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Année scolaire 2005-2006 : Un déficit de 1000 enseignants, toutes filières confondues

Publié le jeudi 3 novembre 2005 à 09h52min

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Laya Sawadogo

Environ 300 milliards de F CFA, c’est la somme dont a besoin le ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique pour la mise en œuvre du Programme décennal de développement des enseignements secondaire et supérieur (PDDESS).

C’est ce qui ressort de cette interview du Pr Laya Sawadogo, premier responsable de ce département. Pour lui, l’éducation commence à la maison. Par conséquent, elle ne doit pas être la seule affaire des enseignants.

Sidwaya : Quelles sont les missions de votre ministère et quelles sont les objectifs et les implications de vos actions dans le développement économique et social du pays ?

Pr Laya Sawadogo : (Pr L.S. ) : Le ministère des Enseignants secondaire, supérieur et de la recherche scientifique est un segment du système éducatif. Très souvent, dans l’opinion, le système éducatif est vu comme un instrument de l’Etat. Or le système éducatif est plus grand que cela. Il va de la famille à la rue, à l’école.

L’école en tant qu’entité est juste un instrument situé au carrefour du système éducatif. Pour le segment enseignement secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, ses missions sont claires : la formation des hommes qui doivent élaborer et transmettre les connaissances et les savoirs. Il faut que le système d’enseignement permette de former des hommes et des femmes capables de fabriquer la connaissance, d’inventer la connaissance, d’inventer le savoir-faire et de savoir également les transmettre. Ces aspects constituent le premier motif même de l’existence du ministère en charge des Enseignements secondaire supérieur et de la Recherche scientifique.

A partir de cela, des missions subsidiaires en découlent. Il s’agit par exemple, d’augmenter qualitativement et quantitativement le nombre d’enseignants du pays. Et cela est essentiel car sans la formation des hommes, il n’y a pas de développement. La formation est à la base de tout. Quand vous dites que la santé est prioritaire, vous oubliez qu’il faut pour cela des infirmiers, des sages-femmes, des médecins.... Or on ne peut disposer de ce personnel-là qu’à travers la formation.

Quand vous dites que l’agriculture est prioritaire, cela signifie qu’il faut des agriculteurs compétents, capables d’utiliser l’instrument agricole de bon niveau de production. Si vous dites que l’agriculture est prioritaire et vous vous contentez de gratter la terre avec vos dix doigts, vous n’allez jamais produire. L’agriculture devient prioritaire et réellement productive lorsque vous avez des hommes et des femmes qui ont appris et maîtrisent les techniques agriculturales.

Chaque fois qu’une activité doit contribuer au développement du pays, il faut que les hommes et les femmes exerçant dans cette activité, soient formés. Donc qu’on le veuille ou non, l’éducation est à la base de tout développement. Œuvrer à la mise en place d’un système d’éducation de qualité, c’est augmenter qualitativement et quantitativement le potentiel humain disponible pour le développement. Et ce potentiel humain, ce sont les enseignants mais aussi ceux qui interviennent dans les autres secteurs d’activité.

Même dans le domaine de la presse, il y a des journalistes sac-à-dos, des journalistes qui ne sont pas passés par une école de journalisme et qui arrivent à avoir des plumes assez adroites. Mais ce sont des efforts exceptionnels, des cas rares. Les journalistes qui arrivent à convaincre généralement sont ceux-là qui sont bardés de leur parchemin de formation et reconnus comme tel.

Malheureusement c’est comme cela qu’on apprécie. Donc notre rôle est de donner à la nation, des hommes et de femmes capables de former, capables d’enseigner. Notre rôle, c’est savoir travailler à accroître la capacité de recherche du pays. Tant qu’on ne fait pas de recherche sur notre propre système de recherche, on ne pourra pas avancer.

Ce n’est pas en important un système venu d’ailleurs qu’on peut induire son propre développement. L’histoire a montré que tant que le développement n’est pas fondé sur des mécanismes endogènes de formation, il reste un processus inachevé. Il faut que la recherche burkinabè arrive à s’affirmer, à diagnostiquer, à comprendre et à inventer par rapport à son milieu, ce qu’il faut pour pouvoir avancer. L’appui à la recherche est aussi une mission essentielle de notre département. Par ailleurs, le ministère veille à la cohérence de l’ensemble des segments éducatifs depuis la famille jusqu’à l’université.

