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Tribune : Longue lettre à mon ami défunt Amobé Mévégué

Publié le vendredi 10 septembre 2021 à 12h58min

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Tribune : Longue lettre à mon ami défunt Amobé Mévégué

Ce témoignage de « Cbs L’iconoclaste » révèle une facette de l’animateur et homme de culture Amobé Mévégué, décédé le 8 septembre 2021 au Cameroun, son pays natal. On y découvre un homme affable, modeste et cultivé.

« La vie est une immense forêt pleine d’inconnus », dit un proverbe africain. Ainsi en va-t-il lorsque j’ai appris ton décès brutal dû au covid-19 selon les uns, et au paludisme selon les autres. Et à la sorcellerie, selon les plus sceptiques aux deux raisons sus-citées, au motif que tu aurais été foudroyé par des esprits malveillants de ton village Nkolbogo (près de Yaoundé) où tu étais le 22 août dernier pour des rites entrant dans le cadre des funérailles de ta mère récemment décédée. Saura-t-on jamais un jour la vraie raison de ton décès dont on apprend également qu’il est intervenu chez toi à domicile sur ton lit ? Difficile d’y répondre. La vie ne tient vraiment qu’à un fil.

À présent qu’on n’aura plus l’occasion de se revoir physiquement, que dire sinon que retenir des souvenirs de toi ! En 2006, alors que j’étais étudiant à l’université de Ouagadougou, c’est à l’ancien hôtel Azalaï à Ouagadougou que nous avons échangé et où j’ai pris une photo avec toi pour te professer ma grande admiration à l’égard d’un grand frère dont j’avais pris le plaisir de suivre sur RFI à travers ton émission Plein Sud. Aujourd’hui, je publie ici avec fierté et émotions cette photo prise avec toi. C’est également ce jour que tu m’as offert une carte postale sur laquelle étaient mentionnés ton numéro de téléphone et ton adresse email. Ce présent fit à l’époque un baume au cœur de l’étudiant que j’étais et habillé en tenue traditionnelle avec à l’appui mon chapeau digne d’un berger de mon village.

La seconde fois, c’était à l’hôtel Amiso à Ouagadougou que je te rencontrais et où tu m’informais que tu reviendras à Ouaga pour lancer ton projet dans la capitale burkinabè. C’est d’ailleurs à cette occasion que tu m’as parlé de ta chaîne Ubiznews avant de m’envoyer plus tard sur internet un lien sur ladite chaîne. Lors de ta dernière venue à Ouaga en fin 2020, nous nous sommes ratés de peu lorsque je devais te rejoindre à la salle des conférences à Ouaga 2000 pour te dédicacer un exemplaire de mon deuxième livre, Possibo la Diabolaise.

« Maintiennement, maintiennementacité », voilà le néologisme que tu nous as enseigné sur les ondes de RFI à l’émission Plein Sud ; un néologisme dont nous jeunes avions fait nôtre et dont on s’abreuvait sans cesse au campus pour affronter les difficultés quotidiennes. À France 24 où tu es arrivé par la suite pour présenter l’émission « À l’affiche », tu as gardé ton style avec notamment cette expression : « phénomène phénoménal » que tu qualifiais toi-même de tautologie répétitive. Comme quoi c’était le marquage serré, je te suivais en permanence et tu as ainsi grandement contribué, sans le savoir, à aiguiser mon amour pour le domaine des médias que tu quittes à 52 ans.

Verbeux comme ton compatriote Rémy Ngono ; polyglotte qui nous fascinait souvent avec ton anglais saupoudré à ton émission Plein Sud ; ambassadeur de la culture africaine au sens large, puisque tu t’étais assigné la lourde mission de vulgariser la musique afro caribéenne et l’artisanat africain à travers le port des pagnes africains ; etc., tu étais tout cela à la fois. D’ailleurs, une autorité de ton pays le Cameroun t’a fait refouler à Paris à une cérémonie de célébration de la fête d’indépendance de ton pays au motif que tu étais habillé en pagne et non en veste comme suggéré. Quelle humilité incomprise !

Bref, tu fus un condensé de qualités de plus en plus rares sous nos tropiques. Je n’oublierai jamais aussi cette marque de simplicité dont tu étais l’incarnation : quel que soit le continent où tu te trouvais, tu marchais toujours avec des chaussures ouvertes et non fermées. Non pas par manque de moyens, mais plutôt par conviction.

Grand frère qui a marqué le paysage audiovisuel français des décennies durant à travers TV5, Tabala FM, RFI, France 24, etc., et qui se faisait appeler « Le dealer d’ondes positives », dors bien et paix à ton âme. À bientôt !

Cbs L’iconoclaste
Ton ami l’écrivain chroniqueur

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Vos commentaires

  • Le 10 septembre 2021 à 15:30, par Sorbonne En réponse à : Tribune : Longue lettre à mon ami défunt Amobé Mévégué

    Merci pour votre témoignage.mais je pense qu’il serait plutôt mort en France et non au Cameroun où il a séjourné deux semaines avant pour le décès de sa marâtre et non sa mère biologique.

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