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Procès Sankara et ses douze compagnons : « L’Etat burkinabé ne dispose, jusqu’à présent, d’aucune pièce du dossier » (Agent judiciaire de l’Etat)

Publié le lundi 11 octobre 2021 à 22h30min

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Procès Sankara et ses douze compagnons : « L’Etat burkinabé ne dispose, jusqu’à présent, d’aucune pièce du dossier » (Agent judiciaire de l’Etat)

Le procès sur le dossier Thomas Sankara et douze de ses compagnons, assassinés le 15 octobre 1987, s’est effectivement, comme annoncé, ouvert dès les premières heures de cette journée de lundi 11 octobre 2021 dans le quartier Ouaga 2000. C’est également ce lieu qui avait accueilli le procès du putsch de septembre 2015, dont certains des condamnés se retrouvent dans la même salle pour répondre de ce dossier Sankara et compagnons. Retour sur l’essentiel de la première journée de ce feuilleton judiciaire qui s’ouvre au bout de 34 ans d’attente.

Cette journée inaugurale a permis de globalement découvrir les parties (accusés, victimes, témoins, tribunal, parquet militaire…). Elle a aussi été une sorte de test qui, certainement, permettra de parfaire certains aspects. C’est notamment le cas de la sonorisation qui a rencontré par moment, des soucis techniques. Certains intervenants du tribunal, notamment le parquet militaire, devront tenir compte du souci de la sonorisation en donnant plus de la voix lors de leurs réquisitions. C’est impératif pour permettre surtout aux hommes de médias, « chacun plaidant sa cause », de bien capter ces réquisitions et autres prises de parole. Qu’à cela ne tienne, c’est une première journée ‘’sereine’’ qu’on a pu noter. Contrairement aux premiers moments du procès du putsch, l’affluence n’était pas perceptible pour cette entame du procès. Cela pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, dont l’interdiction faite par le comité d’organisation d’arborer des pagnes, tee-shirts, foulards, pancartes… à l’effigie d’une des parties au procès.

Pour conduire le procès, un président de tribunal ‘’armé’’ à la fois de rigueur et d’un sens de l’humour, Urbain Méda. « Il (président du tribunal, ndlr) sait allier à la fois rigueur et humour pour détendre l’atmosphère. Il est vraiment admirable », apprécie un journaliste venu de l’étranger pour la cause. « Le seul hic, c’est qu’il ne nous communique pas, pour chaque suspension, combien de temps ça dure. C’est important pour nous médias, pour l’organisation de notre travail », poursuit un autre journaliste, sous forme de requête.

Bref… ! C’est à 9 h 12 que le tribunal a fait son entrée dans la salle d’audience. Le président du tribunal enchaîne, sans tarder, les actes. Lecture de l’ordonnance portant délocalisation de l’audience, appel des accusés (douze sur les quatorze répondent présents ; Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando étant les absents). Puis, place au tirage au sort des assesseurs. C’est là où les choses vont piétiner. Sentant venir le risque de ne pas avoir d’assesseurs (les deux premiers tirés au sort, des généraux, se sont auto-récusés pour diverses raisons), le président du tribunal suspend l’audience à 9 h42 pour prendre une décision permettant de choisir les assesseurs dans les grades inférieurs que ceux requis.


Lire aussi Procès Sankara et compagnons : Deux généraux désignés comme assesseurs se récusent


A la reprise autour de 10 h 17, des personnes appelées à siéger comme assesseurs continuent de justifier leur volonté de s’auto-récuser par des motifs soit professionnel soit de « relations personnelles » avec certains accusés. Une posture que la défense magnifie car, de son avis, c’est faire preuve d’honnêteté intellectuelle que de révéler ses relations avec des accusés. Elle estime également qu’on ne doit obliger personne à aller contre sa propre conscience. Soulignons au passage que certains des officiers ont été excusés sans trop de débats, par le tribunal, du fait de leurs responsabilités dans le cadre de la lutte contre l’insécurité et pour la sécurisation du territoire.

