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Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

Publié le jeudi 4 novembre 2021 à 13h48min

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Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

L’audience de ce jeudi 4 novembre 2021 du procès Thomas Sankara et ses douze compagnons a repris avec à la barre, l’accusé Alidou Diébré. Médecin-commandant à l’époque, il est celui-là qui a « établi, signé et délivré trois certificats de décès » en janvier 1988 avec pour mention, "mort naturelle".

Alidou Diébré (Aliou Jean-Christophe Diébré) est ainsi poursuivi pour "faux en écriture publique".

A la barre, l’accusé dit reconnaître un manque de rigueur dans la déontologie du métier, mais clame sa "bonne foi" à aider les femmes (dont l’épouse de Thomas Sankara, Mariam Sankara) qui l’ont sollicité.

M. Diébré dit avoir, "en âme et conscience", choisi de porter la mention "mort naturelle" parce qu’il n’y avait pas d’autres alternatives. A l’époque, aucune autopsie n’avait été faite, rappelle-t-il.

À la question de savoir s’il n’a pas subi de pression pour la délivrance de ce certificat, l’accusé est catégorique : "A l’époque, personne ne pouvait m’instruire. C’est à mon âme et conscience. Tout le monde connaissait mon caractère ; j’ai horreur de l’injustice. Personne ne pouvait me forcer et on ne m’a pas forcé, atigui tey : en langue Bambana, il n’y a pas cette personne. Tout le monde me connaît pour ça, même la hiérarchie militaire qui est là pour témoigner. Je l’ai fait en âme et conscience, sans arrière-pensée", a insisté, la voie ferme, Alidou Diébré.

"Si l’acte que j’ai posé n’a pas servi à ceux qui l’ont demandé, je m’en excuse"

"Je reconnais que la mention "mort naturelle" n’est pas exacte pour les victimes et je m’en excuse. (...). Monsieur le président, si vous me donnez l’occasion, je vais demander publiquement pardon. Si l’acte que j’ai posé n’a pas servi à ceux qui l’ont demandé, je m’en excuse", s’est-il ensuite incliné.

L’accusé insiste qu’il a délivré, "par humanisme", le certificat pour permettre aux demanderesses d’engager leurs formalités administratives.

Si vous aviez assisté à une fusillade, qu’auriez-vous mentionné sur le certificat, interroge le Parquet militaire. "Mort tragique ou traumatique. Mais ça n’aurait pas déterminé la cause de la mort", réagit l’accusé, insistant sur la différence entre acte de décès et diagnostic de mort".

Pour le Parquet, et après un certain nombre d’observations tirées des procès-verbaux de l’instruction, la faute commise par Alidou Diébré n’est pas seulement professionnelle, elle est aussi pénale que criminelle.

A la question de l’agent judiciaire de l’État de savoir pourquoi il n’a pas demandé aux trois dames venues le voir, de quoi est mort leur époux, le médecin-commandant Diébré rétorque : " Elles ont demandé un certificat de décès, pas un certificat de diagnostic, elles disent que leur mari est mort. (...). Nous étions à trois mois seulement du décès, la douleur était toujours présente".

Mais le 16 octobre (1987), le commandant Lingani a déclaré sur les ondes que le président Sankara était mort..., pourquoi n’avez-vous pas marqué "mort par fusillade, coup d’État ?", relance l’agent judiciaire de l’État.

"Un coup d’État, une violence, une fusillade ne sont pas une cause de décès. Il peut y avoir coup d’État sans mort d’homme !", distingue Alidou Diébré.

"On était à une époque d’exception"

Pour Me Somé de la partie civile, "Aliou Diébré est le type d’accusé qu’on peut qualifier d’irrépenti, prêt à récidiver", car ne regrettant pas son acte. "Les faits se sont déroulés il y a longtemps, on aurait pensé que vous alliez vous repentir. Mais vous vous réfugiez plutôt derrière un faux humanisme", dit constater l’avocat.

A la question de Me Ferdinand Nzepa (toujours de la partie civile) de savoir pourquoi c’est lui, Alidou Diébré, que les dames sont venues voir, et non pas quelqu’un d’autre, l’accusé rebondit : "voilà, moi-même je me pose la même question. Qui leur a indiqué chez moi ? J’habitais à l’intérieur du camp. Je me suis dit qu’elles étaient allées voir d’autres (médecins, ndlr), qui ont refusé. Donc, ça allait être méchant de ne pas les aider".

Si vous étiez dans l’embarras, pourquoi ne vous êtes-vous pas référé à l’ordre des médecins pour voir la conduite à tenir, renvoie Me Nzepa. "On était à une époque d’exception", se défend l’accusé.

