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FESPACO 2021 : Le cinéaste et comédien Rasmané Ouédraogo en parle

Publié le dimanche 3 octobre 2021 à 22h20min

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FESPACO 2021 : Le cinéaste et comédien Rasmané Ouédraogo en parle

Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) se profile à l’horizon. Dans le cadre du dossier « Spécial FESPACO », leFaso.net a rencontré Rasmané Ouédraogo, comédien, réalisateur et ex-président du conseil d’administration du FESPACO. Dans cette interview, Rasmané Ouédraogo porte une analyse sur les défis auxquels est confrontée l’organisation du festival.

Lefaso.net : Comment accueillez-vous l’avènement de la 27e édition du FESPACO ?

Rasmané Ouédraogo : C’est une manifestation qu’on vit une fois tous les deux ans. Cette année, c’était prévu au début de l’année, nous avons failli ne pas la tenir. C’est vraiment avec joie que j’accueille l’organisation de ce rendez-vous. C’est ce qu’attendent les cinéastes et les cinéphiles africains. De façon générale, c’est la tribune pour faire le diagnostic du cinéma et se lancer dans d’autres aventures.

C’est une manifestation que j’attends sincèrement avec beaucoup d’impatience, d’émotions et avec une certaine crainte, car les raisons qui ont entraîné le report de la fête existent toujours, même si elles se sont atténuées quelque peu. C’est certain que nous n’allons pas tous nous revoir comme d’habitude, car il y en a qui ne pourront pas venir à cause des évènements mondiaux. Pour ceux qui seront là, ce sera la fièvre des projections et des nuits interminables de discussions.

Que pensez-vous des préparatifs en cours ?

Je ne suis pas trop impliqué dans les préparatifs, mais on ne peut pas avoir servi le festival pendant 50 ans et ne pas jeter un regard curieux, de temps en temps, pour voir ce qui s’y passe. D’habitude, à un mois ou encore deux mois de l’évènement, il y a une fièvre qui enflamme la ville. Mais cette année, ce n’est pas le cas. Non seulement, il y a la maladie et le manque de moyens, mais il faut savoir mettre les intelligences en synergie pour pouvoir organiser une belle fête et susciter de l’espoir pour le cinéma africain. De toute façon, je commence à percevoir un début de redimensionnement du festival.

D’aucuns pensent qu’il est inadmissible de revendiquer l’appellation de « capitale du cinéma africain », alors que le Burkina peine à disposer de salles de cinéma.

C’est curieux, quand vous dites ça. Ça me renvoie à 30 à 40 ans en arrière, à ces velléités de transférer le FESPACO ailleurs. Je crois qu’il faut qu’on apprenne, nous Africains, à murir un peu. Quand on veut être sérieux et souhaiter que les autres nous considèrent comme tels, on doit éviter ces répétitions inutiles. Amener le festival ailleurs pour faire quoi ? N’oublions pas que le FESPACO est né d’une volonté nationale.

C’est une volonté des autorités de ce pays qui ont érigé une semaine nationale de cinéma en un festival de renommée internationale, qui a intéressé des États et des institutions internationales. Je pense que ce n’est pas une fête de quartier qu’on peut déplacer de quartier en quartier. C’est pourquoi, on ne peut pas demander de déplacer le festival de Cannes et l’amener dans d’autres villes ou encore déplacer le festival de Stockholm. C’est ridicule et révoltant. Il faut plutôt apporter la réflexion pour rendre justement Ouagadougou inamovible. Quand on se met toujours dans le négatif, ce n’est pas soi-même qu’on met en doute, mais c’est toute une nation.

C’est l’intelligence de toutes ces sommités qui ont accepté de faire de Ouagadougou la capitale du cinéma africain qui est remise en cause. Est-ce que le FESPACO est utile ou pas ? Et s’il est utile, qu’est-ce qu’il faut pour en faire un outil de développement de la cinématographie africaine, un outil de développement de notre pays, de valorisation de nos cultures ? C’est ce combat-là qui mérite d’être poursuivi aujourd’hui. Moi, je ne rentre plus dans les débats de FESPACO à gauche, FESPACO à droite ; c’est ridicule.

