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Affaire UNND contre CENI : le juge botte en touche

Publié le lundi 7 novembre 2005 à 08h42min

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Le 2 novembre dernier, la CENI était attraite par procédure de référé devant le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou ; référé introduit par l’UNDD, par l’entremise de son conseil, Me Prosper Farama.

Par cette action judiciaire, le parti demandait à l’instance judiciaire l’obtention d’un contrôle approfondi et une régularisation du fichier électoral national. Sans risque de se tromper, c’est la première fois qu’un parti politique burkinabé initie une démarche judiciaire de cette nature. Mais quelles étaient les motivations du parti de la panthère ?

Comme la CENI elle-même le reconnaît, l’opération d’informatisation du fichier électoral national, annoncée urbi et orbi à grand renfort de publicité aux relents d’autosatisfaction, a produit un résultat catastrophique en terme d’efficacité. Au lieu de la machine anti-fraude qu’elle était censée concevoir, elle a au contraire pondu une passoire à fraudes et à erreurs diverses qui consacreront une violation systématique de la volonté populaire à chaque scrutin organisé avec ce même fichier. Au lieu des erreurs ponctuelles qu’incrimine -avec mauvaise foi d’ailleurs- le président de la CENI, il apparaît de plus en plus évident aux yeux de tous les Burkinabé que le logiciel commandé à la société d’informatique NETCOM n’est pas en mesure de déjouer les méthodes de fraude les plus élémentaires telles que les multiples inscriptions avec ou sans la même pièce d’identification. En principe, certains critères d’identification de l’électeur ont été arrêtés, qui auraient dû permettre un maillage suffisamment étroit pour constituer un blocage à la fraude. Il s’agit :

- des nom et prénom (s) de l’électeur

- de ses date et lieu de naissance

- des noms et prénoms de ses deux parents

- des références de la pièce d’identification utilisée par l’électeur pour son inscription

Si ces critères étaient relevés plus d’une fois, on aurait dû se trouver en face de doublons que le système informatisé pouvait automatiquement détecter et rejeter. Or, les erreurs ou l’imagination débordante des fraudeurs ont fait qu’il existe actuellement sur le fichier un véritable salmigondis d’ajouts, d’omissions ou d’abréviations, générateurs de fraudes multiformes qu’il sera difficile de corriger, même pour les élections municipales et législatives, à moins de s’atteler immédiatement à leur correction. Il est donc établi qu’à chaque scrutin, on ira à la fraude comme on va à la parade.

Au moment du décompte des voix, il sera très facile d’attribuer des voix d’électeurs qui n’ont pas voté, à des candidats déterminés. Il sera également facile de faire voter les personnes décédées.

C’est ce qui amène l’UNDD à tirer la sonnette d’alarme, à attirer l’attention non pas des seuls politiques mais de tous les citoyens, des partenaires techniques et financiers, sur la gravité de la situation. Il faut, pour rétablir la démocratie sur les rails, pour prévenir des troubles, que l’on constate d’abord par expertise la situation et que l’on prenne la décision de recommencer l’ouvrage. Ailleurs, cela s’est fait et l’on a pu sauver l’essentiel. C’est le cas du Mali. Telle est la situation qui a amené l’UNDD à attraire la CENI devant les juridictions compétentes le 2 novembre dernier à 8 heures.

Les deux parties, à savoir d’une part la partie plaignante représentée par Mathieu N’Do, Secrétaire à la communication et Porte-parole de l’UNDD et Me Prosper Farama, avocat conseil du parti, et d’autre part, la CENI représentée par son président Moussa Michel Tapsoba, deux rapporteurs Messieurs Emile Sawadogo et Jean-Christophe Compaoré, ainsi que leur conseil Me Antoinette Ouédraogo, se sont retrouvées à l’heure dite dans le bureau de Monsieur Millogo Seydou, président du Tribunal de grande instance.

Mais après la transmission de ses conclusions, Me Antoinette Ouédraogo souleva deux exceptions visant à amener le président Millogo à se déclarer incompétent. Selon elle, en effet, en considération de l’article 56 du code électoral, qui stipule en substance que les recours contre les décisions de la CENI sont portés devant le tribunal administratif, et en vertu de l’article 464 du code de procédure civile qui stipule que le juge de référé ne peut que rendre des décisions provisoires, le président du Tribunal est incompétent pour connaître de l’affaire.

La réplique de Me Farama ne se fit pas attendre. Il fit comprendre d’abord que l’article 56 invoqué ne correspondait pas au cas à juger dans la mesure où la demande de l’UNDD n’était pas un recours, encore moins un recours contre une décision de la CENI puisque les insuffisances constatées sur le fichier électoral n’émanent pas d’une décision de la CENI. Quant à l’article 464, il ne pouvait selon lui être invoqué dans la mesure où la notion de provisoire ne devait pas être de compréhension littérale mais juridique, à savoir que le provisoire n’empêcherait en rien la poursuite au fond d’une affaire. Ces exceptions n’étant pas valables, il a par conséquent demandé au juge de reconnaître sa compétence pour cette affaire.

Le délibéré fut programmé pour le surlendemain, le 4 Novembre, et le président du Tribunal se déclara ce jour-là, incompétent et renvoya l’UNDD à mieux se pourvoir.

Quels enseignements tirer de la décision du juge Millogo ? En vérité, il n’y a eu que peu d’étonnement chez les requérants dans la mesure où l’UNDD n’attendait guère de miracle de l’instance judiciaire. Une telle issue était même prévisible car dans le Burkina Faso de Blaise Compaoré, rares sont les autorités judiciaires qui rendent des décisions contraires aux intérêts du pouvoir en place. Mais le parti de la panthère, rejoint dans son action par d’autres partis dont la Ligue Citoyenne des Bâtisseurs, loin de jeter le manche après la cognée, s’apprête à aller en appel puis, s’il le faut, à se pourvoir devant d’autres instances.

Lamine Koné

San Finna

P.-S.

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