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Transformation agricole au Burkina Faso : L’agroécologie, un remède aux changements climatiques

Publié le lundi 31 mai 2021 à 23h20min

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Transformation agricole au Burkina Faso : L’agroécologie, un remède aux changements climatiques

Aujourd’hui, l’agroécologie se positionne comme le modèle agricole qui garantit le bien-être de l’homme et de l’environnement. Nombre de producteurs burkinabè qui ont embrassé ce modèle agricole ont atteint des résultats probants. Utiliser la terre sans la détruire, augmenter les récoltes sans faire usage de l’engrais chimique, de pesticides, ou produire sans détruire l’environnement, c’est le modèle agricole de beaucoup de producteurs burkinabè. Bienvenue dans l’univers de l’agroécologie au Burkina !

« L’agroécologie nous a sauvés, on cultive sain et on mange sain. C’est produire sans détruire, produire en tenant compte de ce qu’on a trouvé sur place, de tout ce qui est vivant dans le sol », résume Souleymane Belemgnegré lorsqu’on lui pose la question sur l’agroécologie. Il s’est lancé dans ce modèle de production agricole depuis 2011, dit-il. Aujourd’hui, il est le coordonnateur de la ferme agroécologique Béo Neeré, située à quelques encablures de Ouagadougou sur la route nationale n°3 (Ouaga-Ziniaré).

Comme la plupart des producteurs burkinabè, Souleymane Belemgnegré passe son enfance dans l’agriculture familiale avec les pratiques traditionnelles qui ont évolué avec l’introduction des produits chimiques. Mais il abandonne toutes ces méthodes grâce à une formation sur l’agroécologie. Il revient sur son histoire : « Au début quand on parlait d’agroécologie, je n’y comprenais pas grand-chose. Par la suite j’ai eu la chance d’avoir des formations sur ces nouvelles pratiques agricoles. Depuis lors, j’ai tout changé, ma manière de cultiver, tout. C’est un travail long et très minutieux dont le résultat a donné cette ferme école et de production agricole que vous voyez (la ferme agroécologique Béo Neeré) ».

Souleymane Belemgnegré, coordonnateur de la ferme agroécologique, Béo Neeré

Introduite au Burkina Faso sous la révolution (83-87), selon l’expert en agroécologie, Abdoul-Razack Belemgnegré, l’agroécologie est aujourd’hui pratiquée par nombre de Burkinabè. Pour la petite histoire, Razack Belemgnegré est le fils aîné de Souleymane Belemgnegré qui a dû abandonner ses études en droit pour se consacrer lui-aussi à l’agroécologie dont il est expert. Il dirige aujourd’hui ensemble avec son père la ferme « Béo Neeré » et ses services sont demandés au-delà du Burkina Faso.

Dans la ferme école de l’association Béo Neeré que nous avons visitée ce 24 mai 2021, on est tenté de dire que tout se passe comme dans un camp militaire. Chaque ouvrier est à son poste. Dans la chaine de la production maraîchère, on a ceux qui cultivent, ceux qui arrosent et ceux qui prennent soins des plants. Dans la chaine de production de la fumure organique, il y a ceux qui charrient le fumier, les feuilles sèches comme fraiches pour le compostage, même si chacun s’y connaît en tout.

« Finis les endettements dus aux achats des produits chimiques »

Depuis 2011, Souleymane Belemgnegré dit n’avoir plus jamais fait usage d’engrais chimique, ni de pesticides dans son champ. « Avant, j’utilisais les engrais, les pesticides et j’étais endetté. Mais depuis 2011 que j’ai opté pour l’agroécologie, je les ai tous abandonnés. J’ai compris que pendant longtemps je détruisais mes terres avec ces produits chimiques, croyant que je leur faisais du bien », regrette ce repenti de l’agriculture conventionnelle. Les principaux facteurs de réussite de l’agroécologie, selon lui, c’est d’abord la fertilisation du sol au travers des pratiques naturelles, notamment le compost, le zaï, les cordons pierreux, les demi-lunes en passant par la protection de tout ce que l’on trouve sur place, sans oublier la végétalisation et le reverdissement du sol.

