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Chronique de la métamorphose du Burkina Faso de Blaise Compaoré (19)

Publié le jeudi 27 octobre 2005 à 08h09min

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Pour la deuxième fois, Blaise Compaoré prête serment en décembre 1998

Le Burkina Faso a accueilli, du 8 au 10 juin 1998, le 34ème sommet des chefs d’Etat de l’OUA. La coordination de l’opération avait été confiée à un diplomate, conseiller à la Présidence du Faso, Moumouni Fabré. Ambassadeur à Bonn (1988-1991) puis ambassadeur à Téhéran (1992-1997), Fabré a pu capitaliser l’expérience de Ouaga en matière de manifestations internationales.

Il n’y a pas d’exemple, en Afrique, d’un pays qui ait su initier et gérer deux manifestations internationales pérennes : le Fespaco et le SIAO. Le Fespaco en est aujourd’hui (en 2005, il s’entend), à sa 19ème édition et le SIAO à sa 9ème édition. Et l’un comme l’autre se portent de mieux en mieux. Par ailleurs, en 1996, Ouaga avait accueilli le sommet France-Afrique. C’est dire que l’organisation du sommet de l’OUA nécessitait une attention de tous les instants mais ne suscitait pas d’angoisse particulière.

Pour l’essentiel, les infrastructures existaient. En quelques années, les "réceptifs hôteliers ", selon le jargon de la profession, se sont multipliés. Et, surtout, avait été créé le site Ouaga 2000. Ouaga 2000, c’est l’expression de la capacité d’anticipation des dirigeants de ce pays. Quand le projet en a été lancé, au début de la décennie 1990, Ouaga est encore, pratiquement, cette capitale à l’identique de ce qu’elle avait été sous la colonisation française.

Le "territoire autonome militaire" puis la colonie de Haute-Volta n’ont guère passionné les urbanistes et architectes français qui préféraient se soucier de la presqu’île du Cap-Vert. Réservoir de main-d’oeuvre pour l’ensemble de l’AOF, la colonie avait besoin d’une administration mais pas d’un plan d’urbanisation : on y construisit des alignements de maisons en terre, toutes sur le même modèle, dans des quartiers spontanés et pas viabilisés. Du provisoire qui allait durer, l’urbanisation en damier organisant la ségrégation entre une zone d’habitat traditionnel, une zone résidentielle pour les fonctions administratives, commerciales, etc.

Ce n’est qu’en 1966 que sera créée une direction de l’urbanisme et de l’habitat ; un schéma directeur d’aménagement de Ouaga sera élaboré par le bureau d’études Chomette mais jamais approuvé. Ouaga va, année après année, occuper les espaces disponibles (l’agglomération ouagalaise ne compte que 112 habitants/hectare). La "révolution" de 1983 va faire exploser la politique de lotissement (ce que l’on a appelé, également, "les lotissements commandos"). Qui n’était pas, pour autant, une urbanisation.

Ouaga 2000, c’est l’autre capitale. Ce qu’est Washington pour New York ; enfin, presque. La présidence du Faso s’y installe avec les ministères et les grandes institutions. Et, surtout, les "élites" locales et internationales. On y trouve, effectivement, la plus forte concentration des plus belles villas de l’Afrique de l’Ouest (Dakar excepté qui, il est vrai, bénéficie de l’attrait d’être une ville océane) ; belle revanche sur "Cocody" et "La Rivièra" à Abidjan !

Avec, à terme, 130 habitants/hectare, Ouaga 2000 sera un peu plus densifié que Ouaga ; son plan d’aménagement s’articule autour de modules (les "unités de voisinage ") en équipements sociaux et collectifs. Ouaga 2000 n’est pas qu’une zone résidentielle et administrative ; c’est aussi une zone d’habitat (y compris d’habitat social) et un pôle d’activité créateur d’emplois tertiaires. Le financement du projet est assuré tout à la fois par les fonds publics et les investisseurs privés. C’est aussi et surtout un pôle d’attraction pour les investissements internationaux.

Ouaga 2000 a donc permis l’accueil, dans de bonnes conditions, des chefs d’Etat ayant participé au sommet France-Afrique de 1996 et au sommet de l’OUA de 1998. Ce n’est pas, pour autant, que l’aménagement de Ouaga a été oublié ; loin de là, le centre-ville va faire l’objet, tout au long de ces années, d’un plan de modernisation (et d’assainissement) qui y facilitera la vie quotidienne.

