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Soumane Touré : “Cette affaire d’élection est une entreprise autour de laquelle tout le monde bouffe”

Publié le lundi 31 octobre 2005 à 07h51min

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Candidat du Parti africain de l’Indépendance (PAI) à la présidence du Faso, M. Soumane Touré ne fait pas de grands meetings. Sa stratégie est surtout basée sur une campagne de proximité faite de réunions et d’assemblées générales avec des militants rassemblés dans des salles, sous des arbres, sur la place du marché ou des espaces vides.

Dans l’interview qu’il a accordée le 28 octobre dernier à Sidwaya, M. Touré se prononce sur les raisons de sa candidature inattendue. Son parti a signé des accords de partenariat avec le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP-pouvoir) au parlement et au gouvernement. Suite à sa candidature, la collaboration gouvernementale a été rompue en septembre dernier. Ancien syndicaliste, l’homme se prononce également sur la montée de la tension sociale, avec la grève des syndicats qui a eu lieu les 26 et 27 octobre passés.

Sidwaya (S.) : Une semaine après l’ouverture de la campagne présidentielle, comment trouvez-vous son déroulement ?

Soumane Touré (S.T.) : Vous avez constaté que la mobilisation est bonne. Toutes nos rencontres ne sont pas des rassemblements de foule comme le font certains, ce sont des réunions structurées avec nos délégués dans les villages, les départements et les communes parce que pour nous, cette élection présidentielle est une répétition avant les élections locales du 12 février 2006 pour lesquelles la date de dépôt des dossiers est fixée au 15 décembre 2005.

Alors, nous profitons rencontrer nos différents responsables pour parler de l’importance du travail à faire. Nous sommes en train de faire une campagne de proximité ; nos démembrements vont en faire autant parce que ce que nous leur demandons c’est que l’ensemble des dossiers des 18 732 candidats du PAI, soient prêts avant la clôture du scrutin présidentiel pour ne pas offrir au CDP une réélection qu’il a préparée en inversant l’ordre des scrutins.

S. : Vous déclarez n’avoir d’adversaire que M. Blaise Compaoré, parce que, dites-vous, c’est lui qui a le ballon, pensez-vous qu’avec la mobilisation que vous avez, vous pourriez le battre dès le premier tour ou au pire aller au second tour comme vous l’affirmez ?

S.T. : Est-ce que nous allons le battre au premier ou au second tour ? Cela dépend de l’électorat. Mais vous voyez vous même que nous ne craignons rien quel que soit le lieu où nous nous trouvons. La constitution des dossiers de candidature pour les élections locales dans certains départements ou villages montrent que nous sommes dans tous les villages. C’est cela qui est intéressant, c’est là que l’on peut tirer des conclusions intéressantes. A Ouagadougou avec la presse ou le sondage du CGD, on dit que nous ne sommes pas connus. Mais les gens connaissent le PAI.

S. : Le président Compaoré va parcourir toutes les 45 provinces du pays, vous n’en parcourirez qu’une vingtaine, est-ce que vous pensez que sans une présence marquée auprès des électeurs des autres provinces, vous allez obtenir leurs voix ?

S.T. : Vous voyez, le président Compaoré parcourt les provinces mais regardez bien les images, vous avez dans toutes les provinces qu’il a visitées, le même dispositif, le même décor. Si ce n’est pas vous les journalistes dans vos commentaires qui dites qu’on est dans telle province ou telle localité, on ne sait pas où il est. On a l’impression que c’est le même meeting qu’on répète partout. Les gens qui le suivent sont assis devant sur des chaises, sous des tentes, c’est le même monde. On ne voit pas la mobilisation et puis : Comment les gens ont été canalisés, comment on les a mobilisés, nous le savons.

Nous, nous voulons que les gens viennent de façon volontaire à nos rencontres une fois qu’ils ont l’information. C’est le CDP qui mène la campagne de Blaise et si c’est le CDP les gens n’en veulent pas. Et comme je disais, que ce soit au premier ou au second tour, c’est l’électorat qui va déterminer et tout l’électorat veut la vérité. Vous avez dit que je parcours une vingtaine de provinces, si vous regardez bien, nous n’avons pas dit où nous allons nous arrêter exactement.

Dans le Zoundwéogo, nous sommes allés jusque dans les départements. Le travail est un travail d’équipe et au Zoundwéogo les gens de Pô se sont déplacés à Manga pour qu’on échange. Le pouvoir est quelque chose de collectif et c’est collectivement qu’on le conquiert. La dernière fois, Blaise n’avait pas couvert toutes les 45 provinces, et moi je couvre une vingtaine, c’est déjà bien.

