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Colonel-major Pierre Tiendrébéogo, premier DG de l’ONI : « Les exigences de la technique ne sont pas toujours en synergie avec les contraintes financières »

Publié le lundi 10 mai 2021 à 23h25min

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Colonel-major Pierre Tiendrébéogo, premier DG de l’ONI : « Les exigences de la technique ne sont pas toujours en synergie avec les contraintes financières »

Présentement conseiller technique du ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants (MDNAC), le colonel-major Pierre Tiendrébéogo est le premier directeur général de l’Office national d’identification.

Ancien pensionnaire du Prytane militaire du Kadiogo où il obtient en 1979 son baccalauréat série C, il est également titulaire d’une maîtrise de l’université de Ouagadougou. Son parcours professionnel l’a amené successivement à l’Académie militaire du Caire où il est ressorti comme officier d’active de l’Armée de terre puis par la suite, en 1988 et en 1990, au centre de formation des analystes informaticiens à Paris et à l’Ecole des Transmissions à Fort Gordon aux Etats-Unis d’où il obtint le diplôme d’ingénieur informaticien. Il est également titulaire d’un Master of Business Administration de l’Université de Moncton. Dans cet entretien, il nous parle de l’évolution de la structure chargée de l’identification des Burkinabè.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous retracer l’historique de l’ONI ?

Colonel-major Pierre Tiendrébéogo : Le Burkina Faso, anciennement Haute-Volta, à l’instar des autres colonies françaises qui ont accédé à l’indépendance en 1960, a institué selon les dispositions de la Loi No25-60/AN du 3 février 1960, la carte d’identité nationale appelée alors carte du citoyen voltaïque.

Depuis cette date, cette loi a connu des changements au gré de l’environnement socio-politique. Ainsi en 1976 l’ordonnance No -76-031/Pres/IS/DGI/J du 31 décembre 1976 instituait la Carte Nationale d’Identité Voltaïque en abrégé ‘’ CNIV ‘’. A l’avènement de la révolution en 1984 suivi du changement de nom du pays CNR/PRES du 4 août 1984, l’ordonnance N°-84 – 84-046/ a été prise pour instituer désormais la Carte d’Identité Burkinabè.

Enfin à la faveur du vent de démocratisation dans les années 1990, l’Assemblée nationale a adopté en sa séance du 16 mai 2001, la Loi N°2001-005/AN portant l’institution de la Carte Nationale d’Identité Burkinabè ‘’ CNIB’’.

Quels sont le contexte et la justification de l’avènement de la CNIB ?

Avant l’avènement de la CNIB, la CCV, la CNIV et la CIB étaient chacune constituées d’une carte d’imprimerie en papier pliable avec un texte gravé en machine mécanique de dactylographie, une photo du demandeur était collée au coin gauche ; le numéro était tapé à la machine mécanique et la signature de l’autorité en bas du document à droite. De ce descriptif du document, il apparait plusieurs failles pour la falsification de cette carte, le papier d’imprimerie, la multiplicité des autorités signataires et bien sûr l’inexistence d’aucun élément de sécurité. Avec l’avènement des TIC notre carte d’identité nationale faisait l’objet de fraude massive, tous les actes de la vie civile étaient soumis à rude épreuve par les faussaires en tout genre qui ne manquaient d’imagination et d’ingéniosité.

Au regard des insuffisances ci-dessus mentionnées, il apparaissait nécessaire voire indispensable d’aller au changement de méthode et d’outils à même de garantir la sécurité et la fiabilité de notre carte d’identité. Le nouveau système d’émission préconisé par les dispositions de la Loi N° 2001-005/AN portant institution de la Carte Nationale d’Identité Burkinabè vise à apporter la solution aux défaillances ci-dessus constatées. Le nouveau système comporte une base de données centralisée avec l’introduction d’éléments de sécurité non falsifiables, non contrefaits.
La création de l’ONI, office national d’identification, répond à cet impératif d’organisation à même de faciliter et de soutenir les exigences de la technologie (TIC).

Quand vous étiez aux affaires, est ce que l’ONI arrivait à satisfaire les demandeurs de cartes sur le territoire burkinabè ?