Vue d’association de culture et d’agroforesterie

Des associations de cultures et de techniques

L’agroécologie, c’est aussi un modèle de production qui fait la promotion de l’association de plusieurs cultures dans un même espace. L’ingénieur agroéconomiste et ancien ministre de l’Agriculture du Burkina Faso, Issa M. Bikienga, la définissait lors d’une conférence publique comme une pratique à cheval entre l’environnement et l’agriculture.

Dans la ferme Béo Neeré, plusieurs variétés partagent le même espace. Des légumes, des tubercules, des fruits et autres se côtoient dans l’harmonie de la nature : une polyculture faite dans l’art. Ce qui est différent de la monoculture pratiquée dans l’agriculture conventionnelle. Au-delà de ces associations de cultures, différentes espèces d’arbres y sont plantées à intervalles réguliers : nimiers, karités, citronniers, anacardiers ou encore manguiers. Et chacun profite de l’autre sans lui nuire. Rien n’est fait au hasard.

Selon l’expert en agroécologie, Abdoul-Razack Belemgnegré, c’est le principe même de l’agroécologie. Et leur association, précise-t-il, est faite en fonction des familles. « Le fait d’associer les cultures, il y a un effet fertilisant du sol qui permet de le restaurer et qui sert de couvert végétal, tout en évitant l’attaque des insectes ravageurs ». L’autre avantage en plus de l’association des cultures, selon l’expert, c’est l’agroforesterie, c’est-à-dire, cultiver sous les arbres.

Abdoul-Razack Belemgnegré, l’expert en agroécologie

Elle sert de microclimat et de brise-vent et les feuilles des arbres permettent d’atténuer l’effet de la chaleur sur les plantes. En plus de l’environnement, explique-t-il, il y a le côté économique. « Parce que lorsqu’on pratique l’agroécologie, on gagne plus. A titre d’exemple, sur un hectare, vous gagnez trois fois plus que quelqu’un qui fait de l’agriculture conventionnelle », foi d’Abdoul Razack Belemgnegré.

Pratique ancestrale améliorée, un remède des changements climatiques

« Ce n’est pas nouveau, nos grands-parents faisaient la même chose. Raison pour laquelle, ils cultivaient toujours sur le même sol pendant des années sans connaître les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. C’est juste le terme qui est nouveau et nous-aussi, nous avons juste amélioré ce qu’ils faisaient », reconnaît le coordonnateur de Béo Neeré, Souleymane Belemgnegré.

« Avec l’agroécologie, nous allons renaître. La biodiversité sera redynamisée, la plante, l’animal, l’homme et tout le reste. C’est indéniablement le meilleur remède pour faire face aux changements climatiques », à en croire Sylvain Korogo, l’un des pionniers en agroécologie. Pour ce praticien, l’agroécologie est particulièrement adaptée aux pays du Sahel où les terres sont arides et les pluies insuffisantes. Sylvain Korogo va plus loin : « Avec l’agroécologie on a la solution à tous les maux que connaît l’agriculture dans les pays sahéliens ».

{Sylvain Korogo, un des acteurs de première heure de l’agroécologie au Burkina Faso}

Mais il regrette l’engagement des politiques pour faire de l’agroécologie un modèle national. « C’est sous la Révolution que nous avons été formés en agroécologie. Nous avons été les premiers élèves formés en son temps. Plusieurs pays de la sous-région sont mêmes venus se former chez nous et continuent de venir. Aujourd’hui, nous avons au minimum une centaine d’associations qui sont engagées et malgré tout, si ça continue de traîner, c’est parce que les politiques ne sont pas encore engagés de façon sincère, parce que c’est une question d’intérêt », pense cet acteur de la première heure de l’agroécologie au Burkina.

Yvette Zongo
Lefaso.net

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