S. : On sait que pour remporter des élections, il faut des représentants dans les bureaux de vote. Le PAI aura-t-il des délégués dans tous les bureaux de vote ?

S.T. : C’est très simple pour nous. Nous avons déjà nos candidats par village pour les élections locales. Nos candidats sont nos représentants dans les bureaux de vote parce qu’eux aussi, ils préparent leur campagne pour leurs élections dans trois mois. C’est pour cela qu’on fait leur formation pour voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Les délégués du PAI dans les bureaux de vote sont déjà triés.

S. : Une des raisons qui vous ont amené à vous porter candidat à la présidence, dites-vous, concerne la bagarre entre M. Philippe Ouédraogo et vous pour le contrôle du PAI. Vous considérez-vous aujourd’hui vainqueur de ce duel, le Conseil constitutionnel ayant validé votre candidature sous la bannière du PAI et débouté M. Ouédraogo pour son recours en annulation de votre candidature ?

S.T. : Il eût fallu que M. Philippe Ouédraogo se présente comme candidat du PAI et que moi aussi je me présente sous la même bannière. On aurait éliminé un. Mais ici, il n’a même pas osé le faire, il a conscience qu’il était déjà rayé. Il s’est présenté sous la bannière PDS/CDS. Parce que la loi dit qu’on peut introduire un recours contre la candidature d’un autre candidat si on est candidat, il a attendu que je me présente pour dire qu’il est contre. Moi, j’ai pris mes responsabilités en me faisant investir comme candidat du PAI. Il aurait pris ce risque et comme cela, on aurait tranché définitivement. Maintenant, il ne l’a pas fait et il a introduit un recours auprès du Conseil constitutionnel demandant le retrait de ma candidature, le Conseil m’a donné raison.

Il appartient maintenant aux hommes de média de traiter la question avec toute la vérité, l’honnêteté qui sied en ne parlant plus de tendance Philippe, ni de tendance Soumane, c’est de la mauvaise foi. Si vous le faites, vous allez contre la décision du juge constitutionnel et ce n’est pas bien, ce n’est pas votre boulot. Les choses sont claires, il ne peut pas dire qu’il est PAI. Il faut donner l’information juste parce que nous avons dit que c’était pour trancher une bonne fois pour toute cette question et l’opinion publique nationale et internationale devrait être aujourd’hui informée comme cela a été décidé par le Conseil constitutionnel.

S. : Deux de vos lieutenants, Toundoum Sessouma et Alphonse Bonou ont été « débarqués » du gouvernement dès que vous avez fait acte de candidature, est-ce qu’après la rupture de l’alliance gouvernementale par le CDP vous allez à votre tour, prendre la décision de rompre le pacte que vous avez avec le parti majoritaire au parlement ?

S.T. : D’abord, il faut que je rectifie, ce ne sont pas mes deux lieutenants, ce sont des camarades qui occupent des postes de responsabilité au sein de la direction du parti. Maintenant, il faut reconnaître que nous avons des accords de coopération avec le CDP au niveau de la formation d’une majorité parlementaire et au niveau du gouvernement. Nous n’avons jamais, jamais, jamais eu des accords électoraux de notre existence avec le CDP. Le CDP est incapable de passer des accords électoraux. Il est encombré dans ses affaires.

Nous avons décidé en toute indépendance de poser notre candidature à l’élection présidentielle. Les gens viennent nous dire qu’ils sont attaqués, ils sont énervés, ils ont tort parce qu’il n’y a pas d’accords électoraux entre nous. Quand on dit le PAI, tout le monde connaît ce parti. Il signe toujours des accords et les respecte quel que soit le prix. Mais ce qui n’est pas notre engagement quand on veut nous mêler, nous disons non, quel que soit le prix. Nous sommes libres, nous sommes indépendants et si nous étions incapables d’avoir une indépendance d’esprit, comment pourrions-nous prétendre diriger le pays et promettre construire l’Afrique ?

S. : Si vous êtes élu président le 13 novembre, quelles seront les premières mesures que vous mettrez en œuvre les 100 premiers jours de votre mandat ?

S.T. : Nous sommes en train de nous demander si la première mesure à prendre n’est pas de reporter les élections locales du 12 février 2006 pour les tenir en même temps que les législatives et se donner ainsi au moins un an pour mieux les organiser. Vous savez bien dans quelle pagaille ces élections présidentielles sont organisées. Rien ne tient à la CENI.

Le fichier n’est pas au point, l’organisation sur le terrain aussi. Or c’est la première fois qu’une telle élection se passe au Burkina Faso. Depuis 1948, c’est la première fois que l’on va organiser des élections au niveau de la base. Nous disons que les élections mal organisées conduisent aux crises nationales. Ce sont les détonateurs de petites crises locales qui deviennent nationales.