Comparaison n’est pas raison, il faut restituer les résultats dans leur contexte ; en effet nous étions au début de l’institution de la CNIB, l’ancienne carte était toujours d’actualité, les Burkinabè pouvaient encore en faire usage. Puis la CNIB a fait son chemin, nous avons œuvré à l’installation et à l’implantation de la CNIB dans toutes les contrées du Burkina par l’entremise des équipes mobiles que nous avions formées et déployées sur le terrain.

Selon les termes de l’étude économique, organisationnelle et financière qui a suivi l’adoption de la Loi instituant la nouvelle carte d’identité burkinabè en septembre 2004, il avait été prévu le déploiement d’équipes mobiles pour rapprocher les usagers du système d’émission de la carte, au demeurant, à la pratique, les forces de sécurité intérieure ne disposaient pas d’effectifs à même de remplir cette mission. C’est ainsi que nous avons été amenés à créer des équipes de contractuels formés pour l’essentiel de policiers, de gendarmes et de militaires à la retraite (Eléments disciplinés et en bonne santé). Ces derniers ont été formés à la technique d’enrôlement et de traitement des données collectées.

Depuis ce temps et du fait du rapprochement des usagers du système d’émission, la demande a augmenté de manière exponentielle, toute chose qui a rendu insuffisante l’offre par rapport à la demande de CNIB. Pour satisfaire à cette requête des populations, il a été prévu dans cette étude organisationnelle, économique et financière la mise en place des centres d’émission régionale à même de juguler l’affluence. Ce manquement est dû pour l’essentiel aux contraintes financières qui n’ont pas permis d’opérer un déploiement diligent de ces centres. A notre départ de l’institution il avait été possible d’installer seulement le centre de Bobo. L’équipe de direction actuelle de l’ONI s’active en ce moment à la mise en œuvre de ces centres secondaires de production, ce qui va sans doute permettre de répondre à terme et de manière rapide aux demandes des usagers.

Qu’en est-il des passeports ?

Les passeports constituent un sous-ensemble de la base de données de la CNIB, si l’on considère que chaque détenteur de passeport burkinabè est un Burkinabè à part entière disposant de sa CNIB, d’où l’intérêt d’arrimer ces deux bases de données permettant ainsi le contrôle et l’authentification des données collectées. A la suite de l’installation du système d’émission de la carte, nous avons procéder à la mise à jour et au changement de design du passeport burkinabè.

Quel est le nombre de cartes produites en 2009 ?

Au regard des impératifs du moment, les élections présidentielle et législatives de 2010, le système de production de carte d’identité tournait 24 /24 avec des équipes rotatives, ce qui nous amenait à une production de quinze mille cartes par jour (15 000). Toutefois nous avions élaboré un schéma avec une augmentation des équipes de saisie et de traitement qui devraient nous amener à une performance de vingt-cinq mille (25 000) par jour. Cette nouvelle configuration a eu quelques difficultés de mise en œuvre pour des contraintes financières après mon départ de l’institution.

La première carte a été décernée à Mme Monique Ilboudo, alors ministre des Droits humains ; c’était à l’occasion de la journée des droits humains célébrée chaque année le 10 décembre.

Et le montant d’une CNIB ?

Faisant suite à l’adoption de la loi portant institution d’une nouvelle carte d’identité qu’une étude de faisabilité a été menée pour s’assurer de la viabilité du projet (Etude organisationnelle et financière en date du 20 septembre 2004). Il était ressorti de cette étude que pour que le projet puisse à terme avoir une autonomie financière, les usagers devraient débourser la somme de 2500 Fcfa soit 1200 Fcfa pour les frais de timbre (Trésor Public, ces frais devraient contribuer au remboursement de l’investissement de départ assuré par le budget national) et 1300 Fcfa pour le fonctionnement de l’ONI.