En tant que pionnier du cinéma africain, pensez-vous que l’État doit construire ses propres salles de projection pour éviter de recourir à celles des privés ?

Je dois dire que l’État a fait un pas. L’État, de par sa volonté, est parvenu à créer et fidéliser une grande manifestation. Maintenant, il revient aux Africains et aux Burkinabè de créer les infrastructures tout autour. L’État n’est pas là pour construire des salles de cinéma, entendons-nous très bien. L’État suscite toujours et il revient aux citoyens de mettre en œuvre le dispositif relatif à la projection des films, la production, l’exploitation, le circuit commercial, pour ne citer que ceux-là. Ce sont des aubaines offertes aux citoyens. Il y a des investisseurs privés qui ont les moyens et qui se demandent chaque jour où mettre leur argent. Il suffit de leur faire comprendre que le cinéma est devenu une activité commerciale qui crée des emplois et de la richesse.

L’État a fait sa part ; il a créé les textes, il n’empêche personne d’ouvrir des salles. Bien au contraire, s’il y a des personnes capables de construire des salles de cinéma, nous-même cinéastes allons nous mobiliser derrière ces personnes pour demander à l’État de leur accorder des faveurs pour développer leurs activités. En résumé, l’État ne peut pas construire des salles d’exploitation de films, ni créer des studios d’enregistrement, de montage, et des télévisions pour diffuser des films.

Ailleurs, tout cela appartient au privé. Il faut arrêter d’accuser l’État. C’est nous qui n’avons pas compris et ne réalisons pas les opportunités que l’État nous offre. C’est tout. Il appartient aux associations professionnelles de cinéma d’expliquer que le cinéma est devenu un business rentable. L’économie de l’Inde repose en partie sur le cinéma. C’est nous, Africains, qui ne l’avons pas encore compris. Ceux qui veulent que l’État construise des salles de cinéma sont ceux-là qui attendent tout de l’État, les bras croisés.

Avec le problème de salles qui se pose, d’aucuns pensent qu’il serait judicieux d’organiser un festival tournant…

Pour ceux qui peuvent le faire, c’est tant mieux. Du reste, la présence du festival à Ouagadougou n’empêche pas qu’il y ait des festivals dans d’autres pays ; il y a les Dakar Court métrage à Dakar, il y a Écran noir au Cameroun, les festivals de Casablanca, de Carthage, etc. Pourquoi ne demande-t-on pas de ramener le festival de Carthage ici ? Ouagadougou, c’est Ouagadougou, et Carthage c’est Carthage. Celui qui veut, peut aller faire son festival panafricain de cinéma.

Nous irons avec bonheur là-bas aussi, cinéastes et autorités burkinabè. L’idée qui est derrière le festival itinérant est un poison ; c’est cette idée qu’il faut dénoncer. C’est cette division et ce clanisme continental qu’il faut combattre. Un festival se crée et durant son existence, travaille à se crédibiliser. Le FESPACO est arrivé à ce stade-là. Donc, je souhaite bonne chance à ces festivals qui vont naître en Afrique. Moi, personnellement, je m’y rendrai avec joie. Ce sera toujours bien pour le cinéma africain

Un dernier mot ?

Je souhaite que les journalistes viennent à la source pour avoir des informations, au lieu d’écouter des ragots. Nous autres, nous nous mettons à la disposition justement des nouvelles générations. Nous sommes d’une certaine génération et nous voulons passer le relais, mais le relais de la vérité, du pragmatisme, le relais du réalisme.

Interview réalisée par Dimitri OUEDRAOGO
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 3 octobre 2021 à 15:00, par Ka En réponse à : FESPACO 2021 : Le cinéaste et comédien Rasmané Ouédraogo en parle

    ’’’Nous autres, nous nous mettons à la disposition justement des nouvelles générations. Nous sommes d’une certaine génération et nous voulons passer le relais, mais le relais de la vérité, du pragmatisme, le relais du réalisme.’’’’’ Merci Rasm.. pour ta clarté : Nous sommes d’une autre génération avec nos vécus et nos présents pour la nouvelle génération, et tout ce qu’on les demande c’est de nous approcher pour apprendre les vérités qui percent les cœurs mais ne tuent pas, pour une société qui avance sans embuches.

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