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Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

Publié le mercredi 22 décembre 2021 à 14h41min

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Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

Dans cette tribune, Hamid-Maghid Kaboré estime que les explications fournies par le ministre Alkassoum Maïga sur les modifications intervenues dans la dénomination du ministère dont il a la charge, ne sont pas objectivement convaincantes.

En effet, les motivations tendant à légitimer (justifier) la récente suppression de l’adjectif « scientifique » [de la dénomination du ministère ci-dessus indiqué] sont très fragiles et très discutables ; par conséquent insatisfaisantes. Dans les colonnes du « Sidwaya » (par ailleurs très conformiste), on peut lire (sic !) « le mot scientifique (…) a été enlevé », car « au Burkina Faso, la recherche ne se fait pas forcément dans les laboratoires de Recherche. L’innovation peut partir du milieu rural. C’est pour cela qu’on a décidé d’enlever le terme scientifique. »

En clair, le ministre tente de nous convaincre — après avoir été conquis (au sens rationnel) — , qu’on ne peut se servir de l’adjectif « scientifique » que pour « qualifier » les seules démarches/recherches entreprises ou initiées par et au sein des « laboratoires de recherche »,[autrement, l’adjectif n’aurait pas été retiré]. Ce qui est très réducteur, car dans une dynamique de rationalité véritable, donc intégrée, — pour s’en tenir à l’exemple fourni par le ministre — il ne saurait y avoir la moindre opposition catégorique entre le « milieu » dit « rural » d’un côté et « les laboratoires de recherche » de l’autre ; au point de constituer le solide soutien d’un choix sémantique.

En outre, pareille motivation est très fragile en ce qu’elle suggère (et sous-entend) que la scientificité, c’est-à-dire le caractère scientifique d’une démarche (recherche) dépend davantage du lieu à partir duquel ladite démarche est conduite. Et de ce point de vue, « le milieu rural (qui n’est pas étranger à la recherche) » ne saurait jouir du privilège de scientificité — d’où le retrait du mot scientifique—. Ce qui est inexact, puisque fort heureusement, aucun milieu, connu de l’Homme, n’échappe à l’emprise de la science.

Autrement dit, toutes connaissances véritables, à plus forte raison celles à fort potentiel de progrès social [y compris celles s’inscrivant dans un dynamique d’innovation], sont des connaissances scientifiques potentielles, sans égard aucun au lieu d’où elles proviendraient. Mieux, toute innovation (d’où qu’elle vienne) serait, soit vouée à une disparition précoce, soit condamnée à un balbutiement quasi-éternel sans les soins et l’assistance maternels bienveillants que peut apporter une logique scientifique.

Illustration concrète : le fait que les activités sportives et culturelles soient, jusqu’ici, à un stade de pré-balbutiements dans certaines régions du monde, s’expliquerait davantage par le fait que dans les régions concernées, on se refuserait à inscrire les activités citées dans une logique scientifique pure. Telle semble être l’attitude du ministère concerné par le présent propos, s’agissant de la ruralité. Le lecteur pourrait, en toute légitimité, interroger le bienfondé de la démarche-ci. A cet effet, si le lecteur estime que la question est sans enjeux pratiques véritables, qu’il touche du doigt les seuls coûts inhérents à la sérigraphie à l’occasion de la modification (ici) décriée.

Ainsi m’épargnerait-il pas le procès en chicaneries. De plus, les enjeux théoriques ne manquent guère. Mais, celles-ci pourraient se laisser découvrir, à présent, avec davantage de facilité. Pour finir tout à fait, puisque mon mini-article « commence à faire trop », on pourrait, dans une visée minimaliste, entendre par science un ensemble de connaissances acquises par le moyen de procédés rigoureux scrupuleusement observés. Dès lors, toute connaissance, toute recherche, d’où qu’elle résulte pourrait se voir qualifier légitimement, de connaissance ou de recherche scientifique. Si les initiateurs et ou exécutants de cette mini-réforme parviennent à se convaincre de la nécessité d’assouplir, d’élargir ou d’étendre davantage leur acception du « mot scientifique », alors nous aurions réussi à éviter aux contribuables une dépense non indispensable.

