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Côte d’Ivoire : Paris sanctionne lourdement deux généraux

Publié le jeudi 3 novembre 2005 à 10h01min

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Gal Poncet

Le ministère français de la Défense a fortement sanctionné les deux anciens commandants de la force Licorne en Côte d’Ivoire accusés d’avoir couvert le meurtre d’un délinquant ivoirien, mort étouffé dans un véhicule de l’armée française en mai dernier.

Trois autres militaires, "directement impliqués" dans la mort de Firmin Mahé, ainsi que le responsable de la zone où se sont déroulés les faits le 13 mai dernier seront traduits devant un conseil d’enquête en vue de "sanctions adaptées à leurs responsabilités", a précisé le ministère.

Cette procédure de justice militaire, qui pourrait durer deux mois, "ne préjuge en rien des résultats de l’instruction judiciaire ouverte par ailleurs", a souligné le chef d’état major des armées, le général Henri Bentégeat.

Le procureur du tribunal aux armées de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour "homicide volontaire" le 17 octobre. Fait rare, la ministre de la Défense a ordonné la déclassification du rapport d’enquête de commandement sur la journée du 13 mai, ordonnée par le général Bentégeat.

Il sera transmis au juge d’instruction "afin de permettre à la justice de disposer de tous les éléments" en possession des autorités militaires, précise un communiqué du ministère.

Le rapport d’enquête établit que "Firmin Mahé a été tué par étouffement par des militaires français dans un véhicule blindé, entre Bangolo et Man".

Le général Henri Poncet, qui commandait la force Licorne jusqu’au printemps dernier, a "été informé des faits mais ne les a pas portés à la connaissance de ses autorités hiérarchiques".

Par conséquent, Michèle Alliot-Marie a décidé de lui infliger un blâme et de le muter, lui retirant le commandement de la région Terre Sud-Ouest, qu’il occupait depuis son retour de Côte d’Ivoire. Il devrait être transféré à Paris, intégrant la prestigieuse Direction du renseignement militaire mais à un poste de chargé de mission.

"CE N’EST PAS MINCE"

L’adjoint du général Poncet, le général Renaud de Malaussène, est sanctionné dans les mêmes termes. Il quittera son commandement opérationnel au Kosovo pour être muté à Lyon.

Assis aux côtés du général Bernard Thorette, chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Bentégeat s’est défendu de toute légèreté dans cette procédure disciplinaire.

"Ce n’est pas une sanction mince dans les armées (...) Ces sanctions les mettent dans des postes de chargés de mission et non plus de commandement", a souligné le plus haut responsable militaire de l’armée française, qui s’est livré à un inhabituel exercice de questions-réponses de près de deux heures après l’annonce du ministère.

"Ce sont des sanctions très lourdes mais il était difficile de faire autrement au regard des faits", estime Charles Maisonneuve, expert en questions militaires. A ses yeux, les postes auxquels les deux hommes ont été transférés ne sont que des "strapontins", dont ils pourraient rapidement démissionner.

Les faits "inacceptables à tous égards, doivent être replacés dans leur contexte" de violences quotidiennes commises par des bandes de "coupeurs de routes", a souligné le général Bentégeat pour qui "l’affaire Mahé" ne remet pas en cause "les résultats remarquables" de la force Licorne en Côte d’Ivoire.

Interrogé sur les raisons ayant pu conduire des hommes à tuer de sang froid et leurs supérieurs à dissimuler un meurtre, le général Bentégeat a hésité un instant avant de répondre.

Le peloton "a pris le risque de faire justice lui-même", a-t-il estimé. Quant au colonel Eric Burgaud, responsable de la sécurité dans la zone, il nie avoir donné l’ordre de tuer le délinquant mais "dans son esprit, il était clair qu’il valait peut-être mieux que Mahé disparaisse".

La confiance "qui ne se donne qu’une seule fois" a été "ébranlée", a déclaré le général Thorette. Les décisions prises par la hiérarchie militaires sont "fondamentales" et "peuvent contribuer à ce que de tels faits ne se reproduisent jamais".

Reuters

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