C’est lors de la journée du citoyen le 1er décembre, qui a vu également le lancement de la nouvelle carte d’identité burkinabè, que le Royaume des Pays-Bas a annoncé au gouvernement du Burkina Faso sa contribution à notre projet de carte d’identité à hauteur de trois milliards (3 000 000 000) de Fcfa pour permettre à l’ONI de délivrer aux populations du monde rural au montant de cinq cents (500) FCFA. Cette annonce a été suivie de la signature d’un protocole entre le Gouvernement du Burkina Faso et le Royaume des Pays-Bas.

Quel était le budget de fonctionnement de l’ONI ?

Le budget de l’ONI pour l’exercice de l’année 2008 s’équilibrait en recettes et en dépenses à la somme de trois milliards huit cent quarante-six millions six cent quatre mille (3 846 604 000 FCFA)

-  Soit en recettes : - vente des CNIB pour 1 084 400 000 et les subventions issues du budget national et de la contribution du Royaume des Pays-Bas pour 2 762 204 000 FCFA.

-  Dépenses : - Frais de timbres non reversés au Trésor public 284 960 284 ;
-Dépenses de fonctionnement 1 178 175 191 FCFA ;
- Frais de renouvellement des passeports 250 000 000 FCFA ;
- Arriérés de paiements des prestataires de service : 2 418 428 809.

Quels sont vos bons moments et vos souvenirs de votre passage à l’ONI ?

-  L’aide budgétaire pour accompagner le gouvernement du Burkina Faso dans le projet de la nouvelle carte d’identité était assortie de conditionnalités ; nous devions produire 328 000 cartes pour pouvoir bénéficier du déblocage de la seconde tranche de l’aide budgétaire. Les difficultés financières que nous avions citées plus haut ne nous ont pas permis d’être au RDV. A la suite d’une réunion avec l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas, le gouvernement du Burkina Faso a pris l’engagement de tenir promesse pour la date du 10 août 2007 pour atteindre les 328 000 cartes délivrées au profit des populations rurales. Ainsi nous étions soumis à la pression d’arriver aux résultats et d’assurer la mise en œuvre effective de l’engagement pris par la hiérarchie pour un délai de trois mois (nous étions au 15 mai 2007).

A l’issue de cette concertation que nous avons soumise à toute l’équipe dirigeante la problématique de l’atteinte des objectifs fixés par notre hiérarchie. En communion avec l’ensemble de l’équipe dirigeante, nous avons dégagé les actions à mener et les activités à réaliser par chaque composante. A l’échéance fixée nous avions dépassé le nombre à atteindre, nous étions à 400 000 cartes délivrées le défi était donc relevé, ce qui nous a valu les encouragements et les félicitations de la hiérarchie et bien sûr de la partie du Royaume des Pays-Bas.

-  A l’aune de ces développements, nous voulons exprimer notre gratitude à l’équipe des contractuels retraités qui en dépit des effets de l’âge n’ont ménagé aucun effort pour soutenir nos initiatives et ont fait leur la vision et les objectifs que la hiérarchie nous avait assignés. Certains ne sont plus de monde, nous exprimons à leurs familles nos sentiments de profonde compassion. Nos encouragements vont également à l’ensemble du personnel de l’époque de l’ONI pour leur mobilisation effective en faveur de l’atteinte des résultats attendus.

-  Notre gratitude et notre reconnaissance vont à l’endroit de notre hiérarchie de l’époque en l’occurrence les différents ministres qui se sont succédé à la tête du département, le général Bassolet Djibril et le colonel Sawadogo Assane qui de par leur bienveillance nous ont encouragés et soutenus dans nos initiatives et actions.

Avez-vous des regrets ?

De par le cheminement que nous avons vécu depuis notre nomination jusqu’à la fin de notre mandat à la tête de l’ONI, nous apprenions à nos dépends que les exigences de la technique ne sont pas toujours en synergie avec les contraintes de la gestion financière. Ainsi le projet aurait pris du retard non pas par difficulté de mise en œuvre du processus technique mais par manque de moyens d’accompagnement financier.

Et pour finir ?
Nos encouragements et félicitations à l’équipe actuelle de l’ONI. Je les invite à la persévérance dans l’effort afin de répondre aux attentes des populations.

Entretien réalisé par Lefaso.net

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