Hamid-Maghide Kaboré, Citoyen africain

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Vos commentaires

  • Le 22 décembre 2021 à 17:44, par Ouiya En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    M. KABORE, vous avez raison et le Ministre aussi a raison. Seulement pour le Ministre, "scientifique" est un processus bien huilé alors que pour vous, "scientifique" s’apprécie au résultat.

  • Le 22 décembre 2021 à 17:48, par Vérité Indiscutable En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    M. Hamid-Maghide Kaboré, je partage entièrement votre analyse. Espérons que cet article soit suffisamment saisissable à monsieur le ministre. Le problème de nos autorités est qu’elles ne prennent vraiment pas le soin de consulter les personnes de ressource et de culture avant de décider. Le sujet fâche davantage puisque le changement est advenu dans le ministère qui touche l’élite même du pays et que cela ne semble poser apparemment de problème. Et pourtant.
    Il y a très peu de sciences sociales dignes de ce nom qui se passent du milieu rural. Alors, nous parlons de quelle scientificité au juste ?

  • Le 22 décembre 2021 à 18:14, par De Balzac En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    Sans conjectures, Pr MAIGA, titulaire de ce portefeuille et professeurs titulaires des universités et chercheur de haut vol sait de quoi il parle. Nous sommes dans un milieu où, pour X ou Y raison, certains acteurs se croient dépositaires naturels de la recherche et par conséquent, tout ce qui n’est pas sorti de leurs laboratoires n’est pas scientifique. On voit comment on souffre avec toutes ces terminologies pour désigner les acteurs de la recherche dans notre pays et les conflits /guerres de théories que les sous-tendent. En revanche, en enlevant scientifique, je croient plutôt que nos chercheurs sont plus attendus pour leurs résultats pour solutionner nos questionnements/ problèmes que pour des titres et grades.

  • Le 23 décembre 2021 à 12:57, par Sidpawalemde Sebgo En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    Franchement, ce changement ne fait que traduire une réalité qui va au delà des explications du ministres concernant l’origine de la recherche.

    En effet, le débat existe depuis longtemps sur l’usage immodéré du mot "scientifique". Car enfin, un docteur en lettre, spécialiste de la littérature francophone, est-il un "scientifique" parce qu’il fait des recherches sur ce sujet ?

    Violente question !

  • Le 23 décembre 2021 à 19:46, par Perplexe En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    Le scientifique est-il lié vraiment au Laboratoire ?
    En voulant corriger des erreurs, on peut faire des erreurs.
    Je pense que le ministre est tombé dans l’erreur en voulant corriger l’erreur.
    Le spécialiste en Lettres Modernes fait de la science, c’est indéniable. Comme le producteur de coton aussi peut bien faire de la science. Tout dépend de ce qu’on met dans "science". Et j’ose affirmer que nous réduisons largement le champ de la science en la réduisant aux laboratoires de recherches. Pauvres de nous !!!!!

  • Le 26 décembre 2021 à 20:13, par Sawadogolaya@rocketmail.com En réponse à : Modification de la dénomination du ministère de l’Enseignement supérieur : Un citoyen prend à contre-pied les arguments du ministre

    ....en fait les uns les autres ont raison parce que chacun tient a defendre une ecole de pense. En dehors de cela le changement de denomination d un ministere doit simplement coller a la lettre de mission du ministere, definie par le premier ministre le reste c est de la litterature. Pendant longtemps il n a jamais ete question de recherche scientifique dans les gouvernements de Haute Volta. Il a fallu qu en 1978 ke ministre de l efucation nationale pour les besoins de sa cause cree le centre national de la recherche scientifique et technologique (cnrst) pour que ce concept apparaisse dans le champ de competences d un ministere....Alors de grace pas de gue..guerre...tout domaine de recherche est par essence SCIENTIFIQUE.

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