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Musique : « S’il y a des possibilités de faire des choses avec Smarty, on ne va pas hésiter », promet Mawndoé

Publié le dimanche 18 juillet 2021 à 21h00min

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Musique : « S’il y a des possibilités de faire des choses avec Smarty, on ne va pas hésiter », promet Mawndoé

Pour avoir été révélé aux yeux du monde ici au Burkina Faso, il continue de faire la fierté du Pays des hommes intègres même étant au Tchad. Mawndoé Célestin, membre fondateur du Yeelen (2001-2011), cherche à imposer le modèle économique culturel du Burkina au Tchad. Une ambition qui n’est pas aisée mais il y croit fermement. En séjour à Ouagadougou, il nous a accordés une interview le vendredi 16 juillet 2021. Entre son actualité musicale et un possible retour de Yeelen, l’artiste s’est livré. Lisez !

Lefaso.net : Parlez-nous de votre actualité musicale ? Qu’est-ce qui se passe actuellement ?

Mawndoé Célestin : En ce moment, c’est d’abord la tournée nationale, un bon challenge : dix villes, vingt concerts, une apothéose au stade. Je rêvais de cela lorsque j’étais tout petit. Je passais devant le stade Idriss Mahamat Ouya et je me suis demandé si un jour je peux remplir ça. Et j’espère que cela va se faire !

Vous qui avez été révélé ici au Burkina Faso, comment a été votre intégration au Tchad ?

Je ne cherchais pas à m’intégrer au Tchad. C’est chez moi. Ce sont deux réalités différentes. Au début, comme tous ceux qui sortent et rentrent, on a tendance à vouloir changer des choses. C’est une erreur ! C’est dix ans après que j’ai compris qu’on ne peut pas changer des choses mais on peut changer sa vie. Souvent, on veut changer des choses alors qu’il y a des gens qui ne veulent pas changer. Si je suis bien, je gagne mon repas trois fois par jour, pourquoi vouloir changer ! Parfois, c’est un regard de jugement qui met les gens mal à l’aise. J’ai choisi une option. En image, c’est comme je sors et je m’arrête devant ma porte et le voisin aussi s’arrête. Si je peux nettoyer devant ma porte, je le fais.

Parlant de changement, vous dénoncez le fait que 90% de la musique étrangère inonde les ondes du Tchad. Que comptez-vous faire pour que les Tchadiens consomment leur propre musique ?

Il faut regarder les choses sur plusieurs angles. Il y a la responsabilité des artistes, il y a celle de l’histoire et en petite partie, celle du public. Je suis beaucoup plus pour la responsabilité de l’histoire portée par des Tchadiens et des acteurs de la chose eux-mêmes. On est face à un peuple qui pendant des années, je pense que ça remonte au temps de Ngarta Tombalbaye, où il a pris une vague d’artistes pour les envoyer au Congo.

Ces gens reviennent et ne chantent pas la musique tchadienne mais dans la langue tchadienne. On ne peut pas mentir face à l’histoire ! Cette histoire de la musique étrangère au Tchad, c’est dans toutes les couches. Pendant longtemps, on a fait comprendre que lorsque tu consommes la musique étrangère, ça fait de toi quelqu’un qui est branché. Il y a un complexe même derrière tout ça. Je l’ai porté aussi dans les années collège et lycée.

Maintenant le problème qui va se poser, c’est qu’un pays qui n’a pas de culture est tout simplement appelé à mourir. Et ça, je pense que 90% des Tchadiens ne se rendent pas compte. Quand on arrive au Tchad, dès que tu sors de l’aéroport, tu peux tout écouter sauf la musique tchadienne. Chez les propriétaires des bars, j’ai entendu dire : « Ne mettez pas la musique tchadienne parce que ça va chasser la clientèle ». Même à la radio nationale, on n’en met pas beaucoup.

A un moment donné, les Tchadiens eux-mêmes disent que leur musique ne s’exporte pas. Voici encore un autre problème. Tu prépares ta nourriture et tu ne manges pas. Pourquoi veux-tu que les autres mangent ? Tu n’es qu’un complexé !

Ce qui me préoccupe pour le moment, je sais qu’il y a un public au Tchad. Je sais qu’il y a un marché au Tchad. Je prends le modèle économique culturel burkinabè parce que j’ai participé à cela. Je fais partie des acteurs qui ont contribué aussi à changer l’industrie musicale ici au Burkina Faso donc je connais les recettes. Le patriotisme, ça ne paye pas, il faut changer de langage. On ne demande pas à un pauvre d’aider. Un pauvre a besoin qu’on lui propose du rêve.