La partie civile estime, elle, et pour les autres cas, que ce dont a besoin le tribunal, ce n’est pas le ressenti personnel, mais plutôt un jugement des faits. « Les ressentis personnels ne font pas partie des causes de récusations », objecte Me Prosper Farama de la défense. Le président du tribunal finit par user à la fois d’autorité et d’humour pour constituer les assesseurs. Ils sont au total trois juges assesseurs titulaires et autant de suppléants. Ils prêtent immédiatement serment et sont renvoyés dans leur fonction. C’est un « ouf ! » de soulagement dans la salle. « Avec un peu de difficultés, le tribunal a été constitué et est prêt à examiner le dossier », annonce le président du tribunal. Il est 11h33. L’audience est suspendue pour examiner avec les conseils, le chronogramme.


Cliquez ici pour lire Procès Sankara et compagnons : Le tribunal "enfin" constitué, place à l’examen du dossier


Le tribunal reprend à 13h15 avec les réquisitoires du procureur militaire sur le cas des deux accusés absents, Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando. Elle explique alors que les convocations ont été remises à la gendarmerie pour signification aux intéressés. La gendarmerie dressera par la suite un procès-verbal, indiquant que leurs recherches ont été infructueuses (c’est-à-dire que les intéressés n’ont pas été trouvés). Le procureur s’étale ensuite sur les dispositions applicables en la matière (la loi donnant également des possibilités aux intéressés de se présenter dans un certain délai, à partir de l’ouverture du procès). Le président du tribunal va de nouveau, à la fin de la réquisition, ordonner la suspension de l’audience (sans communiquer le motif). Il est 13h22.

A la reprise à 13h 40, des échanges s’engagent autour du chronogramme. Dans ce chapitre, des avocats des accusés (ceux commis d’office) demandent une suspension de l’audience pour un mois, afin de leur permettre de mieux prendre connaissance du dossier. Selon leurs explications, c’est seulement en septembre 2021 qu’ils ont été sollicités pour assister ces accusés, ce qui n’est pas aisé pour un dossier de 20 000 pages de pièces, retient-on de leur argumentation. Ces avocats sont soutenus par leurs confrères de la défense et de la partie civile.

Le tribunal requiert l’avis de l’Etat burkinabé, civilement cité dans le procès, représenté par l’agent judiciaire de l’Etat, Karfa Gnanou. Celui-ci n’oppose aucune objection. Mieux, il soutient cette demande de suspension en ce sens que « l’Etat burkinabé ne dispose, jusqu’à présent d’aucune pièce du dossier ».


Lire la suite ici Procès dossier Sankara et compagnons : Le tribunal rejette l’idée d’enregistrement et/ou de diffusion du jugement


C’est l’instant choisi également par la partie civile pour faire une demande d’enregistrement et/ou de diffusion du procès. Le procureur militaire fait ses réquisitions sur cette requête, qui, faut-il souligner, a été aussi portée par certaines organisations de la société civile, des acteurs politiques et autres leaders d’opinion. Le procureur présente les textes qui régissent la question, les enjeux de la diffusion et /ou de l’enregistrement (nécessité de préservation de la présomption d’innocence, le respect de la vie privée des parties au procès, nécessité de préserver la sérénité du procès, risque que des extraits de vidéos ou d’audio se retrouvent sur les réseaux sociaux à des fins malveillantes, etc.). Elle présente également l’importance des enregistrements de ce procès (dont entre autres, pour constituer une mémoire). Cependant suggère-t-elle, un éventuel enregistrement doit être confié uniquement à la direction de la communication de l’armée.

Pour la défense, la question est « fondamentale » ; sur les quatorze accusés, onze sont poursuivis pour atteinte à la sureté de l’Etat. « Il ne faut pas se rendre vulnérable », interpellent des avocats de la défense.

Le tribunal va de nouveau suspendre l’audience à 14h34 « pour apprécier ces deux requêtes ». A sa reprise à 15h30, il rend son ‘’verdict’’ sur les deux requêtes. L’audience est suspendue pour deux semaines, elle reprend le lundi 25 octobre 2021, à partir de 9h. Quant à la demande d’enregistrement et /ou de diffusion, elle est rejetée sous toutes ses formes.

O.L
Lefaso.net

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