, ma famille m’a récupérée pour aller à l’hôpital. Une fois à l’hôpital, on nous a dit que l’Etat avait ouvert une cellule de prise en charge et qu’on ne devait rien payer. J’ai passé près d’un mois avec eux, je ne leur parlais pas », confie A.B., rescapée de l’attaque du 15 janvier 2016 sur l’avenue Kwamé-N’krumah.

Six ans après cet évènement tragique, que devient cette cellule de prise en charge ? Que deviennent les rescapés et les victimes de cette attaque ? A défaut de pouvoir rencontrer tous les rescapés et victimes, ces questionnements nous ont amené à rencontrer deux rescapés (un homme et une femme) de l’attaque du 15 janvier 2015, tous employés de Splendid Hôtel au moment de l’assaut, le vendredi 14 janvier 2022 à Ouagadougou. Pour des raisons de sécurité, nous leur avons attribué des pseudonymes (A.B. pour la femme et C.D. pour l’homme).

A.B

Après six années, ces rescapés disent être toujours sous le choc de l’attaque du café-restaurant Capuccino et de Splendid Hôtel. Selon leur récit, ils étaient tous deux (en plus d’autres employés) en service ce jour fatidique « Entre 19h et 20h, après le dîner de l’ASECNA, on ramassait les couverts, les nappes de table au bord de la piscine lorsqu’on a entendu des tirs. Les réceptionnistes nous ont rejoints au bord de la piscine et nous ont dit de nous cacher parce que des éléments de l’ex-RSP (Ndlr, Régiment de sécurité présidentielle, la garde de l’ancien président Blaise Compaoré) venaient encore », se souviennent-ils.

A la question de savoir s’ils travaillent toujours là-bas, la réponse est négative : « Nous avons démissionné parce que nous ne pouvions plus travailler là-bas. L’endroit nous inspirait la terreur ». Aussi, selon leur témoignage, les séquelles de cette « barbarie » sont toujours présentes dans leur vie (hallucinations). « Même jusqu’à présent, il arrive des fois que j’entende les bruits des armes. En ce moment, je dis à mon entourage qu’il y a des tirs. Ce sont eux qui me rassurent qu’il n’y a rien et que peut-être que ça se passe dans ma tête. Le 31 décembre, je ne sors pas à cause des pétards. J’évite tant que je peux d’aller sur l’avenue Kwamé-Nkrumah », a raconté A.B.

Malgré le choc psychologique, A.B. a pu se frayer un chemin de réussite pour gagner son pain quotidien. En effet, tous les deux témoins que nous avons rencontrés disent se débrouiller autrement dans la vie. A.B. est propriétaire d’un maquis-restaurant. « Grâce à Dieu, je peux dire que ça va chez moi aujourd’hui. J’ai pu ouvrir mon restaurant où je me débrouille un peu un peu. Du fait que suis en contact permanent avec des gens, cela me fait souvent oublier cet évènement », confie-t-elle.

C.D., lui, est parvenu à ouvrir une blanchisserie qu’il gère « molo-molo », afin de nourrir sa petite famille, puisqu’il est père de trois enfants. Toutefois, il a informé que les nuits sont des moments sombres. « Quand je dors la nuit, je fais des rêves sur le jour où j’ai frôlé la mort. Même hier, j’ai rêvé de ça et ça me donne des insomnies. C’est ça qui me traumatise le plus », témoigne-t-il.

C.D

Sur la question de leur prise en charge, ils ont révélé ne pas bénéficier de soutien médical ni psychologique, encore moins financier venant d’un quelconque service de l’Etat burkinabè depuis lors. « Après le drame, nous n’avons bénéficié d’aucun accompagnement jusqu’à l’heure où nous vous parlons », avouent les rescapés.
Aujourd’hui, même si ces deux ont pu s’intégrer dans la société nonobstant le choc psychique, ils reconnaissent et affirment que certains d’entre eux subissent un traumatisme grave qui mérite un véritable accompagnement médical, d’où leur appel aux personnes de bonne volonté à voler à leur secours, pour éviter que le pire ne leur arrive.

D.A.K
Lefaso.net

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