Dans la mesure où pour ces élections locales, c’est le village qui est retenu, comme circonscription électorale, comment voulez-vous que les villageois aillent élire deux conseillers et lorsqu’ils vont arriver ils constatent qu’il y a la moitié des gens du village dont les noms ne figurent pas sur la liste des électeurs. Ils ne peuvent pas voter. Croyez-vous que vous allez leur expliquer simplement qu’ils n’ont pas leurs cartes d’électeur, ceci ou cela et ils vont accepter et repartir chez eux.

Ce sera une des premières mesures que nous allons prendre, celle de reporter l’organisation des élections locales, les confondre aux législatives et là, nous aurons largement le temps d’avoir une meilleure organisation afin d’instaurer réellement la démocratie à la base. Nous avons dit que les démembrements de la CENI qui organisent les élections actuelles et à venir ont été mises en place de façon irrégulière et illégale.

J’ai écrit une longue lettre au président de la CENI pour lui dire qu’il a appliqué un texte qui n’était pas encore promulgué. On lui a dit de recommencer, il refuse et il s’entête. C’est pourquoi nous disons que cette affaire d’élection est une entreprise autour de laquelle tout le monde bouffe sauf s’occuper de l’essentiel.

On a appris dans la presse qu’on a distribué de l’argent mais figurez-vous, combien nous les candidats nous avons eu ; 100 millions de F CFA comme budget de campagne que nous avons eu à nous distribuer. Même certains organes de presse ont eu plus que nous. Nous allons bientôt être en panne parce qu’on n’aura plus de carburant pour sillonner le pays. Même pour offrir à boire aux gens qui viennent à nos réunions c’est difficile.

On va y réfléchir sur les premières mesures ce n’est pas qu’il manque. Il y a des situations urgentes sur lesquelles il faut agir. Mais il faut tout faire pour parer au plus pressé, ne pas laisser des élections se dérouler le 12 février dans les mêmes conditions que celles-ci, parce qu’elles peuvent être grosses de dangers. Si c’est moi qui suis élu chef de l’Etat le 13 novembre cela veut dire que j’ai battu le CDP et ils ne vont pas être contents. La machine que le CDP avait mise en place ne lui servira plus et on a intérêt, ne serait-ce que pour des questions de sécurité au niveau du pays, à reporter les élections locales.

S. : Les syndicats ont observé deux jours de grève les 26 et 27 octobre derniers pour lutter contre la vie chère, en tant qu’ancien secrétaire général de la CSV, auriez-vous fait la même chose si vous étiez encore à la tête du syndicat. Auriez-vous opté pour la même stratégie ?

S.T. : Non, je n’aurai pas opté pour la même stratégie. On a toujours évité cela du temps où nous étions responsable syndical. Si j’étais au syndicat, c’est sûr qu’on aurait eu notre mot à dire durant la campagne. On aurait écrit, publié nos positions, mais on ne serait pas sorti manifester comme ils ont fait. On aurait surtout posé les problèmes des travailleurs surtout à Blaise parce que lui, cela fait dix-huit ans qu’il est au pouvoir. Les points sur lesquels portent les revendications doivent être assez précis. Il faut que l’on sache les besoins des travailleurs à travers leurs organisations syndicales. Et celui qui va être élu devra en tenir compte.

S. : Si vous êtes élu Président du Faso au soir du 13 novembre, qu’est-ce que vous direz exactement aux syndicats ?

S.T. : Attendez qu’on fasse l’état des lieux, le point de la situation, qu’on voit ce qu’on peut faire. Pas de démagogie. Quand j’étais syndicaliste, je n’étais pas démagogue, ce n’est pas quand je serai chef de l’Etat que je le serai. On va ensemble s’asseoir avec les syndicats pour voir ce qu’on peut faire, parce que l’essentiel c’est la concertation et la confiance. Et si je peux faire quelque chose, je le ferai. Si aussi on est trop coincé au niveau du gouvernement on va expliquer en quoi c’est coincé. C’est comme quand vous m’avez interrogé la dernière fois sur le prix du carburant, eh bien, il faudra trouver un moyen de stabiliser les prix. Les moyens, les systèmes de stabilisation et de péréquation des prix ont existé dans ce pays. Pourquoi aujourd’hui on a liquidé ces choses-là. Il faut qu’au moins une fois au pouvoir, je puisse faire un budget sur un an en tenant compte du prix du carburant. C’est la moindre des choses.

Romaric Ollo HIEN (romaric_hien@yahoo.fr)
Sidwaya

P.-S.

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