Avec Yeelen à l’époque, on était beaucoup plus lancé dans les défis. On était en train d’écrire l’histoire, celui qui veut, qu’il vienne. Ton public, tu le crées, tu le développes et tu le fidélises et ça te permet de vivre. Sur les 14 millions des Tchadiens, si tu arrives à avoir 500 000 capables de débourser 1000 FCFA, tu as 50 millions. Mais les 50 millions de FCFA, tu ne dors pas et ça vient te trouver.

Que devient votre festival « Neige au Sahel » ?

Je suis passé à autre chose.

Qu’est-ce qui n’a pas marche ?

Non, je suis comme ça. Je n’ai pas de compte à rendre à quelqu’un, je ne fonctionne pas avec le budget de l’Etat tchadien. Ce n’est pas une responsabilité qu’on m’a confiée. Je crée mes trucs. S’il y a des moments où je sens le besoin de faire autre chose, je le fais.

On ne peut pas parler de Mawndoé sans mentionner Smarty. Récemment, on a vu une photo de vous deux avec vos enfants sur la toile. Sur les commentaires, on voit que les mélomanes ont toujours soif de Yeelen. Est-ce que vous allez encore leur offrir quelque chose ?

Le problème reste toujours le même. A un moment, il faut qu’une partie du public comprenne, tous ne sont pas obligés de comprendre, que nous sommes des artistes. Moi particulièrement, dans ma vision, je suis un artiste et non une star. C’est pourquoi je n’utilise pas le mot « fan ». Une star a besoin que ses fans décident pour lui. Souvent même une star peut dire : « Sans mes fans, je ne peux pas vivre ». Je suis un artiste donc en contre-courant, parfois même marginal.

Quand on se croise [avec Smarty], on fait les choses spontanément, humainement, on n’est pas sur le sensationnel. C’est comme ça que je suis dans la vie et je ne vais pas changer. S’il y a le besoin de faire un truc, on va le faire parce qu’on aura décidé et non pour faire plaisir à quelqu’un. Je suis désolé. Ça peut faire mal mais c’est comme ça.

Mawndoé Tour 2021 se tiendra du 13 septembre au 13 novembre, avec une apothéose au stade de N’Djamena. Une semaine plus tard, Smarty sera en concert au stade municipal de Ouagadougou. Est-ce que c’est un hasard ou bien quelque chose est en train de s’écrire ?

Je ne sais pas ! J’étais déjà en projet d’une tournée nationale dans le cadre du projet « Au nom de l’art ». On devrait le faire bien avant mais on a beaucoup repoussé et le coronavirus aussi ne nous a pas beaucoup aidés. La seule période qui m’aidait c’est ces mois-là. Ce projet est très important pour moi parce que c’est une expérience qui me permettra de comprendre le fonctionnement du business culturel au Tchad. Et ce sera aussi une occasion d’échanger avec les jeunes sur ce que c’est que le business culturel.

Parlez-nous un peu du projet « Au nom de l’art »

C’est un concept qui est parti ici au Burkina. J’étais parti sur le site de Laongo et j’ai eu le déclic là-bas. Pour moi, il n’y a pas d’art sans partage, sans transmission. D’une manière générale, tant que le savoir n’est pas transmis, il n’a pas de valeur.

Je voulais faire un projet qui était proche de moi, du sculpteur et du musicien que je suis. Je voulais trouver un lien entre les deux. Et ce n’est pas évident parce que l’un est la scène et l’autre sur la galerie. Comment les mettre ensemble ? Souvent, on part chercher les choses très loin alors qu’elles sont proches. Par le passé, je chantais en sculptant et je sculptais en chantant. Je me suis dit que je peux partager cette expérience avec les enfants et à la fin, on va faire la restitution dans une salle de spectacle et dans une galerie. Donc ça fera deux résultats.

Ce projet est également pour moi parce que ça va contribuer à changer le regard du Tchadien sur lui-même. Parce que l’art nous permet d’avoir un autre regard sur soi. A un enfant, lorsque tu dis qu’il est beau, il croit à cela.

A quand le prochain concert de Mawndoé au Burkina ?

Pour le moment, ce n’est pas une priorité pour moi. Je suis plutôt dans les créations. Il y a des choses que je suis en train de voir avec le conteur KPG. S’il y a des possibilités de faire des choses avec Smarty, on ne va pas hésiter.

Contrairement à beaucoup de gens qui prennent en mal aujourd’hui lorsque je parle du Tchad, je ne veux pas que ce soit vu de cette manière. Quand j’étais ici et que je défendais les couleurs d’ici, je ne parlais pas du Tchad. Aujourd’hui, je fais des projets au Tchad. Quand je suis au Tchad, je suis obligé de centrer toute mon énergie pour motiver les gens et leur dire qu’il y a un Tchad du possible qui existe. Et ça ne veut pas dire que je méprise ce qui se passe ici.

Interview réalisée par Cryspin Laoundiki
Lefaso.net

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