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Insécurité au Burkina : La justice populaire s’installe

Publié le samedi 5 novembre 2005 à 09h16min

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Il n’est pas rare de tomber, par un matin très tôt, sur un corps inerte, étendu dans des broussailles, ou à proximité d’une décharge publique. En général, il s’agit d’un « voleur » passé à la vindicte populaire.

Pour une tentative de vol d’un cyclomoteur ou de vivres, la sanction s’abat : directe, impitoyable, sans recours possible. Il en est ainsi, au pays de la justice populaire. La bàs, tous les droits sont à l’accusation. Aucun à la défense, sinon celui de dire ses dernières prières.

Les formes d’exécution, elles, varient en fonction de la disponibilité de certains matériaux : cordes, machettes, essence...

La technique du pneu consiste par exemple, à maintenir le supplicié, mains et pieds liés. Après lui avoir passé un pneu autour du cou, il est littéralement aspergé d’essence. Le reste se passera de commentaires, et n’aura pour seul témoin, qu’un grand brasier.

Une autre technique, sans doute la plus rudimentaire et la plus expéditive : le délinquant est passé à tabac jusqu’à ce que mort s’en suive. Briques, barres de fer, cailloux, tout est alors bon pour manifester son courroux.

D’autres encore utilisent ce qu’on pourrait appeler la « technique du margouillat ». Il s’agit d’injecter à l’aide d’une seringue (non stérilisée) de l’eau dans les veines de l’infortuné. Livré à une mort certaine, le « bandit » s’en ira benoîtement chez lui. Ce n’est que plus tard, qu’il comprendra qu’il ne s’agissait en réalité que d’une diversion.

Le lynchage de voleurs, faut-il le rappeler (bien qu’interdit), reste une forme de réponse des populations à l’insécurité grandissante. Excédés par l’incapacité manifeste de l’Administration à juguler le phénomène, les citoyens s’octroient le droit de passer à la vitesse supérieure.

Certaines personnes, évoquent même une complicité entre les forces de l’ordre et les délinquants pour justifier de leur choix. Pour elles, il est difficilement concevable q’un suspect, remis entre les mains de la Police ou de la Gendarmerie, se retrouve en liberté quelques jours après. Libre de reprendre le cours normal de ses activités, mais surtout de narguer ses victimes.

Même dans un lieu tel que l’Université, la mise à mort de voleurs est chose fréquente. Les étudiants, sans doute à bout, en sont arrivés aussi à l’extrême. Progressivement, ils se sont transformés en « matadors ».

La Police Spéciale des Universités (PSU), préconisée par les autorités en charge de la question viendra peut-être calmer les esprits.

Mais la mesure la plus attendue, c’est sans doute la Police de proximité, théorisée par le Ministère en charge de la sécurité. Toutes ses initiatives permettront d’éviter dorénavant que les choses ne se passent ad patres. A condition que chacun joue sincèrement sa partition.

Les organisations de défense des droits humains avaient du reste tiré la sonnette d’alarme sur le caractère délictueux de ces expéditions punitives. Malheureusement, leur message semble ne pas avoir été entendu...

Juvénal Somé
Lefaso.net

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