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Plateau central : Le directeur régional de l’environnement alerte sur le ramassage du sable et des cailloux qui dégrade massivement les sols

Publié le vendredi 6 août 2021 à 22h00min

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Plateau central : Le directeur régional de l’environnement alerte sur le ramassage du sable et des cailloux qui dégrade massivement les sols

À 48 heures de la 3e édition de la journée nationale de l’arbre qui se tient dans la région du Plateau central ce 6 août 2021, nous sommes allées à la rencontre du directeur régional de l’environnement, de l’économie verte et du changement climatique de ladite région, Louis M. Ouédraogo. L’homme était au four et au moulin pour l’organisation de cette journée qui sera présidée par le président du Faso. Malgré son emploi de temps chargé avec les derniers réglages, il a néanmoins accepté nous recevoir dans son bureau de la direction régionale pour se prêter à nos questions. Et c’est entre pause et reprise de ses nombreux appels qu’il a pu faire un tour d’horizon des questions liées aux ressources forestières de la région, les défis auxquels ils sont confrontés, les espèces menacées, etc.

Lefaso.net : Quelles sont les ressources forestières que l’on retrouve dans la région du Plateau central ?

Louis M. Ouédraogo (LMO) : La région du Plateau central regorge de beaucoup de ressources forestières. Elle enregistre trois forêts classées (Bissiga, Ziga, Wayen) qui ont une grande richesse en matière de ressources forestières et qui jouent un rôle important dans la vie des populations. Car ce sont des plantes qui ont un rôle de soutien à la production et de lutte contre les changements climatiques, parce qu’elles constituent des barrières climatiques et créent des conditions favorables pour la manifestation des pluies ainsi que la régulation du climat.

C’est dire l’importance des ressources forestières pour un pays. Dans ces ressources forestières, il y a une grande diversité de produits forestiers non ligneux. Il faut aussi voir qu’en dehors des barrières climatiques et du soutien à la production que constituent ces ressources forestières, elles contribuent par ailleurs à l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ce, à travers les produits forestiers non ligneux qu’elles offrent. Et la Journée nationale de l’arbre (JNA) est un temps pour la valorisation de ces produits forestiers non ligneux.

En plus de ces forêts classées, il y a des forêts des collectivités territoriales et celles des acteurs privés. Dans la région du Plateau central, on dénombre autour de 300 espaces de conservation et des bois sacrés qui constituent aujourd’hui une alternative pour la préservation des ressources forestières et qui font barrière aux effets des changements climatiques. Ces espaces pourvoyeurs des produits forestiers non ligneux comme la gomme arabique, les lianes, les fruits, les amandes de karité, le néré, les poudres du pain de singe et le raisin local ont un apport considérable dans l’économie nationale.

Lefaso.net : Quelle est la spécificité de la région en ressources forestières ?

LMO : Parler de spécificité, je ne sais pas, mais en termes d’abondance, il y a le balanites appelé keglga en mooré qui est beaucoup répandu sur le territoire régional. En plus de ce produit, on a le viteria mais sa distribution est beaucoup plus importante au niveau du Kourwéogo et de l’Oubritenga mais également un peu au niveau du Ganzourgou. Outre ces produits, il y a aussi les peuplements de néré, de karité, le baobab, les lianes et l’acacia, qui produit la gomme arabique, qui sont diversifiés dans la plupart des provinces (Kourwéogo, Ganzourgou, Oubritenga).

Lefaso.net : Selon les statistiques, le Burkina Faso perd chaque année plus de 200 000 hectares de forêts. Le Plateau central est-il concerné et à quel niveau ?

LMO : Oui le Plateau central est bel et bien concerné mais grâce à l’engagement des acteurs que nous avons tantôt cité plus haut, le rythme de dégradation est en train d’être freiné. Parce que nous avons des acteurs qui luttent beaucoup pour la récupération des terres dégradées comme Sayouba Sawadogo. Et dans le Plateau central, il y a beaucoup d’acteurs qui ont aussi emboité le pas de Sayouba Sawadogo. Ce qui fait que le rythme s’est beaucoup ralenti.

Lefaso.net : Mais quelles sont les causes de la dégradation de ces ressources forestières et des sols dans la région ?

LMO : Par rapport à la dégradation des ressources forestières et des sols dans notre région, il faut dire qu’il y a un autre facteur qui dégrade les terres et dont on n’a pas encore pris conscience et sur lequel il faut agir à temps, le ramassage des agrégats. C’est à dire le ramassage du sable et des cailloux. C’est un phénomène bien connu dans le Plateau central et comme il n’est pas organisé, cela dégrade les sols si bien qu’on peut dire actuellement que c’est le facteur premier de la dégradation des sols.