Durant son interrogatoire, l’accusé a permanemment relevé avoir certes manqué de rigueur professionnelle, mais de toute "bonne foi".

O.L.
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 4 novembre 2021 à 14:28, par Alexio En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    Je suis entierement d accord avec Me Some. L homme se refugie d une carapace de l humanisme avec mepris. Ou est l humanisme dans un comportement qui est en flagrant delit avec la deontologie de sa profession de medecin.

    Une carence intellectuelle si lui il n avait pas d autres alternatives administratives.

    Comment a-til oser la mention " Mort naturelles". Au lieu de se decharger des faits pertinents qui mettent sa crediblite en exergue, il fallait en bons sens dire clairement que il avait le nouveau pouvoir a ses trousses. Et n avait pas d autres issues de sortie.

    Le comble de son tragi-commedie est de hisser et vanter son caractere d homme integre et non-corruptible qui rimme mal la l incoherence de cet act macabre qui n aque remuer la plaie dans l ame de la famille des victimes.

    C est fuir ses responsabilites.

  • Le 4 novembre 2021 à 15:38, par Mènegui En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    "A l’époque, personne ne pouvait m’instruire. C’est à mon âme et conscience. Tout le monde connaissait mon caractère ; j’ai horreur de l’injustice. Personne ne pouvait me forcer et on ne m’a pas forcé, atigui tey : en langue Bambana, il n’y a pas cette personne. Tout le monde me connaît pour ça, même la hiérarchie militaire qui est là pour témoigner. Je l’ai fait en âme et conscience, sans arrière-pensée".
    Si « atigui tey », Mr Diébré, il fallait avoir le courage à l’époque de dire de quoi est mort Sankara et ses compagnons ! Il ne faut pas maintenant venir bomber la poitrine… C’est à l’époque qu’il fallait montrer que tu es un « tchè fari » : en langue Bambara, un brave homme. Le monde entier, et même les petits enfants savaient de quoi est mort sankara, Seul vous, vous ne le saviez pas. Et puis quand vous dite que c’est par manque d’autopsie que vous avez prescrit « mort naturelle », et comment par manque d’autopsie, vous avez su qu’ils sont mort d’une « mort naturelle », si c’est l’autopsie qui devait en déterminer la cause. Comment aviez-vous su ? Dites la vérité que c’est la trouille, et tout le monde vous comprendra. Au lieu de vouloir nous faire croire ce que vous n’êtes pas.

  • Le 4 novembre 2021 à 17:06, par Gohoga En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    Bonsoir à tous. Je vois pas une information dans l’établissement de ce certificat de décès qui un acte d’état civil. Si la mention "mort naturelle" qui est l’information, il y a incohérence dans la mesure où nos juridictions reçoivent tous les jours ouvrables des centaines d’actes d’état civil à rectifier. La même logique devait être appliquée à tous ceux qui ont signé ses actes erronées. Or ce n’est pas cas.

  • Le 4 novembre 2021 à 18:25, par Etirev En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    Mort c’est mort pourquoi embeter le medecin. ce n’est pas lui qui a tiree sur les autres. Mort par fusillade il en a eu beaucoup au conseil avant le 15 octobre.

  • Le 4 novembre 2021 à 19:43, par Le Mollah En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    Au delà des considérations juridiques et autres, je me pose la question suivante.
    Ce Monsieur a t -il aidé les dames à entreprendre des démarches administratives qui n’auraient pas pu être entreprises sans son document.

    Le document a t -il été utile aux veuves et orphelins. Au delà de notre justice judiciaire, il y a LA JUSTICE, un attribut du divin.

    Le pense que la Morale doit être au dessus de tout et vraiment de tout

  • Le 5 novembre 2021 à 08:43, par Papou En réponse à : Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

    Si le tribunal condamne le Médecin Diébré, va-t-il aussi accuser Dame Sankara d’avoir utiliser du faux pour s’installer en exile avec ses enfants ? Toute logique gardée, ce sera normal de poursuivre dame Sankara d’avoir utiliser de faux documents depuis des années, d’avoir profiter de l’aide du Médecin !

    Les vraies équations de ce procès sont là ! Depuis 34 ans la dame (les 3 dames) ont utilisé ces "faux certificats" pour avoir la liquidation des biens de leurs époux défunts, et aujourd’hui elles ne se rappellent plus des circonstances de la délivrance desdits certificats, elles se réfugient plutôt derrière une "fausse émotion de deuil" aussi non ?

    Que le tribunal sache bien trouver et situer les vraies responsabilités de ce crime.

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