Il faut que les parents apprennent à mieux éduquer leurs enfants. L’éducation n’est pas du seul ressort de l’école. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des jeunes couples qui ne savent pas éduquer leurs enfants car eux-mêmes sont passés à côté de l’éducation. Donc l’école des parents est une notion qu’il faut inventer pour notre société.

Il faut que, progressivement, les parents d’élèves sachent comment éduquer leurs enfants. Aujourd’hui, on entend par-ci, par-là que les enfants sont indisciplinés, épouvantables, mal élevés... Mais ils ne se sont pas élevés tout seuls. S’ils sont mal élevés c’est qu’il a manqué quelqu’un pour bien les éduquer. Cela veut dire que les principaux responsables de cette défaillance sont d’abord leurs géniteurs et ensuite, la société. Le premier segment de l’éducation c’est la famille.

D’où la nécessité de réviser et de revoir l’instruction civique, la morale, tout ce qui est de la citoyenneté pour que nous redevenions des citoyens responsables. Les enfants de la rue à Ouagadougou ne sont pas tous des orphelins. Selon les estimations, les orphelins ne dépassent pas 5% de cette population. Le grand nombre est constitué d’enfants de père et de mère vivant quelque part dans ce pays. Pourquoi en est-on arrivé là ?

Nous devons donc trouver des formules pertinentes pour que chacun des segments de l’éducation joue son rôle effectif : l’éducation en famille, le préscolaire, le primaire, le secondaire et le supérieur. Il faudrait que tous ces segments se tiennent comme dans des vases communicants.

Sidwaya : Quels sont dans les prochaines années, les grands projets prioritaires de votre ministère ?

L.S. : Dans le système éducatif, il faut partir par compartiment. Il faut aller du plus simple au plus compliqué. Le gouvernement avait décidé il y a environ 3 ans de cela, de donner une impulsion spécifique à l’enseignement primaire. Une préférence à l’analyse de ce secteur, mais pour répondre à l’attente de l’opinion le taux de scolarisation était de 30 à 35% en 2000. C’est la création du PPDEB, ce programme a eu un écho favorable auprès de tous les partenaires habituels. C’est actuellement le projet phare du système éducatif national. Nous sommes en train d’avancer à grandes enjambées vers la scolarisation de masse. Nous sommes déjà inquiets du succès de ce programme.

En 2002-2003, le PDDEB a donné 60 000 enfants qui devaient aller en 6e. Or, tous les établissements (privés comme publics) n’avaient pas plus de 22 000 places de 6e et nous ne disposions pas plus de 25 000 places de 6eme. En 2004-2005, 98% de réussite et jusqu’à présent nous n’avons pas plus de 30 000 places de 6e il y a donc un problème.

Le gouvernement et ses partenaires sont appelés à revoir les données, car il n’est pas possible d’impulser un dynamisme considérable et croissant à l’enseignement primaire sans se préoccuper de comment les accueillir au secondaire. Nous avons élaboré nous-mêmes un projet de programme qui est ce Programme décennal de développement de l’enseignement secondaire et supérieur. Ce Programme nous permettra de poser sur la table du gouvernement une autre alternative pour consolider l’enseignement secondaire et ensuite le supérieur. Avec le PDDEB nous sommes arrivés à 53% de taux de scolarisation en 3, 4 ans au primaire, alors qu’à l’heure actuelle, le taux au secondaire est de moins de 15%.

Lorsqu’on regarde la différence, la déperdition est immense, la catastrophe est grande. Il faut voir comment faire pour qu’il y ait un parallélisme de croissance des courbes pour que le maximum possible soit conduit à l’enseignement secondaire. Le PDDEB vise à augmenter les capacités d’accueil des établissements secondaires, privés et publics, et à renforcer l’enseignement technique et professionnel. C’est une exigence du chef de l’Etat qui a donné instruction pour que chaque province soit dotée d’au moins un établissement technique.

Dans la même lancée, chacun des 13 régions devra disposer d’un lycée professionnel ou d’un lycée technique. Les idées existent. Il faut trouver les moyens de mettre cela en œuvre afin que l’enseignement supérieur en profite. Le chef de l’Etat dans ce domaine, planche sur la décentralisation de l’enseignement supérieur. Cela consiste à ouvrir des embryons d’université dans les régions.