Vu la proximité avec la ville de Ouagadougou qui connaît un boom dans la promotion immobilière, la demande en agrégats est très élevée, et ce n’est pas la région du Plateau central qui pourra répondre à toute cette demande. C’est pourquoi, je dis qu’il faut trouver une alternative comme les carrières de sable et autres choses ailleurs. Et le problème n’est pas seulement dans la région du Plateau central. Il y a également d’autres régions comme le Centre, le Centre-Sud et aujourd’hui cela dégrade le paysage et lorsque vous sortez, vous voyez que c’est un vrai facteur de dégradation des terres.

Lefaso.net : Toujours concernant votre région, combien d’hectares sont déforestés ?

LMO : Nous sommes en train de travailler là-dessus pour avoir toutes les informations, parce que la cible est déjà connue. On a la situation, le rythme annuel, mais en terme chiffré, au risque de me tromper, je peux dire qu’on a autour de 31 813 hectares dont 3 373 récupérables par sous solage et 28 439 par traitement de ravines, selon l’étude biophysique de la grande muraille verte.

Lefaso.net : Mais quelles sont les espèces concernées par cette déforestation ?
LMO :
Concernant les espèces, il faut dire qu’il y a le karité qui est concerné. Surtout ceux qui font la carbonisation, qui n’est d’ailleurs pas autorisé dans la région du Plateau central, mais malgré tout, il y a des gens qui le font. Vous avez aussi les promoteurs immobiliers qui achètent des espaces et il se trouve que ces espaces qui constituent des parcs à karité, sont détruits, parce qu’ils ont une autorisation de coupe. Ce qui fait que beaucoup de parcs à karité sont menacés, surtout à l’orée des villes. Et il y a aussi certaines espèces, comme les Carriebirga, qui sont exportées dans le cadre du bois d’œuvre pour faire les mortiers. Mais aujourd’hui, ce dont je peux me réjouir, c’est que pour atteindre la neutralité carbone, nous plantons des espèces locales au niveau des pépinières et des fermes pour permettre de restaurer ces espèces en voie de disparition.

Lefaso.net : Vu ces activités qui contribuent à la déforestation, combien d’arbres sont donc coupés chaque année dans le Plateau central ?

LMO : Bon, c’est une donnée qu’on peut trouver dans l’inventaire forestier national. Mais ce que je sais, c’est que le nombre est considérable, parce que chaque année, on délivre des permis de coupe pour le suivi de l’exploitation forestière, donc à travers cela, on a les statistiques de l’exploitation forestière. Mais il faut savoir que toute exploitation ne veut pas dire que ce sont les arbres qu’on a coupés. Parce qu’il y a des techniques d’exploitation. C’est-à-dire qu’il y a des techniques de coupe et lorsque cela est respecté, après ça régénère pour donner plusieurs pieds et il faut faire la sélection. À ce niveau, on ne peut pas dire qu’il y a toujours des arbres coupés, si tout est respecté, tous les arbres qu’on coupe, doivent être normalement remplacés.

Lefaso.net : Est-ce que le cas de la région du Plateau central est pire que celui des autres régions ?

LMO : Je dirai non, parce qu’au début, j’avais dit que l’engagement des acteurs, même s’ils ne sont pas au même niveau, a eu un grand impact. Parce qu’au niveau du Kourwéogo, ils ne sont pas au même niveau d’engagement que les autres et vice versa. À titre d’exemple, dans la région du Plateau central, il y a le mois de l’arbre organisé par les acteurs depuis 2018 qui a commencé par l’Oubritenga. En 2020, les acteurs ont encore organisé le mois de l’arbre et cela se poursuivra. Les communes les appuient dans cet engagement pour répondre à l’appel du chef de l’État, 8000 villages, 8000 forêts, les éco-villages, et on souhaite que toutes les 20 communes soient engagées et cela est train de venir. Pourtant dans les autres régions, je n’en ai pas encore entendu parler. Ce qui est un signe de maturité. On ne peut pas dire que nous sommes les seuls mais en tout cas, on peut dire que nous faisons partie des bons élèves.

Lefaso.net : Nous sommes à la fin de cette interview. Quel est votre dernier mot ?

LMO : C’est de vous dire merci pour cette opportunité que vous nous donnez. Nous sommes en plein préparatif de la journée nationale de l’arbre et c’est d’appeler les populations à adhérer à cet engagement des autorités du pays en plantant des arbres avec pour slogan : « Je suis Burkinabè, je plante mon arbre et je l’entretiens ». C’est un appel qui est lancé, parce que nous sommes plus de 20 millions d’habitants et si chacun plante un arbre, on a déjà 20 millions d’arbres et ce sera une grande forêt qui sera créée. Et on verra que les tendances vont s’inverser. On aura une bonne pluviométrie avec tout ce qui va avec, une bonne récolte et beaucoup de fléaux vont disparaître pour le bien-être des populations.

Interview réalisée par Yvette Zongo
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