Bien évidemment, le centre de gravité de la capitale se retrouve, désormais, bien plus au sud, au-delà de la Patte d’Oie, et il y a urgence à construire un nouvel aéroport international, la plateforme aéroportuaire se trouvant, plus que jamais, encastrée dans la ville empêchant, du même coup, son développement vertical. Ouaga justifie ainsi sa nouvelle devise : "Waogdg ra yees beoogo" ("Ouagadougou n’aie pas peur de l’avenir ") !

1998 sera une année chargée pour Compaoré. Il va mener de front sa présidence de l’OUA et sa campagne pour la présidentielle 1998. La présidence de l’OUA c’est, tout d’abord, l’interminable suite de réceptions de personnalités et les multiples déplacements à l’étranger. Y compris une visite à Accra chez le capitaine Jerry John Rawlings, du 17 au 19 août 1998, la première depuis son accession au pouvoir, et à New York, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies (il se rendra également à Atlanta, dans le sud des Etats-Unis : c’était la première incursion de Compaoré en terre US : "Ici, il faut être très puissant pour ne pas se laisser détruire ") où le Burkina Faso symbolise tout à la fois, la "révolution marxiste ", le soutien à Charles Taylor et l’amitié avec le leader libyen, Kadhafi (qui a financé massivement la tenue du sommet de l’OUA et qui participe tout aussi massivement au financement de Ouaga 2000).

Compaoré y va également de son petit "livre vert". Cela s’appelle "Les Voies de l’espérance" et dresse, en moins de 70 pages, l’état des lieux de l’Afrique et, naturellement, du Burkina Faso. Compaoré y souligne ce qui apparaît comme la clé de sa réussite : "la capacité de s’adapter" dont il dit qu’elle est la "vraie diplomatie" sans que l’on sache s’il évoque seulement les relations internationales ou, également, les relations politiques.

"Les Voies de l’espérance" seront officiellement lancées le 24 août 1998 tandis que Compaoré est en Afrique du Sud, à Durban, où il participe au sommet des Non-Alignés. C’est Sanné Topan avec qui j’avais, voici quelques années, arpenté la vallée du Sourou, dans l’extrême nord-ouest du Burkina Faso, directeur du cabinet à la présidence du Faso, qui en fera la présentation. On peut penser qu’il n’est pas étranger à certaines conceptualisations ("pluralisme convergent ", "économie de proximité ", etc.). Le journaliste burkinabè Cyriaque Paré va en rendre compte, longuement, dans Marchés Tropicaux dont il est le correspondant (4 septembre 1998).

Occupé qu’il est à gérer les affaires de l’Afrique (il va s’investir notamment dans la recherche de la paix entre Ethiopiens et Erythréens), Compaoré ne se souciera pas beaucoup de sa présidentielle. Personne ne pense, d’ailleurs, qu’il est en danger.

Un congrès extraordinaire de son parti, le CDP, se tiendra eu 4 au 6 septembre 1998 pour désigner son candidat. Ce sera lui. Quant à l’opposition elle sera, une fois encore, réduite à sa portion congrue : les principaux leaders (le vieux Joseph Ki Zerbo et "l’héritier" : Hermann Yaméogo, chefs de fil du Groupe du 14-F évrier qui rassemble neuf partis d’opposition) ont décidé le boycott et seuls restent en lice Ram Ouédraogo et Frédéric Guirma.

Le dimanche 15 novembre 1998, Compaoré va être réélu pour un nouveau septennat. Avec 87,53 % des voix et un taux de participation de 56,08 % (il n’était que de 25 % en 1991).

Dans Jeune Afrique (24-30 novembre 1998), Zyad Liman écrira : "La stratégie de la chaise vide choisie par l’opposition [...] s’apparente à un suicide politique. Il lui faudra des mois, voire des années, pour s’en relever. Des mois ou des années aussi pour qu’émerge une nouvelle génération de leaders, plus jeunes et tenant un discours plus tranchant ". Le slogan du candidat Compaoré promettait "un avenir tranquille ". Il ne le sera pas !

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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