L’université de Koudougou est le 1er exemple. Nous avons aussi la consolidation de l’université polytechnique de Bobo et l’année prochaine nous prévoyons l’UFR de droit et sciences juridiques à Ouahigouya et l’année suivante la Faculté de lettres à Fada et progressivement nous allons faire des propositions pour la consolidation de tous les segments de l’enseignement dans notre pays.

S. : Quels sont les types de financement que vous avez identifiés pour la mise en œuvre du PDDESS ?

Pr L.S. : Le PDDESS se subdivise en 3 phases :

1re phase 2005-2007 : 76 000 000 FCFA

2e phase 2008-2010 : 91 000 000 FCFA

3e phase 2011-2014 : 86 000 000 FCFA.

Au total, 267 à 270 000 000 de FCFA. Ce sont nos estimations qui permettront de résorber totalement le déficit en matière d’offre éducatrice. Si ce programme est mis en marche, il y aura un CEG dans chaque département, un lycée et un centre d’enseignement technique par province et un lycée technique ou professionnel par région. 300 milliards ce n’est pas exagéré.

Cet investissement devra permettre à la société burkinabè de répondre présent au rendez-vous du développement. Pour le financement, nous nous appuyons d’abord sur l’Etat, l’effort national. Nous allons proposer des simulations dans ce sens. Si l’Etat propose à la nation un prélèvement seulement de 1 % sur les revenus salariaux, en 3 ans, le trésor public bouclera les 300 milliards de FCFA. Par ailleurs, si on prélève 2 F par litre vendu au bénéfice du système éducatif, en 2 ans, on réunit les 300 milliards de FCFA.

Nous avançons des idées pour que les spécialistes des finances nous disent comment cela est réalisable. J’ai bon espoir et je pense que cet effort national que nous allons solliciter rencontrera l’adhésion des plus hautes autorités. Ainsi, la recherche du partenariat extérieur devient complémentaire. Nous allons fonder alors notre développement sur ce dont nous possédons, au lieu de recourir chaque fois à des bailleurs de fonds.

S. : Pour l’année scolaire 2005-2006, qu’en est-il du déficit en enseignants ?

Pr L.S. : Le déficit est réel. Il faut deux ans pour que les premiers produits sortent des écoles de formation. Nous avons 200 enseignants qui vont sortir de l’IDS en juillet-août. Le déficit déclaré est de 1 000 enseignants dans toutes les filières du secondaire et du supérieur. Il faut attendre au moins 3 promotions de l’IDS pour être sûr qu’au niveau de l’Etat, le déficit sera résorbé. C’est ce même personnel qui devra combler le déficit au niveau des privés aussi.

S. : Le Plan décennal de développement de l’enseignement secondaire supérieur prend-il en compte la résolution du déficit enseignant ?

Pr L.S. : Normalement d’ici à 2007-2008, nous avons prévu dans le cadre de PDDESS de résoudre le problème, au moins de 3/4.

L’enseignement supérieur est le plus gros problème, car, il faut trouver les cadres. Dans ce domaine, parfois on n’a même pas de postulants.

L’année dernière nous avons essayé de recruter pour l’Université de Ouagadougou et jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de candidatures.

S. : Il est souvent question d’existence d’établissements d’enseignement pirates dans certains pays d’Afrique. Ce phénomène existe-t-il au Burkina Faso ?

Pr L.S. : Nous sommes en phase d’investigation, mais probablement que cela existe. Il m’arrive de voir en ville une école dont je n’ai pas souvenance d’avoir signé une autorisation d’ouverture. Ces établissements ouvrent et recrutent des élèves. Nous le constatons par la suite et là, il faut lutter pour harmoniser et régulariser la situation. Il faut que les différents responsables de l’enseignement cessent de tourner le couteau dans leur propre plaie. Que chacun à son niveau apporte sa modeste contribution pour l’intérêt général, c’est à ce prix que petit à petit, nous parviendrons à bout de nos problèmes. Je souhaite que l’année qui commence nous permette d’avancer un peu plus que l’année dernière tant au niveau de la gestion que de l’initiative à créer et à apporter quelque chose de plus au système éducatif dans notre pays.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
Sidwaya

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